L DICTIONNAIRE DE MAXIMES * PARIS. — IMPRIMERIE DE CASIMIR, RUE DE LA VIEILLE- MO 5 KA.IE, K° 12. DICTIONNAIRE DE MAXIMES, ou CHOIX DE MAXIMES, PENSÉES , SENTENCES, RÉFLEXIONS ET DÉFINITIONS EXTRAITES DES MORALISTES ET DES ECRIVAINS TANT ANCIENS QUE MODERNES; Jtor Jl. 3, J. <&. %rnitj)iitti< PARIS. A. J. KILIAN, LIBRAIRE, RUE DE CHOISEUL, H° 3. 1828. f \\ « Les maximes , et les axiomes , a dit « Chamfort, sont l'ouvrage des gens d'es- « prit, qui ont travaillé à F usage des es- « prits médiocres ou paresseux. Le pares- « seux s'accommode d'une maxime, qui « le dispense de faire , lui-même , les ob- « servations qui ont mené Fauteur de la « maxime au résultat dont il fait part à « son lecteur. Le paresseux, et Fhomme « médiocre, se croient dispensés d'aller « au-delà, et donnent à la maxime une « généralité que Fauteur, à moins qu'il « ne soit lui-même médiocre (ce qui ar- « rive quelquefois), n'a pas prétendu lui « donner. L'homme supérieur, saisit tout « d'un coup les ressemblances , les diffé- « rences, qui font que la maxime est plus « ou moins applicable à tel ou tel cas , ou « ne F est pas du tout. » Ce qui est vrai des maximes , en parti- * * * culier, Test bien davantage encore d'une collection de maximes, sentences et ré- flexions. On aime à retrouver les mêmes sujets traités par différens auteurs ; on compare leurs idées , leurs sensations ; on cherche à deviner la tournure de leur es- prit, à la manière dont ils les ont expri- mées; on examine le point de vue sous lequel chacun d'eux a envisagé les mêmes objets; et ce travail, quand il est appliqué à la morale, devient d'une grande utilité, puisqu'il a pour résultat de l'insinuer plus facilement dans l'âme , et de la graver plus profondément dans l'esprit. Tel est le but du livre que nous offrons au public. La liste des écrivains et des moralistes, de tous les temps, et de tous les pays , qui en ont fourni les matériaux , présente une réunion imposante d'hommes recommandables par leurs vertus et par leurs écrits. Les uns, sont connus par leur amour pour la sagesse et la vérité; les autres , par leur respect pour la religion , dont ils étaient les organes; et tous, par * * * cet intérêt sacré qui porte l'homme supé- rieur, ou l'écrivain philosophe, à proposer et à défendre les principes éternels de la religion , de la morale et de la vertu ; sources du bonheur et de la félicité. Ce livre aura encore un autre genre d'utilité. Aux heureux du siècle, il procu- rera des momens agréables, en exerçant leur esprit , en le nourrissant ; et souvent aussi, en les débarrassant d'une portion de ce temps qui , quelquefois , leur paraît si lourd. Aux malheureux, il offrira des consolations : ils y apprendront l'art si difficile, et pourtant si nécessaire, de la résignation philosophique ou religieuse, seul remède aux maux inévitables qui affli- gent l'espèce humaine. Aux hommes mûrs, pour lesquels la vie intellectuelle et la mé- ditation ont des charmes, il rappellera leurs études et leurs lectures, et les ramè- nera, pour ainsi dire, dans la société des sages et des philosophes, dont les écrits ont fait les délices de leur jeunesse. Aux jeunes gens, enfin, la lecture attentive de ne rassasie point le désir de l'avare. Publius Sjrus. L'avare ne songe au pauvre que pour ne point le devenir, et au riche que pour accroître ses richesses. B on Massias. L'avare est privé des biens qu'il possède autant que de ceux qu'il n'a pas. Publius Syrus. Les avares, comme les ambitieux, ne sont jamais satisfaits de ce qu'ils ont obtenu. Richardson. Zlvavice. L'avarice est la dernière et la plus absolue de nos passions. F'auvenargues. L'avarice est plus opposée à l'économie que la libéralité. La Rochefoucauld. L'extrême avarice se méprend toujours ; il n'y a point de passion qui s'éloigne plus souvent de son but, ni sur qui le présent ait tant de pouvoir, au préjudice de l'avenir. La Rochefoucauld. L'avarice juge comme l'ambition, avec cette dif- / t C> DICTIONNAIRE feren.ce, que l'une est agitée par l'espérance, et l'autre par la crainte. Duclos. L'avarice est la plus vile, mais non pas la plus malheureuse de nos passions. Duclos. L'avarice annonce le déclin de Page et la fuite précipitée des plaisirs. Vauvenargues. L'âge et les réflexions guérissent d'ordinaire les autres passions , au lieu que l'avarice semble se ra- nimer et prendre de nouvelles forces dans la vieil- lesse. Massillon. L'avarice et l'ambition sont plus mécontentes de ce qu'elles n'ont pas , qu elles ne sont satisfaites de ce qu'elles possèdent. Fénélon. La pauvreté manque de beaucoup de choses , l'avarice manque de tout. La Bruyère. L'avarice ravit aux autres pour se refuser à elle- même. Sénèque. L'avarice produit souvent des effets contraires : il y a un nombre infini de gens qui sacrifient tout leur bien à des espérances douteuses et éloignées -, d'autres méprisent de grands avantages à venir pour de petits intérêts présens. La Rochefoucauld. DE MAXIMES. 4 7 L'avarice est une extrême défiance des événemens qui cherche à s'assurer contre les instabilités de la fortune par une excessive prévoyance , et manifeste cet instinct avide, qui nous sollicite d'accroître, d'étayer , d'affermir notre être. Basse et déplorable manie , qui n'exige ni connaissances , ni vigueur d'esprit , ni jeunesse ; et qui prend par cette raison, dans la défaillance des sens, la place des autres passions. V^auvenargues . Tout homme pécunieux est avaricieux à mon gré. Montaigne. L'avarice ternit toute la gloire : on a dit qu'il y avait d'illustres scélérats , mais on n'a pas dit qu'il y eût d'illustres avares. Voltaire. L'avarice est un tyran bien cruel : elle ordonne d'amasser et défend l'usage de ce qu'on amasse ; elle irrite le désir et interdit la jouissance. Plutarque. Quand on n'agit que par le bas motif de l'amour de l'argent , on ne met jamais dans ses actions au- cune vérité , ni dans son zèle aucun véritable atta- chement. J.-J. Rousseau. L'avarie^ est dans l'homme un oubli de l'honneur et de la gloire , quand il s'agit d'éviter la moindre dépense. TJiéophraste. 48 DICTIONNAIRE avenir. Que chacun examine sa pensée, il la trouvera tou- jours occupée au passé et à l'avenir ; nous ne pen- sons presque point au présent-, et si nous y pensons, ce n'est que pour en prendre la lumière pour disposer l'avenir. Le présent n'est jamais notre but : le passé et le présent sont nos moyens -, le seul avenir est notre objet. Ainsi nous ne vivons jamais, mais nous espérons de vivre-, et nous disposant toujours à être heureux , il est indubitable que nous ne le serons jamais, si nous n'aspirons à une autre béatitude qu'à celle dont on peut jouir en cette vie- Pascal. L'incertitude de l'avenir est un plus grand bien qu'on ne s'imagine. La vie n'est déjà que trop courte: combien la vue du terme l'abrégerait - elle davan- tage ! Notre amour naturel pour notre conservation nous fixerait avec horreur à cet instant qui doit finir nos jours : au lieu que la nature en nous le cachant laisse un grand espace à notre espérance, et nous épargne un spectacle qui répandrait la frayeur sur toute notre vie. Combien de gens sont enlevés dès leur jeunesse ou dans la vigueur de leur âge! Ils mourraient mille fois avant le terme, s'ils savaient leur fin si prochaine; mais ils espèrent tous atteindre à l'âge le plus reculé , et ils ne perdent leur erreur qu'avec la vie : ceux même de qui la DE MAXIMES. fe vieillesse est une espèce de prodige , ne sauraient encore discerner leur dernier moment. Où est celui que la mort ne surprend pas dans des projets , qui en auraient encore enfanté de nouveaux, si un plus long âge avait permis l'accomplissement des premiers? Lamolte. Dans ce monde on ne saurait être en patience ce qu'on y est : on anticipe toujours sur ce qu'on fera. Le présent n'est qu'un instant, et les hommes n'y veulent pas borner toutes leurs vues ; ils les étendent le plus qu'il leur est possible , et ils gagnent quelque chose sur l'avenir , car l'avenir est le grand leurre des hommes : c'est ce qui avait mis dans les siècles passés les astrologues si fort à la mode ; et quoiqu'on en soit désabusé, on ne se désabusera jamais de tout ce qui regarde l'avenir ; il a un charme trop puis- sant. Les hommes sacrifient ordinairement tout ce qu'ils ont à une espérance -, et tout ce qu'ils avaient, et ce qu'ils viennent d'acquérir, ils le sacrifient en- core à une autre espérance. On dirait qu'ils cher- chent à s'ôter des mains ce qu'ils tiennent \ on ne se soucie guère d'être heureux dans le moment où l'on est : on remet à l'être dans un temps qui viendra , comme si ce temps qui viendra devait être autrement fait que celui qui est déjà venu . Fontenelle. Il faut l'avouer, le présent est pour les riches, l'avenir pour les vertueux et les habiles. • La Bruyère. 5o DICTIONNAIRE Il n'y a plus de paix pour l'homme qui s'inquiète de l'avenir, qui se rend malheureux même avant le malheur, qui prétend s'assurer jusqu'à la fin de sa vie la possession des objets auxquels il attache son bonheur. Le repos est perdu pour un tel homme ; l'attente de l'avenir lui enlèvera même le présent dont il pourrait jouir. Le regret et la crainte des pertes sont deux états également douloureux pour l'âme. Sénèque. DE MAXIMES. Beauté. Tous les sujets de la beauté ne connaissent pas leur souverain. Vauvenargues. le La beauté est une lettre de recommandation dont crédit n'a pas de durée. *** Il ne sert de rien d'être jeune sans être belle, ni d'être belle sans être jeune. La Rochefoucauld. La beauté est une pièce de grande recommanda- tion au commerce des hommes. Elle se présente au devant, séduit et préoccupe notre jugement avec une grande autorité et merveilleuse impression. C'est le premier moyen de conciliation des uns aux autres , et n'est homme si barbare et si rechigné qui ne se sente aucunement frappé de sa douceur. La beauté de la taille est la seule beauté des hommes : les autres beautés sont pour les femmes. Montaigne. La beauté du corps est un grand don de la nature , et sert à l'homme d'une sorte de recommandation de l'homme: elle a, comme l'aimant, une certaine vertu secrète qui attire l'admiration des mortels. Oxensliern . La beauté de l'esprit donne de l'admiration, celle 52 DICTIONNAIRE de l'âme procure* l'estime, et celle du corps inspire l'amour. L'esprit , il est vrai , peut causer des pas- sions , mais le corps recueille le profit des passions que l'esprit a 'inspirées. Fontenelle. Un beau visage est le plus beau de tous les spec- tacles , et l'harmonie la plus douce est le son de la voix de celle que l'on aime. La Bruyère. L'agrément est arbitraire ; la beauté est quelque chose de plus réel et de plus indépendant du goût et de l'opinion. La Bruyère. L'excellence de l'h omme ne consiste pas dans sa bonne mine. La vertu , les qualités du cœur et de l'esprit, voilà sa véritable beauté. Saadi. Quelque haut qu'une beauté porte la tête, elle touche des pieds à la terre. Pend-Attar. Men. Le vrai bien consiste en ce qui est honnête, et le mal en ce qui est honteux. Marc-Aurèle. Dès que l'homme s'imagine que la vie est le sou- verain bien, il dégrade son âme. Platon. Le premier pas vers le bien est de ne pas faire le mal. J.-J. Rousseau. DE MAXIMES. il Le véritable bien ne se trouve que dans le repos de la conscience. Sénèque. Les biens qui nous viennent de la prospérité se font souhaiter, mais ceux qui viennent de l'adver- sité attirent l'admiration. Sénèque. Dire également du bien de tout le monde est une petite et une mauvaise politique. ï^auvenargues. Le meilleur de tous les biens , s'il y a des biens , c'est le repos , la retraite et un endroit qui soit son domaine. La Bruyère. On fait souvent du bien pour pouvoir impuné- ment faire du mal. La Rochefoucauld. Assez de gens méprisent le bien, mais peu sa- vent le donner. La Rochefoucauld. Bienfaisance. Je sais que la bienfaisance n'est pas toujours un sentiment pur. Mais celui qui , dans le bienfait qu'il a reçu, cherche une intention vicieuse, commence par en être indigne; et, quand même l'intention du bienfaiteur serait l'espérance qu'on lui suppose d'un échange de bons offices , ou d'un retour de bien- 5 f DICTIONNAIRE veillance, ce motif n'est pas généreux, mais il est juste et naturel. Exiger dans la bienfaisance un dés- intéressement absolu, c'est la morale des ingrats. Je conviens cependant que plus d'un bienfaiteur, soit en exagérant le prix de ses bienfaits , soit en exigeant de celui qui les a reçus une servile dé- pendance , lui en fait souvent une si lourde chaîne , qu'il le dispense de la chérir. Je conçois même que , pour un coeur noble et sensible , le seul reproche du bienfait en rende le poids accablant : heureux s'il peut s'en délivrer en s'acquittant, et le plus tôt pos- sible ! mais quand même il n'est pas en son pouvoir de s'acquitter, il lui reste encore dans sa dure posi- tion un moyen de remplir avec bienséance le devoir qu'il s'est imposé : c'est de se tenir dans les bornes d'une réserve sage et modeste, sans froideur, sans éloignement, attentif à ne laisser échapper rien d'humiliant pour l'homme vain qui abuse de l'avan- tage , et de marquer, par une conduite mesurée et décente , qu'il lui est redevable , mais qu'il ne lui est pas vendu. C'est ainsi qu'il conciliera ce qu'il doit à son bienfaiteur, et ce qu'il se doit à lui-même*, et que, dans sa conduite et dans ses sentimens , le juste et l'honnête seront d'accord. Car ces deux qualités morales, qui dans nos actions devraient toujours aller ensemble et se trouver d'accord , ne le sont pas toujours -, et les concilier fut , dans les anciennes écoles , l'un des points les plus délicats. Marmontel. DE MAXIMES. 55 Il faut un goût bien délicat pour être vraiment bienfaisant. Ce goût est peut-être plus rare encore que celui des arts. Malesherbes. C'est un grand plaisir que de rencontrer les yeux de celui à qui Ton vient de donner. La Bruyère. La bienfaisance est plus commune que la recon- naissance 5 c'est notre orgueil qui en est la cause : celui qui donne , jouit de la supériorité qu'il croit avoir sur celui qui reçoit. C le de Se'gur. Une éducation dont les principes ne tendent point à la bienfaisance, quelque brillante qu'elle soit d'ailleurs , est mauvaise -, la seule qualité de bien- faisant emporte avec elle toute l'étendue des devoirs de la morale. Dumarsais, La bienfaisance ressemble à l'amour : pour eni- vrer l'âme de ses faveurs les plus douces, elle a besoin comme lui de l'ombre du mystère. M. Droz. Tel est l'attrait de la bienfaisance, que si nous refusons de la pratiquer, nous aimons encore ce qui peut nous en retracer l'image. Un roman nous émeut-, des scènes pathétiques nous attendrissent au théâtre; mais, laissant la réalité pour l'appa- rence, nous n'embrassons que l'ombre du plaisir. M. proz. 56 DICTIONNAIRE Rien n'est plus conforme à la nature de l'homme que la bienfaisance-, mais elle doit connaître des lois. Prenons garde si nos bienfaits ne nuisent point aux autres , et ne tournent pas contre ceux même qui en sont l'objet -, si notre libéralité ne l'emporte pas sur nos moyens, et si nos présens répondent au mérite de ceux qui les reçoivent; car c'est là le fon- dement de la justice , à laquelle toutes nos actions doivent être subordonnées. Cicéron. La bienfaisance est le sommaire de toutes les vertus. Saadi. La bienfaisance est expliquée par le mot même. Vouloir et faire constamment du bien -, employer à cela sa fortune , son crédit et ses soins 5 y trouver du plaisir, et n'avoir pas besoin d'autre récompense, c'est être bienfaisant. En ceci l'homme bienfaisant ressemble à l'homme généreux. Mais en quoi ils dif- fèrent, c'est que le premier ne sert les hommes qu'avec les faveurs qu'il a reçues de la fortune , et que le second les sert de toutes les facultés de son âme. Son génie , son courage , ses espérances , ses plaisirs , sa vie même -, il donne tout , et ne regrette rien. M. Lacretelle aîné. La bienfaisance , ainsi que les autres vertus , ne vieillit jamais ; elle s'améliore avec l'âge , et devient une habitude. C u de Ségur. DE MAXIMES. 5 7 Il faut, autant qu'on peut, obliger tout le monde : On a souvent besoin d'un plus petit que soi. La Fontaine. iUntfatt Un bienfait qui se fait trop attendre est gâté quand il arrive. Oœenstiern. m Les bienfaits qui ne ramènent pas un ennemi , ne servent qu'à l'aigrir. Duclos. L'auteur d'un bienfait est celui qui en recueille le fruit le plus doux. Duclos. Souvent l'obligé oublie le bienfait , parce que le bienfaiteur s'en souvient. Malesherbes. Il n'y a rien qui vieillisse sitôt qu'un bienfait. Aristote. Oublie les injures, jamais les bienfaits. Confucius. L'ingratitude même ne doit pas nous empêcher de faire du bien, car il vaut mieux encore que les bienfaits se perdent dans les mains des ingrats que dans les nôtres. Saadi. Tous les bienfaits ne partent pas de la bienfai- sance. Duclos. 58 DICTIONNAIRE Le bienfaiteur est quelquefois aussi éloigné de la bienfaisance, que le prodigue Test de la générosité. Duclos. L'ingrat ne jouit qu'une fois du bienfait, dont l'homme reconnaissant jouit toujours. Sénèque. Reconnais les bienfaits par d'autres bienfaits, mais ne te venge jamais des injures. Confucius. Les bienfaits ne sont jamais perdus , quelque part qu'on les place -, ni les bienfaiteurs inconnus , en quelque lieu qu'ils se cachent. Saadi. Que vos bienfaits soient de nature à persuader à celui qui en est l'objet que c'est vraiment lui que vous avez eu en vue. S'ils sont honorables, qu'ils soient publics \ s'ils ne font que secourir son indi- gence, n'ayez pour témoin que votre conscience. Serait-ce trop exiger de vous que celui même que vous obligez ignorât le nom de son bienfaiteur ? Dumarsais. Tel que soit un bienfait, et quoi qu'il en coûte , lorsqu'on l'a reçu à ce titre , on est obligé de s'en re- vancher, comme on tient un mauvais marché quand on a donné sa parole. V ' auvenargues . Les hommes ne sont pas seulement sujets à perdre le souvenir des bienfaits et des injures, ils haïssent même ceux qui les ont obligés, et cessent de haïr DE MAXIMES. 5g ceux qui leur ont fait des outrages. L'application à récompenser le bien et à se venger du mal , leur paraît une servitude à laquelle ils ont peine à se soumettre. La Rochefoucauld. C'est le propre d'une âme grande et vertueuse d'envisager moins le fruit des bienfaits , que les bien- faits mêmes , et de chercher encore un homme de bien à la suite d'une foule de méchans. Quel mé- rite y aurait-il à être bienfaisant, si jamais on n'était trompé ? La vertu consiste à répandre des bienfaits qui ne reviennent pas, mais dont l'homme bienfai- sant et généreux recueille le fruit au moment même. Sénèque. 11 est faux qu'il faille perdre un grand nombre de bienfaits , pour réussir une seule fois à les bien pla- cer : il ne s'en perd aucun. La perte suppose un calcul , et la bienfaisance ne calcule pas -, elle ne fait qu'avancer des fonds : s'ils lui rentrent, c'est un pur gain ; s'ils ne rentrent pas , il n'y a pas de perte. Sénèque. Ne verse pas les bienfaits sur les méchans , c'est semer sur les vagues de la mer. Phocylide. N'oublie jamais les bienfaits que tu as reçus , ou- blie promptement ceux que tu as accordés. Publius Sjrus. On reçoit soi-même un bienfait lorsqu'on en ac- corde à un homme qui en est digne. Publius Sjrus. 6o DICTIONNAIRE C'est accorder en partie un bienfait que de le re- fuser avec grâce. Publias Sfrus. Il est essentiel , dès l'entrée dans le monde , de s'imposer la loi de choisir avec soin et discernement ses bienfaiteurs ; car il n'y a rien de plus pénible que d'avoir des obligations à un homme qu'on n'es- time pas. ' Anonyme. HKmMilkrttt. La modeste et douce bienveillance est non-seule- ment une vertu, un devoir, un sentiment, un plai- sir ; elle est encore souvent une puissance qui donne plus d'amis que la richesse, et plus de crédit que le pouvoir. C te de Ségur. La bienveillance est la qualité la plus attirante , la plus aimable. Sans elle le mérite n'inspire qu'un froid respect, et le plus beau talent qu'une stérile admiration. La où elle brille , on peut être pres- que assuré que la plupart des vices sont absens, vaincus ou chassés. C le de Ségur. Compatir aux erreurs des hommes, être indulgent pour leurs faiblesses , former leurs esprits , traiter doucement leurs maladies morales , les éloigner de l'oisiveté en encourageant leurs travaux, s'occuper activement de tout ce qui peut perfectionner le genre DE MAXIMES. 61 humain, secourir avec constance et courage les op- primés contre l'injustice, éclairer le pouvoir sur les abus de ses agens , opposer l'esprit d'ordre et d'union à l'esprit de discorde et de parti , consoler les infortunés , calmer les passions aigries , concilier par la tolérance les opinions opposées , adoucir les forts , soutenir les faibles , et donner à tous le dou- ble exemple de l'amour pour une sage liberté et du dévouement aux lois et au gouvernement sous le- quel nous vivons ; enfin contribuer de tous nos moyens à rendre heureux les hommes que la nature fit égaux et frères -, tels sont les devoirs doux et sa- crés de la bienveillance. C Le de Ségur. La bienveillance plaît à tous , même aux rois ; comme nous ils ont besoin d'être heureux. Voltaire. La vanité repousse la bienveillance , la modestie l'attire. Sénèque. La voix de la bienveillance est plus séduisante en- core que la flatterie. Duclos. La bienveillance se croit toujours heureuse. Publias Sjrrus. i34 DICTIONNAIRE Le bonheur des grands et des riches dépend pres- que toujours d'eux-mêmes 5 celai de la multitude dépend de ceux qui la gouvernent. Chamfort. Il est des jours heureux , il n'est point de vie heu- reuse -, ce serait un songe enchanteur sans réveil. Duclos. Tous les hommes se réunissent dans le désir d'être heureux. La nature nous a fait à tous une loi de no- tre propre bonheur. Tout ce qui n'est point bon- heur nous est étranger : lui seul a un pouvoir marqué sur notre cœur -, nous y sommes tous entraînés par une pente rapide, par un charme puissant, par un attrait vainqueur 5 c'est une impression ineffaçable de la nature qui Fa gravé dans nos cœurs ; il en est le charme et la perfection. Saint-Evremont. Une des choses qui nous donnent le plus de fausses idées du bonheur, c'est l'exagération des poètes qui nous peignent, par exemple, les transports momen- tanés de l'amour comme une durée , et nous font par là concevoir une idée de bonheur qui ne peut exister. Voilà le fantôme qui séduit la plupart des hommes , et surtout des jeunes gens. Helvétius. En fait de bonheur, c'est souvent l'exception qui flatte. Fontenelle. On doit entendre par le mot bonheur, un état , DE MAXIMES. 65 une situation telle qu'on en désirât la durée sans changement-, et en cela le bonheur est différent du plaisir, qui n'est qu'un sentiment agréable , mais court etpassager, et qui ne peut jamais être un état. La douleur aurait bien plutôt le privilège d'en pou- voir être un. Fontenelle. Un grand obstacle au bonheur, c'est de s'attendre à un trop grand bonheur. Fontenelle. Le bonheur est l'absence des peines , comme la santé est l'absence des maladies. C'est un état de calme qui n'avertit pas de même que le plaisir ou la douleur ; aussi, sans les regrets , on ne saurait pas que l'on a été heureux. M. de Lévis. Depuis que le monde existe, on fait des commen- taires sur le bonheur, on le définit, on l'apprécie-, et je vois assez communément que les gens les plus heureux sont ceux qui n'y ont jamais pensé , qui seraient fort embarrassés si on leur dem^idait ce que c'est que le bonheur, et qui en jouissent sans le connaître. La Bruyère» Regarde au devant de toi -, là tu trouveras la source du vrai bonheur, source intarissable , si tu la creuses toujours. Marc-Aurèle. Le bonheur n'est point une sensation fugitive : 5 66 DICTIONNAIRE c'est un sentiment si doux de l'existence , que , plus nous l'éprouvons, plus nous souhaitons de prolon- ger sa durée. M. Droz. Le bonheur ne nous est guère sensible en cette vie que par l'absence du mal. Nous n'avons pas de biens réels et positifs. Nicole. On a du plaisir quand on en veut avoir : c'est l'o- pinion seule qui rend tout difficile, qui chasse le bonheur devant nous; et il est cent fois plus aisé d'être heureux que de le paraître. J.-J. Rousseau. Il n'est point de route plus sûre pour aller au bonheur que celle de la vertu. Si l'on y parvient , il est plus pur, plus solide et plus doux par elle ; si on le manque , elle seule peut en dédommager. J.-J. Rousseau. Le bonheur ne tient pas aux lieux, ni aux choses , mais à la personne. Sénèque. Quels sont les élémens du bonheur ? Une bonne conscience } de l'honnêteté dans les projets -, de la droiture dans les actions ; du mépris pour les biens fortuits ; de la liaison , de l'ensemble , de l'unifor- mité dans la conduite. Sénèque. On n'est heureux ni par la fortune , ni par les di- gnités, ni par le savoir, ni par les plaisirs du monde, DE MAXIMES. 67 ni par la solitude; mais on est heureux par le té- moignage d'une conscience sans reproche : c'est là que se trouvent la paix, le plaisir solide de l'âme, le bonheur; et dans cette matière nos écrivains sa- crés se sont montrés bien plus éclairés que tous les sages de l'antiquité. Ce bonheur est au pouvoir de tous, et il n'est au pouvoir de personne de nous le ravir; il est indépendant de tous les accidens de la vie humaine; il reste dans nous, quand tout périt autour de nous. L'homme vertueux peut bien souf- frir, mais, dans le calme de son âme pure, il ne voudrait pas changer sa destinée contre celle des mé- dians qui sembleraient être les plus heureux des mortels ; et les chaînes dont il pourrait être chargé lui seraient plus douces que toutes les couronnes du vice triomphant. M. Frayssinous, C'est Tétat qui fait le bonheur. Une infinité d'hom- mes sont dans des états qu'ils ont raison de ne pas aimer; un nombre presque aussi grand sont inca- pables de se contenter d'aucun état. Les voilà donc presque tous exclus du bonheur, et il ne leur reste pour ressource que des plaisirs , c'est-à-dire , des momens' semés çà et là, sur un fond triste qui en sera un peu égayé. Celui qui voudrait fixer son état, non par la crainte d'être pis, mais parce qu'il serait content, mériterait le nom d'heureux : mais que ces sortes d'hommes sont rares ! 11 est vrai qu'une grande partie de notre bonheur ne dépend pas de nous ; telle 68 DICTIONNAIRE est, par exemple, la santé : mais il est faux que notre bonheur ne dépende point du tout de nous , car nous pouvons quelque chose à notre bonheur par notre façon de penser : mais le mal est que la plupart ne pensent que comme il plaît à ce qui les environne -, ils n'ont pas un certain gouvernail qui leur puisse servir à tourner leurs pensées d'un autre côté. Comme il n'y a qu'une partie de notre bonheur qui puisse dépendre de nous -, il faut que les carac- tères ou faibles, ou paresseux, ou impétueux, ou violens, ou sombres , ou chagrins, y renoncent tous. Il en reste quelques-uns doux et modérés, et qui admettent jplus volontiers les idées ou les impres- sions agréables \ ceux-là peuvent travailler à se ren- dre heureux : afin que le sentiment du bonheur puisse entrer dans l'urne , ou qu'il y puisse séjourner, il faut avoir nettoyé la place , et chassé tous les maux imaginaires. Nous sommes d'une habilité infinie à en créer, et quand nous les avons une fois produits , il nous est très-difficile de nous en défaire. Assez souvent aux maux réels nous ajoutons des circonstances imagi- naires qui les aggravent; par exemple, de croire que nous serons inconsolables dans certaines afflic- tions , au lieu de prévoir que l'on s'en consolera. Un grand obstacle au bonheur, c'est de s'attendre à un trop grand bonheur. Nous regardons ordinaire- ment les biens que nous font la nature ou la fortune, DE MAXIMES. 69 connue des dettes qu'elles nous paient-, et par con- séquent nous les recevons avec une espèce d'indiffé- rence. Les maux au contraire nous paraissent des injustices, et nous les recevons avec impatience et avec aigreur. Il faudrait rectifier des idées si fausses : les maux sont très-communs , et c'est ce qui doit na- turellement nous échoir ; les biens sont très-rares , et ce sont des exceptions flatteuses faites en notre faveur à la règle générale : on dédaigne de sentir les petits biens , et on n'a pas le même mépris pour les maux médiocres. Il faudrait d'abord examiner les titres de ce qui prétend ordonner de notre bonheur : peu de choses soutiendront cet examen. Pourquoi cette dignité que je poursuis m'est- elle si nécessaire? c'est qu'il faut être élevé au-dessus des autres; et pourquoi le faut-il ? c'est pour recevoir leurs respects et leurs hommages qui me flatteront sensiblement : mais comment me flatteront-ils, puisque je ne les devrai qu'à ma di- gnité et non pas à moi-même ? Il faut raisonner ainsi des autres idées qui ont pris une place importante dans notre esprit. Le plus grand secret pour le bonheur, c'est d'êlre bien aveo soi : naturellement tous les accidens fâ- cheux qui tiennent du dehors , nous rejettent vers nous-mêmes ; et il est bon d'y avoir une retraite agréable , mais elle ne peut l'être si elle n'a été pré- parée par les mains de la vertu. Il reste un souhait sur une chose dont on n'est pas le maître, c'est 7 o DICTIONNAIRE d'être placé par la fortune dans une condition mé- diocre : sans cela, et le bonheur et la vertu seraient trop en péril. Fontenelle. Nous jugeons trop du bonheur sur les apparen- ces; nous le supposons où il est le moins , nous le cherchons où il ne saurait être-, la gaîté n'en est qu'un signe très-équivoque. Un homme gai n'est souvent qu'un infortuné qui cherche à donner le change aux autres, et à s'étourdir lui-même. Ces gens si rians , si ouverts , si sereins dans un cercle , sont presque tous tristes et grondeurs chez eux , et leurs domestiques portent la peine de l'amusement qu'ils donnent à leurs sociétés. Le vrai contente- ment n'est ni gai, ni folâtre-, jaloux d'un sentiment si doux , en le goûtant on y pense , on le savoure , on craint de l'évaporer. Un homme vraiment heureux ne parle guère et ne rit guère -, il resserre , pour ainsi dire, le bonheur autour de son cœur. Les jeux bruyans, la turbulente joie voilent les dégoûts et l'ennui. Mais la mélancolie est amie de la volupté -, l'attendrissement et les larmes accompagnent les plus douces jouissances, et l'excessive joie elle-même arrache plutôt des pleurs que des ris. /.-/. Rousseau* Le bonheur des méchans est une calamité pour les gens de bien. Publius Sjrus. Il n'est personne qui ne cherche à se rendre heu- / DE MAXIMES. 71 reux : mais parviendra-t-on au bonheur par tous les mouvemens qu'on se donne? Celui qui sait se contenter est bientôt satisfait. Sentence chinoise. 11 manque beaucoup au bonheur de celui qui n'a point été malheureux. B on Massias. Bonté. La bonté est cette disposition aimante qui porte à contribuer au bonheur d'autrui. Elle est le germe de toute grandeur morale. Weiss. Rien n'est plus rare que la véritable bonté-, ceux mêmes qui croient en avoir, n'ont d'ordinaire que de la complaisance ou de la faiblesse. La Rochefoucauld. Bien qu'être bon soit une bonne chose , si est-ce que , quand la bonté est accompagnée de quelque autre vertu, comme de vaillance ou de justice -, au- trement c'est un corps sans âme , ou pour le moins tourne à mépris et à mo^fierie. Montaigne. Celui-là est bon, qui fait du bien aux autres : s'il souffre pour le bien qu'il fait , il est très-bon ; s'il souffre de ceux à qui il a fait ce bien , il a une si grande bonté qu'elle ne peut être augmentée que dans le cas où ses souffrances viendraient à croître-, et , s'il en meurt , sa vertu ne saurait aller plus loin : elle «st héroïque, elle est parfaite. La Bruyère. 72 DICTIONNAIRE La bonté est un goût à faire du bien et à par- donner le mal. Vauvenargues, La vraie bonté est invincible, parce qu'elle ne se lasse point. Sénèque. Il ne faut pas que la bonté se montre, mais il faut quelle se laisse voir. Platon. DE MAXIMES. 73 Calomnie. Celui dont la calomnie n'attaque que les discours est bien innocent dans ses actions. Malesherbes. 11 faut se résoudre à payer toute sa vie quelque tribut à la calomnie. Voltaire. Tel trait de calomnie est plus cruel que le poi- gnard d'un assassin -, et ce trait sans doute est d'au- tant plus redoutable, qu'il peut être lancé par la main du plus faible comme du plus puissant de vos ennemis. Les lois sont le plus souvent aussi impuissantes pour vous en venger que pour vous en défendre. 11 n'est qu'un abri sûr, c'est l'obscu- rité qui vous cache aux regards de l'envie. Il en est un moins sûr peut-être , mais plus noble , plus digne d'un cœur généreux ; c'est une vertu active qui vous tienne sans cesse sous la garde de l'opi- nion publique. Diderot. Nos institutions politiques et civiles n'auraient- elles gardé tant de ménagemens avec la calomnie , que pour laisser aux hommes vicieux un moyen de plus de la confondre avec cette espèce de censure dont ils ont tant de raisons d'attendre une trop juste sévérité? Diderot, 74 DICTIONNAIRE Tu prêtes une oreille crédule à la calomnie : tu as donc un méchant cœur, ou la simplicité d'esprit d'un enfant. Ménandre. La calomnie blesse un noble caractère jusque dans sa modestie , dont elle le force de sortir. M. Lacretelle aîné. On n'est pas à couvert de la calomnie, même par l'inviolabilité du malheur. M. Lacretelle aîné. En fait de calomnie , tout ce qui ne nuit pas , sert à celui qui est attaqué. Card al de Retz. La vertu elle-même n'échappe pas aux traits de la calomnie 5 l'insecte ronge les belles roses du prin- temps , souvent même avant que leur tendre bou- ton soit épanoui 5 c'est dans le matin de la jeunesse, à l'heure des douces rosées , que les souffles conta- gieux sont les plus fréquens. Shakspeare. €avactève. 11 y a une différence frappante entre un bon ca- ractère, un caractère moral, un beau caractère, et un grand caractère. Un bon caractère est celui dont, par un bienfait de la nature, les goûts, les affections, les habi- tudes, n'ont rien de malfaisant; un caractère mo- ral suppose que les sentimens, les idées, les ac- DE MAXIMES. -j5 lions d'un homme, ont une direction marquée et constante vers l'ordre et la règle. L'un a un mérite négatif, l'autre un mérite positif. On naît avec un bon caractère ^ on forme un caractère moral. Le premier est le résultat des circonstances -, le second un effet de l'art : un bon caractère est souvent un caractère faible-, un caractère moral peut fort bien ne pas être noble. Un beau caractère est celui dont le désintéres- sement forme le trait distinctif. Un beau caractère est étranger à toutes les petites passions, à toutes les considérations personnelles-, son mouvement naturel le porte toujours à s'oublier -, il n'est sen- sible qu'à la beauté des actions -, il vit de bienveil- lance-, il consiste dans une harmonie ravissante des sentimens avec l'idéal de la générosité-, mais un beau caractère peut être un caractère faible, et manquer de l'énergie nécessaire pour faire de belles actions. Un grand caractère est ce qu'il y a de plus par- fait et de plus rare. En lui se réunissent le beau et le sublime. La force de la volonté, fût-ce une force de fer, ne constitue pas le grand caractère ; mais il n'y a pas de grand caractère sans la force de la volonté. L'énergie dans un homme ne garantit ni la nature de son but, ni celle de ses moyens. Un caractère élevé , noble , généreux , n'est pas encore un grand caractère, car il peut manquer de force et de fermeté -, mais il n'y a pas de grand caractère 76 DICTIONNAIRE sans élévation d'âme , car elle seule décide de la grandeur du but et repousse la bassesse des moyens. M. Ancillon. L'âge , la maladie , l'ivresse , changent , dit-on , le caractère : on se trompe \ la maladie et l'âge peuvent l'affaiblir , en suspendre les fonctions , quelquefois le détruire , sans jamais le dénaturer. Il ne faut pas confondre avec le caractère, ce qui part de la chaleur du sang, de la force du tempérament ; presque tous les hommes , quoique de caractères différens ou opposés, sont courageux dans le jeune âge, et ti- mides dans la vieillesse. On ne prodigue jamais tant sa vie que lorsqu'on en a le plus à perdre. Que de guerriers dont le courage s'écoule avec le sang! N'en a-t-on pas vu qui , après avoir mille fois bravé le trépas , tombés dans une maladie de lan- gueur, éprouvaient dans un lit toutes les affres de la mort? Duclos. Le caractère est aux âmes ce que la physionomie et la variété dans les traits sont au visage. Duclos, Ne pouvoir supporter tous les mauvais caractères qui sont dans le monde, c'est n'être pas d'un bon caractère ; il faut , dans le commerce , des pièces d'or et de la monnaie, La Bmyère. Il y a , on ne peut le nier , quelques grands ca- DE MAXIMES. 77 raelères dans l'histoire moderne; et Ton ne peut comprendre comment ils se sont formés. Ils y sem- blent comme déplacés; ils y sont comme des caria- tides dans un entresol. Chamfort. Rien n'est plus dangereux dans la société qu'un homme sans caractère, c'est-à-dire, dont l'âme n'a aucune disposition plus habituelle qu'une autre. On se fie à l'homme vertueux , on se défie du fri- pon. L'homme sans caractère est indifféremment l'un ou l'autre, sans qu'on puisse le deyiner. Il ne peut être regardé comme ami ni comme ennemi; c'est une espèce d'anti-amphibie , s'il est permis de s'exprimer de la sorte , qui n'est bon à vivre dans aucun élément. Cela me rappelle cette loi de Solon, qui déclarait infâmes tous ceux qui ne prenaient point de parti dans les séditions : il sentait que rien n'était plus à craindre que les caractères et les hom- mes non décidés. D'Alembert. Le défaut de caractère donne à l'esprit une faci- lité de conviction toujours prête , à l'humeur une sérénité singulière. Aussi les hommes aimables de la société sont-ils presque toujours des hommes sans caractère. Il n'y a de tempêtes que dans les âmes vastes et profondes; ces petits ruisseaux clairs et toujours guéables ne sauraient en éprouver. Mais dans les choses graves de la vie, cette médiocrité est funeste. Alors ces caractères doux et frivoles de- 7 8 DICTIONNAIRE viennent communs et incapables. Leur religion est de la dévotion, leur honneur du scrupule, leur politique de l'intrigue; le plaisir leur tient lieu de bonheur , et leur amour de la gloire n'est qu'un vain goût de renommée. M. f^alerj. Il faut avoir un caractère. Si on en éprouve les inconvéniens , on en recueille aussi les avantages. Tout ce qui est sincère plaît dans un sens , même en choquant dans un autre. Tout ce qui est de na- ture a de la puissance \ tout ce qui donne une phy- sionomie attire et retient l'attention. M. Lacretelle aîné. Le rapport des caractères forme souvent la pa- renté la plus intime. Publias Sjfus. Il est rare qu'on fasse une peinture bien exacte des caractères extrêmement bons ou extrêmement mauvais : la faveur exalte les uns , et la haine dé- prime les autres. Richardson. €M\>xi\L Si l'on réduisait la célébrité à sa valeur réelle , on lui ferait perdre bien des sectateurs. Duclos. Célébrité : l'avantage d'être connu de ceux qui ne vous connaissent pas. Chamfort. DE HAXIMEa 7) HLiémmce. La clémence des princes n'est souvent qu'une politique pour gagner faU'edion des peuples. La Rochefoucauld. Cette clémence, dont on fait une vertu, se pra- tique tantôt par vanité, quelquefois par paresse, souvent par crainte, et presque toujours par tous les trois ensemble. La Rochefoucauld. La clémence est la gloire d'un règne. La vie est si malheureuse d'elle-même, qu'il ne faut pas, s'il se peut, laisser passer dans l'accablement des jours si briefs. La mortalité nous rend faibles, et, dans cette fragilité, on fait aisément des fautes; il faut donc se porter à l'indulgence, et excuser les fai- blesses du genre humain. Bossuet. La clémence vaut mieux que la justice. Vauvenargues . La clémence enchaîne les cœurs avec des liens qui ne se rompent jamais. Malesherbes. Les rois ont tant à gagner par la clémence , elle est suivie de tant d'amour, ils en tirent tant de gloire, que c'est presque toujours un bonheur pour eux d'avoir occasion de l'exercer. Montesquieu. La vraie clémence consiste , non à pardonner, 8o DICTIONNAIRE mais à oublier : il y a des pardons qui offensent ; ils gravent l'injure au lieu de l'effacer, et tuent la reconnaissance en l'exigeant. C te de Se'gur. C >>>•>»>• >>Sn>>î».>.!5»>»^ï*» o *<•<<< •<««<<•«•< <•<<<<<•< m (économie. La trop grande économie fait plus de dupes que la profusion. Vauvenargues. L'économie est fille de l'ordre et de l'assiduité. M . de Lévis. L'économie est un grand revenu. Cicéron. v L'économie tient un milieu entre l'avarice et la prodigalité -, mais elle doit l'y tenir si ferme qu'elle ne penche pas du côté de l'avarice, dont elle est proche parente. La Bruyère. L'économie est la mère de la libéralité. Sénèque. L'économie est vertu , besoin dans la pauvreté 5 elle est sagesse da*s la médiocrité, et vice dans l'opulence. Fontenelle. La sordide avarice et la folle prodigalité, tem- pérées l'une par l'autre , produisent la sage écono- mie-, c'est une vertu qui tire son origine de deux vices. La Bruyère. ii2 DICTIONNAIRE L'homme sensé, quelque riche qu'il soit, a de l'économie. *** Celui qui sait rendre son dérangement utile , est au-dessus de l'économie. Vauvenargues. On fait mal sa cour aux économes par des présens. Vauvenargues. Sans l'économie , il n'y a point de richesses assez grandes : avec elle , il n'y en a pas de trop petites. Sénèque. Ctotmttoît. Il n'est rien de plus important dans l'éducation que de chercher à ses enfans des maîtres irrépré- hensibles dans leur conduite, au-dessus du repro- che dans leurs mœurs , instruits par une grande expérience. Une bonne éducation est la source et la racine d'une vie vertueuse. Plutarque. • C'est la bonne éducation qui seule peut conduire à la vertu , qui seule est capable de procurer le bonheur. Les autres biens ont toute la fragilité de la nature humaine, et méritent bien peu d'être re- cherchés. Une brillante origine est un avantage, mais que Ton tient de ses pères 5 la richesse est DE MAXIMES. n3 honorée , mais elle appartient à la fortune 5 souvent elle est enlevée à ceux qui la possèdent, et trans- portée à ceux qui ne songeaient pas même à l'es- pérer . Plutarque. De tous nos biens l'éducation seule est divine, seule elle est immortelle. L'intelligence et la rai- son, voilà les deux choses qui, dans la nature de l'homme , tiennent le premier rang. L'intelligence a l'empire, la raison lui sert de ministre. La for- tune ne peut la réduire aux fers, la délation ne saurait la perdre , la maladie la détruire , la vieil- lesse l'altérer. L'intelligence seule en vieillissant se rajeunit. Le temps, qui enlève tout, ne fait qu'ajou- ter à la vieillesse de nouvelles connaissances. Il n'est rien que la guerre ne ravage , n'entraîne comme un torrent : elle ne peut ravir l'éducation qu'on a reçue. Plutarque. L'éducation demande le plus grand soin, parce qu'elle influe sur toute la vie : rien de plus facile que de façonner une âme encore tendre 5 rien de plus difficile que de déraciner des vices qui se sont accrus avec nous. Sénèque. C'est un excès de confiance dans les parens d'es- pérer tout de la bonne éducation de leurs enfans , et une grande erreur de n'en attendre rien et de la négliger. La Bruyère. 8* n4 DICTIONNAIRE L'éducation devrait être regardée partout comme une partie principale de la législation. Les peuples modernes s'occupent assez de l'instruction , qui ou- vre l'esprit , et trop peu de l'éducation , qui forme le caractère. Les anciens y pensaient plus que nous: aussi chaque peuple avait un caractère national qui nous manque. Nous livrons l'esprit à l'école , et le caractère au hasard. C le de Ségur. L'éducation qu'on donne d'ordinaire aux jeunes gens, est un second amour-propre qu'on leur ins- pire. La Rochefoucauld. Quand il serait vrai , ce que plusieurs disent, que l'éducation ne donne point à l'homme un autre coeur ni une autre complexion, qu'elle ne change rien dans son fond, et ne touche qu'aux superfi- cies , je ne laisserais pas de dire qu'elle ne lui est pas inutile. La Bruyère. L'éducation est à l'âme ce que la propreté est au corps. Phocjlide. L'éducation n'est qu'un exercice raisonné et suivi. M. de Lévis. Citerne. — CË^rïtfte. Gnathon ne vit que pour soi , et tous les hommes ensemble sont à son égard comme s'ils n'étaient DE MAXIMES. u5 point. Non content de remplir à une table la pre- mière place , il occupe lui seul celle de deux au- tres : il oublie que le repas est pour lui et pour toute la compagnie ; il se rend maître du plat , et fait son propre de chaque service : il ne s'attache à aucun des mets, qu'il n'ait achevé d'essayer de tous; il voudrait pouvoir les savourer tous tout à la fois -, il ne se sert à table que de ses mains-, il manie les viandes, les remanie, démembre, déchire, et en use de manière qu'il faut que les conviés, s'ils veu- lent manger, mangent ses restes : il ne leur épar- gne aucune de ses malpropretés dégoûtantes, capa- bles d'ôter l'appétit aux plus affamés -, les jus et les sauces lui dégouttent du menton et de la barbe : s'il enlève un ragoût de dessus un plat, il le répand en chemin dans un autre plat et sur la nappe, on le suit à la trace : il mange haut et avec grand bruit, il roule les yeux en mangeant; la table est pour lui un râtelier : il écure ses dents , et il con- tinue à manger. Il se fait, quelque part où il se trouve, une manière d'établissement, et ne souffre pas d'être plus pressé au sermon ou au théâtre que dans sa chambre. 11 n'y a dans un carrosse que les places du fond qui lui conviennent; dans toute au- tre, si on veut l'en croire, il pâlit et tombe en fai- blesse. S'il fait un voyage avec plusieurs , il les pré- vient dans les hôtelleries , et il sait toujours se conserver dans la meilleure chambre le meilleur lit : il tourne tout à son usage; ses valets, ceux n6 DICTIONNAIRE d'autrui , courent dans le même temps pour son ser- vice : tout ce qu'il trouve sous sa main lui est pro- pre, bardes, équipages : il embarrasse tout le monde, ne se contraint pour personne , ne plaint personne , ne connaît de maux que les siens, que sa réplé- tion et sa bile ^ ne pleure point la mort des autres, n'appréhende que la sienne, qu'il rachèterait volon- tiers de l'extinction du genre humain. La Bruyère. On entend et on doit entendre par égoïsme un continuel sacrifice des autres à soi -, mais ce sacrifice des autres à soi est le propre de toutes les passions , de tous les vices. Les passions , en nous faisant pla- cer tout notre bonbeur dans la possession de leur objet, nous font tout sacrifier pour l'obtenir. Les vices , qui sont des inclinations basses et déréglées de notre âme , nous font aussi tout immoler à nos goûts et à nos habitudes. 11 semble donc que l'é- goïsme fait le fonds de toutes les passions , de tous les vices , de toutes nos mauvaises actions et de tous les mouvemens coupables de notre cœur. M . Lacretelle aîné. L'égoïsme voit quelque avantage dans la probité , et il en a ; mais il en a tout juste ce qu'il en faut pour ne pas être réputé en manquer. 11 croit ses principes la sagesse même -, mais il sent qu'ils doivent être odieux, et il n'est empressé ni à les étaler ni à en affecter de contraires ; différent en ceci du cynique et de l'hypocrite. DE MAXIMES. 117 11 n'a pas dans les manières la grossièreté que l'on devrait attendre d'un homme occupé de lui seul; il sent au contraire le besoin de cacher la du- reté de son âme sous des dehors prévenans; mais sa politesse n'est ni l'envie de plaire, ni celle de servir; elle se réduit à ces frivoles attentions qui coûtent peu et qui n'engagent à rien. Il aime les plaisirs , mais il en redoute les suites ; il n'est pas débauché. L'argent doit être sa passion dominante ; mais il le recherche pour en user , et non pour l'accumuler et l'enfouir comme l'avare. Ce qui le touche le plus dans les dignités et les places, ce sont les avantages réels qui en résultent; et il ne les recherche pas avec l'emportement de l'ambition. Il est habituellement froid et indifférent pour tout ce qui ne le regarde pas ; il devient cruel dès que son intérêt l'exige, mais sa cruauté éclate bien plus par des refus que par des violences ; il use sans pitié de ses droits , mais il n'est pas sûr d'attaquer im- punément ceux des autres. Une seule pensée l'occupe dans tous les inslans et dans toutes les circonstances; c'est l'utilité qu'il peut tirer des choses , des lieux et des hommes : elle l'occupe dans un désastre public; elle l'occupe au pied du lit de mort de son père; au moment où le vieillard expire, son imagination parricide entre en possession de l'hérédité. 1,8 DICTIONNAIRE L'égoïste peut prendre de l'amour ; mais il ne se marie pas ; il ne voit dans le mariage que des embarras qu'il redoute et des plaisirs qu'on trouve ailleurs. Il se mariera pourtant, si vous voulez le rendre riche et puissant • alors sa femme et ses enfans devront bien s'occuper de son bonheur; et pour récompense, ils lui deviendront si nécessaires, cju'il ne leur accordera aucune autre occupation. , Voilà comment il est père ; voici comme il est ami. Vous épanchez dans son sein un cœur dé- voré de chagrins-, s'il a éprouvé quelques-uns de ces chagrins , il se dira , avec une satisfaction in- time : J'ai été dans cette situation -là, et je n'y suis plus. C'est ainsi qu'il tirera un plaisir pour lui-même de la douleur dont il est confident. Et voilà tout ce que vos peines auront remué dans son âme. Il ne voit dans tout ce qu'on appelle belles actions, que des traits de dupe, qu'un homme pru- dent ne fait pas , et dont celui qui les éprouve peut s'acquitter avec des mots -, daus les parens , que des gens de qui on attend des successions , et avec qui malheureusement on les partage ; dans tous les hommes , que des êtres plus ou moins semblables à lui, et par conséquent de qui il ne faut rien attendre: tel est l'égoïste. M. Lacretelle aîné. La vieillesse de l'égoïste est triste 5 il n'a ni com- pagnon, ni successeur, ni espoir. Il remplit maus- DE MAXIMES. 119 sadement son cercle étroit , comme le limaçon sa coquille -, le passé est pour lui un vide , le présent un désert , et l'avenir le néant. C te de Ségur. L'égoïste est un triste fou qui se trompe -, il s'isole , se prive d'appui et s'égare, sans compagnon , sans guide , dans le labyrinthe de la vie. C le de Ségur. Quand l'infortune est générale dans un pays , l'égoïsme devient universel. Montesquieu. Quelquefois la destinée punit deux égoïstes en les liant l'un à l'autre. M. de Lévis. La faiblesse est égoïste , ne comptez pas sur son assistance. M. de Lévis. La femme égoïste est un monstre \ la nature ne l'avait faite que pour autrui. Fontenelle. Le plus parfait égoïsme est de n'en pas avoir -, si ce n r est pas par vertu, que ce soit par calcul. Souvent un petit sacrifice qu'on fait , en rapporte un plus grand. On est humilié de la préférence qu'un homme se donne sur les autres : on cherche à s'en venger. N'épargnons pas, dira -t -on, cet homme qui ne songe qu'à lui ; allons au secours , dira-t-on, de cet homme qui ne songe qu'aux autres. Le prince de Ligne. 320 DICTIONNAIRE €lhwtwn. Il y a Une élévation qui ne dépend pas de la fortune : c'est un certain air qui nous distingue , et qui semble nous destiner aux grandes choses 5 c'est un prix que nous nous donnons impercepti- blement à nous-mêmes -, c'est par cette qualité que nous usurpons les déférences des autres hommes, et c'est elle d'ordinaire qui nous met plus au- dessus d'eux que la naissance, les dignités et le mérite même. La Rochefoucauld. Il y a du mérite sans élévation , mais il n'y a point d'élévation sans quelque mérite. La Rochefoucauld. L'élévation est au mérite ce que la parure est aux belles personnes. La Rochefoucauld. Ce qui est arrogance dans les faibles est élévation dans les forts 5 comme la force des malades est fré- nésie, et celle des sains est vigueur. V auvenargues . l\ n'y a au monde que deux manières de s'élever : ou par sa propre industrie , ou par l'imbécillité des autres. La Bruyère. Du même fond d'orgueil dont on s'élève fière- DE MAXIMES. 121 ment au-dessus de ses intérieurs, l'on rampe vile- ment devant ceux qui sont au-dessus de soi. La Bruyère. La véritable élévation est une disposition subli- me de l'âme ; son effet est de donner de grandes vues à l'esprit, et d'inspirer au cœur de nobles senti- mens. Fénélon. <&lo$e. Les contemporains prodiguent les éloges ; la pos- térité seule fait justice. Duclos. Rien ne flatte plus un homme faible et ne l'entre- tient mieux dans son état de faiblesse que les éloges qu'on lui donne sur sa fermeté. Duclos. Il n'y a guère d'éloges dont on pût deviner le héros , si le nom n'était en tête. Duclos. Qui peut se vanter des éloges qu'il reçoit , quand Homère a chanté les grenouilles et les rats ; Virgile, le moucheron; Glaucus, l'injustice; le philosophe Favorin, la fièvre quarte; Sénèque, l'empereur Claude; et Lucien, l'âne ? Érasme, La vérité simple et exacte devrait être la base et l'âme de tous les éloges ; ceux qui sont outrés et sans vraisemblance , font tort à celui qui les reçoit, et à cdkri qui les donne. D'Alembert* i22 DICTIONNAIRE L'on gagne à mourir d'être loué de ceux qui nous survivent, souvent sans autre mérite que celui de n'être plus : le même éloge sert alors pour Caton et pour Pison. La Bruyère. Laisse les autres faire ton éloge , et si tu ne te connais pas les qualités qu'ils célèbrent en toi , sois convaincu que ce sont des flatteurs. Démocrate. Aucun éloge ne doit paraître mieux mérité que celui qui sort de la bouche d'un ennemi. C Le de Ségur. On finit par croire aux éloges que l'on achète ou que l'on se fait. Sénèque. (&loq\tence. La véritable éloquence n'a rien d'enflé ni d'am- bitieux ; elle se modère et se proportionne aux su- jets qu'elle traite et aux gens qu'elle instruit 5 elle n'est grande et sublime que quand il faut l'être. Fénélon. L'éloquence est très-bonne en elle-même -, il n'y a que l'usage qui peut en être mauvais, comme de flatter les passions du peuple, ou de contenter les nôtres. Fénélon. Le véritable usage de l'éloquence est de mettre la vérité en son jour, et de persuader aux autres ce DE MAXIMES. 123 qui leur est véritablement utile, c'est-à-dire la jus- tice et la vertu. Fénélon. Le but de l'éloquence est de persuader la vérité et la vertu. Fénélon. L'éloquence produit la réputation , et la réputa- tion attire la fortune. Fénélon. Il ne faut pas faire à l'éloquence le tort de penser qu'elle n*est qu'un art frivole , dont un déclamateur se sert pour imposer à la faible imagination de la multitude et pour trafiquer de la parole : c'est un art très-sérieux qui est destiné à instruire , à répri- mer les passions, à corriger les moeurs, à soutenir les lois, à diriger les délibérations publiques, à ren- dre les hommes bons et heureux. Fénélon. L'éloquence est un art de dire les choses de telle façon, i° que ceux à qui l'on parle puissent les en- tendre sans peine et avec plaisir -, 2 qu'il s'y sentent intéressés , en sorte que l'amour - propre les porte plus volontiers à y faire réflexion. Elle consiste donc dans une correspondance qu'on tâche d'établir entre l'esprit et le cœur de ceux à qui l'on parle d'un côté, et de l'autre les pensées et les expressions dont on se sert; ce qui suppose qu'on aura bien étudié le cœur de l'homme pour en savoir tous les ressorts, et pour trouver ensuite les justes proportions du 124 DICTIONNAIRE discours qu'on veut y assortir. Il faut se mettre à la place de ceux qui doivent nous entendre, et faire essai sur son propre cœur du tour qu'on donne à son discours, pour voir si l'un est fait pour l'autre, et si l'on peut s'assurer que l'auditeur sera comme forcé de se rendre. Il faut se renfermer le plus qu'il est possible dans le simple naturel ; ne pas faire grand ce qui est petit, ni petit ce qui est grand. Ce n'est pas assez qu'une chose soit belle 5 il faut qu'elle soit propre au sujet, qu'il n'y ait rien de trop, ni rien de manque. L'éloquence est une peinture de la pensée-, et ainsi ceux qui, après avoir peint, ajoutent encore, font un tableau au lieu d'un portrait, Pascal. L'éloquence est le médecin des esprits : c'est la lyre d'Amphion qui entraîne après lui les forêts et les rochers-, c'est le caducée de Mercure, qui lui donne l'empire sur le ciel , la terre et les enfers , par la force de la persuasion. Celui qui a le don de 4'éloquence est un conquérant qui commande sans armes , et n'a pas besoin de gardes. Thomas. L'éloquence agit plus sur le cœur que sur l'es- prit \ elle gouverne les volontés , enflamme les dé- sirs , maîtrise l'homme et le conduit à son gré -, elle éclaire moins qu'elle ne domine -, elle instruit moins qu'elle ne commande. Le Batteux. DE MAXIMES. i 2 5 L'éloquence est au sublime ce que le tout est à la partie. La Bruyère. Il faut qu'il y ait dans l'éloquence de l'agréable et du réel -, mais il faut que cet agréable soit réel. Pascal. La véritable éloquence consiste à dire tout ce qu'il faut, et à ne dire que ce qu'il faut. La Rochefoucauld. Deux études sont importantes, l'éloquence et la vérité-, la vérité, pour donner un fondement solide à l'éloquence, et bien disposer notre vie; l'élo- quence , pour diriger la conduite des autres hommes et défendre la vérité. Vauvenargues. En la vraie éloquence, je veux que les choses surmontent , et qu'elles remplissent de façon l'ima- gination de celui qui écoute, qu'il n'ait aucune sou- venance des mots. Un rhéteur du temps passé di- sait que son métier était, des choses petites les faire paraître et trouver grandes. Montaigne. La nature rend les hommes éloquens dans les grands intérêts et les grandes passions. Quiconque est vivement ému voit les choses d'un autre œil que les autres hommes. Tout est pour lui objet de comparaison rapide et de métaphore, sans qu'il y prenne garde : il anime tout, et fait passer dans ceux qui l'écoutent une partie de son enthousiasme. Voltaire. i26 DICTIONNAIRE Celui qui séduit un juge par les prestiges de son éloquence , me paraît plus coupable que celui qui le corrompt à prix d'argent. Cicéron. C'est en vain que l'orateur se flatte d'avoir le ta- lent de persuader les hommes , s'il n'a acquis celui de les connaître. D'A gués seau. L'étude de la morale et celle de l'éloquence sont nées en même temps, et leur union est aussi an- cienne dans le monde que celle de la pensée et de la parole. On ne séparait point autrefois deux sciences qui , par leur nature, sont inséparables : le philosophe et l'orateur possédaient en commun l'empire de la sagesse-, ils entretenaient un heureux commerce, une parfaite intelligence entre l'art de bien penser et celui de bien parler -, et l'on n'avait pas encore imaginé cette distinction injurieuse aux orateurs, ce divorce funeste à l'éloquence, de l'esprit et de la raison, des expressions et des sentimens, de l'orateur et du philosophe. S'il y avait quelque différence entre eux, elle était tout à l'avantage de l'éloquence : le philoso- phe se contentait de convaincre, l'orateur s'appli- quait à persuader. L'un supposait ses auditeurs attentifs, dociles, favorables; l'autre savait leur inspirer l'attention, la docilité, la bienveillance. DE MAXIMES. 127 L'autorité des mœurs, la sévérité du discours, l'exacte rigueur du raisonnement , faisaient admirer le philosophe : la douceur d'esprit ou naturelle ou étudiée, les charmes de la parole, le talent de l'i- magination, faisaient aimer l'orateur. L'esprit était pour l'un , et le cœur était pour l'autre. Mais le cœur se révoltait souvent contre les vérités dont l'esprit était convaincu-, l'esprit, au contraire, ne refusait jamais de se soumettre aux sentimens du cœur; et le philosophe, roi légitime, se faisait souvent craindre comme un tyran; au lieu que l'orateur exerçait une tyrannie si douce et si agréable, qu'on la prenait pour la domination légi- time. Ce fut dans le premier âge de l'éloquence, que la Grèce vit autrefois le plus grand de ses orateurs jeter les fondemens de l'empire de la parole sur la connaissance de l'homme et sur les principes de la morale. D'A gués s eau. Les anciens n'ont connu que l'éloquence judi- ciaire et politique : l'éloquence morale, c'est-à-dire, l'éloquence de tout temps, de tout gouvernement, de tout pays, n'a paru sur la terre qu'avec la loi évangélique. Cicéron défend un client. Démosthène combat un adversaire, ou tâche de rallumeri'amour de la patrie chez un peuple dégénéré : l'un et l'au- tre ne savent que rallumer les passions , et fondent toutes leurs espérances de succès sur le trouble i28 DICTIONNAIRE qu'ils jettent dans les cœurs. L'éloquence de la chaire a cherché les siens dans une région plus éle- vée. C'est en combattant les mouvemens de l'âme qu'elle prétend séduire -, c'est en apaisant toutes les passions , qu'elle s'en veut faire écouter. Dieu et la charité, voilà son texte, toujours le même, toujours inépuisable. Il ne lui faut ni les cabales d'un parti, ni des émotions populaires , ni de grandes circon- stances pour briller. Dans la paix la plus profonde , sur le cercueil du citoyen le plus obscur, elle trou- vera ses mouvemens les plus sublimes; elle saura intéresser pour une vertu ignorée 5 elle fera couler des larmes pour un homme dont on n'a jamais en- tendu parler. Incapable de crainte et d'injustice, elle donne des leçons aux rois , mais sans les insul- ter-, elle console le pauvre, mais sans flatter ses vices. La politique et toutes les choses de la terre ne lui sont point inconnues ; mais ces choses qui fai- saient les premiers motifs de l'éloquence antique, ne sont pour elle que des raisons secondaires ; elle les voit des hauteurs où elle domine, comme un aigle aperçoit, du sommet de la montagne, les ob- jets abaissés de la plaine. M. de Chateaubriand. Il y a deux sortes de beautés dans l'éloquence ; l'une consiste dans les pensées belles et solides, mais extraordinaires et surprenantes : Lucain, Sé- nèque et Tacite, sont remplis de ces sortes de beautés. DE MAXIMES. 149 L'autre, au contraire, ne consiste nullement dans les pensées rares*, mais dans un certain air naturel, dans une simplicité facile, élégante et délicate, qui ne bande point l'esprit, qui ne lui présente que des images communes , mais vives et agréables -, et qui sait si bien le suivre dans ses mouvemens, qu'elle ne manque jamais de lui proposer sur chaque sujet les parties dont il peut être touché, et d'exprimer toutes les passions et les mouvemens que les choses qu'elle représente y doivent pro- • duire : cette beauté est celle de Térence et de Virgile , et l'on voit par là qu'elle est encore plus difficile que l'autre , puisqu'il n'y a point d'auteurs dont on ait moins approché que de ces deux-là. Nicole, L'éloquence est le talent de faire passer avec rapidité, et d'imprimer avec force dans l'âme le sentiment profond dont on est pénétré. Ce talent sublime a son germe dans une sensibilité rare pour le grand et pour le vrai. Rien n'est plus favorable à l'éloquence que les vérités de la religion : elles nous offrent le néant et la dignité de l'homme -, mais plus un sujet est grand, plus on exige de ceux qui le traitent; et les lois de l'éloquence de la chaire compensent par leur rigueur l'avantage de l'objet. La difficulté d'annoncer d'une manière frappante, et cependant naturelle, des vérités que leur importance a ren- dues communes *, la forme sèche et didactique , 9 • i3o DICTIONNAIRE si ennemie des grands mouvemens et des grandes idées ; l'air d'apprêt qui décèle un orateur plus occupé de lui-même que du Dieu qu'il représente; enfin le goût des ornemens frivoles qui outragent la majesté du sujet-, toutes ces choses sont autant d'écueils en ce genre. D'Alembert. Pour acquérir la perfection de l'éloquence, il faut avoir un fonds de bon sens et de bon esprit, l'imagination vive, la mémoire fidèle, la prestance agréable , le son de la voix net , la prononciation correcte, le geste noble, une assurance honnête et une grande facilité de parler : les quatre dernières qualités se peuvent acquérir par les préceptes de Fart et par un long exercice ; les autres sont des dons de la nature que l'art peut polir , mais qu'il ne saurait donner. Ces talens, qui embrassent beau- coup de choses, n'achèvent pas néanmoins un ora- teur : l'étude et le commerce du monde peuvent faire tout le reste. Avant que d'entreprendre de parler en public, il faut que la lecture des auteurs qui ont quelque réputation , et particulièrement les originaux en chaque science , ait enrichi notre esprit : il faut que la conversation des savans et le conseil d'un censeur honnête, habile, et de nos amis, nous enseignent l'usage, et nous apprennent à le régler sur le goût de notre siècle. Il est bon aussi que l'entretien des personnes qui forment la bonne compagnie, et la lecture des meilleurs ou- DE MAXIMES. i3i vrages du temps, aient poli nos mœurs et notre langage. Lorsqu'un homme possède ces avantages , il peut hasarder d'entrer dans la carrière des ora- teurs , et mettre leurs préceptes à exécution. Lorsque le choix du sujet dépend de l'orateur, il le doit prendre susceptible de force et d'ornement ; il doit mettre de l'ordre dans son dessein , et de la liaison dans ses pensées; et, s'il est possible, il ne faut pas que son discours dure plus d'une heure. Sa diction doit être pure, et propre à son sujet ; riche et ornée sans fard ; forte et serrée sans séche- resse; convenable à celui qui parle, au lieu, au temps et aux auditeurs. On ne saurait trop éviter les mots qui ne sont plus en usage. Ayons plus besoin de nous rendre intelligibles que de paraître doctes : parlons de sorte que le peuple nous entende : fuyons néanmoins les expressions populaires, aussi bien que celles qui sentent le phébus : évitons cette enflure asiatique ennemie du bon sens et de la vérité. Qu'un orateur se souvienne toujours que c'est à la vérité seule qu'il doit immoler les pre- mières productions de la chaleur de l'esprit : qu'il surmonte un sot orgueil qui l'empêche de prendre de bons conseils , et qu'il se défie de l'amour aveugle que tous les hommes ont pour leurs propres ouvrages. Sa narration doit être exacte, claire, ser- rée; elle doit couler majestueusement comme les grands fleuves. La grandeur des choses qu'elle traite, et non pas la grandeur des mots dont elle i3a DICTIONNAIRE se sert , doit l'aire son élévation. Il lui est permis de s'écarter quelquefois de son sujet pourvu qu'il ne s'égare pas, et qu'il y revienne avec plus de force et d'agrément. Ses comparaisons doivent être justes et courtes j ses métaphores suivies et natu- relles -, ses citations choisies et peu fréquentes , et moins encore dans une langue étrangère que dans sa langue. 11 doit éviter les équivoques, les pointes, les jeux de mots, comme des ornemens indignes de la véritable éloquence : il faut que les passions soient amenées , et que les mouvemens soient mé- nagés avec discrétion, et mêlés d'une grande va- riété : il faut enfin que les figures en soient dis- posées avec délicatesse, et que l'art en soit caché avec adresse. Saint -Èvremont. L'éloquence est née au sein de la liberté du be- soin de la gloire. M. Lacretelle aîné. L'éloquence n'est jamais plus imposante, que lorsqu'elle mêle les belles émotions de l'âme aux grandes pensées de l'ordre public. M. Lacretelle aîné. Il y a un art de manier la persuasion qui varie selon les caractères qu'il s'agit de gagner. On dé- ploie les foudres de l'éloquence contre le peuple qu'il faut terrasser; on se munit de ses artifices contre des esprits insidieux. C'est l'éloquence de la politique et des affaires qui manque souvent aux DE MAXIMES. i33 plus habiles orateurs; ils possèdent tous les tours, mais ils n'ont pas le manège qui est le talent de les appliquer. An lieu de saisir le faible de leurs par- ties, ils s'attachent aux ressorts de leur art, puis- sans par eux-mêmes, mais trop usés pour réussir toujours. L'éloquence est bonne en public, et la raison suffit en particulier. Le succès de l'éloquence dépend des dispositions de l'auditeur qu'il faut tou- jours consulter. Des expressions synonymes dans leur sens naturel ne le sont pas dans leur effet : c'est ainsi que deux traits également aiguisés ne pénètrent pas aussi avant l'un que l'autre, quoi- qu'ils soient lancés avec la même force, et d'une pareille distance. Bacon. €nfant. - €n{ance. Les enfans sont hautains , dédaigneux , colères , envieux, curieux, intéressés, paresseux, volages, timides, intempérans, menteurs, dissimulés; ils rient et pleurent facilement ; ils ont des joies im- modérées et des afflictions amères sur de très-petits sujets ; ils ne veulent point souffrir de mal , et ai- ment à en faire : ils sont déjà des hommes. La Bruyère. Les enfans n'ont ni passé ni avenir; et, ce qui ne nous arrive guère, ils jouissent du présent. La Bruyère. i34 DICTIONNAIRE Le caractère de l'enfance paraît unique; les mœurs de cet âge sont assez les mêmes, et ce n'est qu'avec une curieuse attention qu'on en pénètre la diffé- rence : elle augmente avec la raison , parce qu'avec celle-ci croissent les passions et les vices, qui seuls rendent les hommes si dissemblables entre eux, et si contraires à eux-mêmes. La Bruyère. 11 n'y a nuls vices extérieurs et nuls défauts qui ne soient aperçus par les enfans ; ils les saisissent d'une première vue , et ils savent les exprimer par des mots convenables; on ne nomme point plus heureusement : devenus hommes, ils sont chargés à leur tour de toutes les imperfections dont ils se sont moqués. La Bruyère. La paresse , l'indolence et l'oisiveté , vices si na- turels aux enfans , disparaissent dans leurs jeux , où ils sont vifs , appliqués , exacts , amoureux des rè- gles et de la symétrie, où ils ne se pardonnent nulle faute les uns aux autres, et recommencent eux- mêmes plusieurs fois une seule chose qu'ils ont manquée : présages certains qu'ils pourront un jour négliger leurs devoirs , mais qu'ils n'oublieront rien pour leurs plaisirs. La Bruyère. Les enfans commencent entre eux par l'état po- pulaire, chacun y est le maître; et, ce qui est bien naturel, ils ne s'en accommodent pas long -temps, DE MAXIMES. i33 et passent au monarchique. Quelqu'un se distingue- t-il, ou par une plus grande vivacité, ou par une meil- leure disposition du corps, ou par une connaissance plus exacte des jeux différens et des petites lois qui les composent; les autres lui défèrent, et il se for- me alors un gouvernement absolu qui ne roule que sur le plaisir. La Bruyère. C'est perdre toute confiance dans l'esprit des en- fans, et leur devenir inutile, que de les punir des fautes qu'ils n'ont point faites, ou même sévère- ment de celles qui sont légères. Ils savent précisé- ment et mieux que personne ce qu'ils méritent, et ils ne méritent guère que ce qu'ils craignent : ils connaissent si c'est à tort ou avec raison qu'on les châtie, et ne se gâtent pas moins par des peines mal ordonnées que par l'impunité. La Bruyère. Notre tendresse pour nos enfans est indépendante de la réflexion; nous les aimons parce qu'ils sont nos enfans : leur existence fait partie de la nôtre, ou c'est plus que la nôtre. Le bonheur qu'on leur doit résulte de tout ce qui leur est utile , de tout ce qui les intéresse; il naît de leur santé , de leur gaîté, de leurs amusemens ; on leur sait gré de leurs plai- sirs. M. Droz. J'ai vu des pères qui, à force d'aimer leurs enfans , ne les aimaient pas. Que veux-tu dire ? me deman- i36 DICTIONNAIRE dera-t-on. Je vais me faire entendre. Ils veulent que leurs enfans soient tout de suite des merveilles en tout-, ils les accablent de travaux excessifs. Les petits malheureux , excédés de fatigue , rejettent cet excès d'instruction et n'en profitent pas. Distribuée avec modération , l'eau nourrit les plantes ; prodi- guée avec excès , elle les étouffe. Il en est de même de l'esprit : un travail mesuré contribue à son ac- croissement -, il est abattu par l'excès du travail. Donnez du relâche aux enfans , et songez que notre vie entière est une succession de travail et de repos. Plutarque. Qu'on fasse horreur aux enfans de prononcer des paroles indécentes. « Le discours, disait Démocrite , est l'ombre des actions. » Plutarque. Je crois que les pères ne doivent pas être trop durs et trop revêches. Il est bon qu'ils aient sou- vent de l'indulgence pour les fautes de leurs enfans. Ils ne doivent pas oublier qu'ils ont été jeunes eux- mêmes. Plutarque. On instruit les enfans à craindre et à obéir : l'ava- rice, ou l'orgueil, ou la timidité des pères, leur enseignent l'économie et la soumission. On les excite encore à être copistes -, à quoi ils ne sont déjà que trop^ enclins : nul ne songe à les rendre originaux , entreprenans, indépendans. V auvenargues \ DE MAXIMES. i3 7 Les ennemis ont leur utilité , ils vous montrent vos fautes , ils vous disent des vérités $ ce sont des maîtres qu'on ne paie pas. Plutarque. Les bons ménagers font profit de tout, de leurs ennemis comme de leurs amis. Xénophon. Votre plus grand ennemi n'est pas toujours celui à qui vous avez fait le plus de mal ; il peut être gé- néreux : mais si vous avez été offensé par un lâche , soyez sûr qu'il voudra éternellement votre perte ; car il craint votre ressentiment , et la crainte ne pardonne pas. M. de Lévis. Nos véritables ennemis sont avec nous. Déraci- nons de nos cœurs l'ambition, l'avarice et la jalousie ; nous rétablirons l'ordre et l'harmonie qui doivent régner dans la société , et tous les hommes seront amis. Fénélon. Nos ennemis approchent plus de la vérité dans les jugemens qu'ils portent de nous, que nous n'en ap- prochons nous-mêmes. La Rochefoucauld. Il n'y a personne qui ait plus d'ennemis dans le i38 DICTIONNAIRE monde qu'un homme droit , fier et sensible , disposé à laisser les personnes et les choses pour ce qu'elles sont , plutôt qu'à les prendre pour ce qu'elles ne sont pas. Chamfort. Vivre avec ses ennemis comme s'ils devaient être un jour nos amis , et vivre avec nos amis comme s'ils pouvaient devenir nos ennemis , n'est ni selon la nature de la haine, ni selon les règles de l'amitié 5 ce n'est point une maxime morale, mais politique. La Bruyère. Ctttuti L'ennui est entré dans le monde par la paresse ; elle a beaucoup de part dans la recherche que font les hommes des plaisirs , du jeu, de la société. Celui qui aime le travail a assez de soi-même. La Bruyère. L'ennui est une espèce de déplaisir qu'on ne sau- rait définir : ce n'est ni chagrin, ni tristesse-, c'est une privation de tout plaisir , causé par je ne sais quoi dans nos organes ou dans les objets du dehors , qui, au lieu d'occuper notre âme, produit un mal- aise ou dégoût, auquel on ne peut s'accoutumer. L'ennui est l'ennemi le plus dangereux de notre être et le tombeau de nos passions : la douleur a quelque chose de moins accablant , parce que , dans DE MAXIMES. i3«> les intervalles, elle ramène le bonheur et l'espé- rance d'un meilleur état : en un mot , l'ennui est un mal si singulier , si cruel , que l'homme entre- prend souvent les travaux les plus pénibles , afin de s'épargner la peine d'en être tourmenté. Le chevalier de Jaucourt. C'est un grand tort à un écrivain d'être ennuyeux. On ennuie dans un ouvrage d'esprit , de morale ou de raisonnement, toutes les fois qu'on ne réveille pas l'esprit par des idées neuves. Dans les histoires et les romans , les faits tiennent lieu de pensées et d'esprit. Helvétius. La vraie philosophie nous met au-dessus des grandeurs-, mais rien ne nous met au-dessus de l'ennui qu'elles causent. *** C'est un des grands secrets de la vie que de savoir adoucir nos ennuis \ et si nous ne pouf ons nous dé- faire de nos douleurs, d'en affaiblir au moins les atteintes. Saint-Évremont, L'ennui est une maladie dont le travail est le remède -, le plaisir n'est qu'un palliatif. M. de Lévis. L'honnête homme ennuyeux l'est bien plus qu'un autre -, car non-seulement il faut qu'on le supporte, mais encore qu'on prenne sur soi de l'écouter avec des égards , et même avec l'air de la bienveillance. Anonjme. i4o DICTIONNAIRE L'ennui est une maladie inconnue à nos petites villes , parce que chacun y est pressé et entassé dans sa condition, et n'a pas moyen d'être mieux. Sou- vent on s'ennuie parce que l'on ne sait ce que l'on a à faire. Nicole. On ne s'ennuie jamais de son état quand on n'en connaît pas de plus agréable. De tous les hommes du monde , les sauvages sont les moins curieux , tout leur est indifférent : ils ne jouissent pas des choses, mais d'eux ; ils passent leur vie à ne rien faire , et ne s'ennuient jamais. J.-J. Rousseau. On s'ennuie presque toujours avec les gens avec qui il n'est pas permis de s'ennuyer. La Rochefoucauld. On se plaint de l'ennui, et tout le monde envie le sort des hommes les plus sujets à cette espèce de malheur. L'ennui est la maladie des gens heureux , des hommes riches , puissans , inoccupés ; or il est- évident qu'on ne cherche , toute sa vie , que le moyen de parvenir à un tel état , et que le repos est toujours l'espoir et le but du travail. O e de Ségur. Nous pardonnons souvent à ceux qui nous en- nuient-, mais nous ne pouvons pardonner à ceux que nous ennuyons. La Rochefoucauld. • Si l'on examine bien les effets de l'ennui , on trou- DE MAXIMES. 141 vera qu'il fait manquer à plus de devoirs que l'in- térêt. La Rochefoucauld. L'ennui est le mal contre lequel on cherche le plus de médecins et de remèdes -, mais on ne peut que pallier les effets de son poison par le secours d'autrui : pour en guérir, il faut porter en soi l'an- tidote. C u de Ségur. Ctttri*. L'homme de bien voit l'envie , s'attend à l'ingra- titude, et suit sa conscience et son cœur. Malesherbes. On fait souvent vanité des passions, même les plus criminelles-, mais l'envie est une passion ti- mide et honteuse que l'on n'ose jamais avouer. La Rochefoucauld. L'envie qui parle et qui crie , est toujours mala- droite ; c'est l'envie qui se tait qu'on doit craindre. Rivarol. Ceux qui font bien mériteraient seuls d'être en- viés, s'il n'y avait encore un meilleur parti à prendre, qui est de faire mieux -, c'est une douce vengeance contre ceux qui nous donnent cette jalousie. La Bruyère. I/envie est plus irréconciliable que la haine. La Rochefoucauld. ifa DICTIONNAIRE Le bonheur dont nous jouissons dans autrui , est peut - être le seul qui n'excite point l'envie. La Harpe. Sur toutes les scènes du monde, les spectateurs envient les acteurs , et les acteurs les spectateurs. *** L'envieux est malheureux de son malheur, et du bonheur d'autrui. Fontenelle. Notre envie dure toujours plus long - temps que le bonheur de ceux que nous envions. La Rochefoucauld. La vanité peut se rencontrer avec un bon naturel , mais l'envie suppose toujours de la méchanceté dans le cœur. Youug. L'envie ne saurait se cacher. Elle accuse et juge sans preuve ; elle grossit les défauts \ elle a des qua- lifications énormes pour les moindres fautes -, son langage est rempli de fiel, d'exagération et d'injure; elle s'acharne avec opiniâtreté et avec fureur contre le mérite éclatant. En un mot elle est aveugle, em- portée , insensée et brutale. V auvenargues . t L'envie punit toujours le cœur qui la conçoit, elle l'afflige d'une inquiétude continuelle , sans es- pérance de soulagement. Saint-Evremont. L'envie décèle la médiocrité -, les grands caractè- res ne connaissent que les rivalités. M. de Lévis. DE MAXIMES. 1 43 L'envie, toujours maligne et haineuse, n'est ja- mais bonne à rien; ou plutôt il n'est aucun bien à quoi elle ne mette obstacle : mais surtout elle est une bien fâcheuse compagne, une bien mauvaise conseillère pour celui qui l'écoute, file lui rend tristes, désagréables, odieuses, les choses les plus utiles qu'il entend; car c'est toujours ce qu'il y a de mieux, dit qui plaît le moins à l'envieux. Celui qui porte envie à la richesse, à la réputation, à la beauté, n'est envieux que des avantages d'autrui : mais por- ter envie à des choses bien dites, c'est s'envier à soi- même son propre bien et s'en affliger; caria lu- mière appartient à ceux qui la voient; et les bons discours à ceux qui les écoutent , s'ils veulent les recevoir. Plutarque. Les envieux sont les plus malheureux des hom- mes ; on ne sent ordinairement que les maux qu'on éprouve soi-même; mais l'envieux s'afflige égale- ment de ses propres malheurs , et du bien qui ar- rive aux autres. Théophraste. Évite de rien faire qui puisse t'attirer l'envie. Pjthagore. L'envie est le ver rongeur du mérite et de la gloire : on l'étouffé en cherchant moins la répu- tation de la vertu que la vertu même, en cédant au hasard ou à la Providence le succès de nos actions. Le moyen encore d'imposer silence à la i44 DICTIONNAIRE jalousie, c'est de ne rechercher que des dignités onéreuses. Il se mêle alors un peu de compassion à la malignité du public. Aussi les bons politiques ne parlent-ils que des peines attachées à leur mi- nistère ; ces njiaintes affectées apaisent les cris de l'envie. Bacon. L'envie est une peine de l'âme, causée par la considération d'un bien que nous désirons, lequel est possédé par une autre personne qui , à notre avis , n'aurait pas dû l'avoir préférablement à nous. Locke. L'envie est la rouille des vertus ; elle les ternit et les ronge. B on Massias. L'envie, qui a des yeux louches pour voir Je bien , a des poumons d'airain pour publier le mal. M. Lemontey. Crmtr. Une erreur source de toutes les erreurs , et qui semble commune à tous les hommes , c'est de juger le mot au lieu de la chose : ce qu'ils ont condamné sous une dénomination, ils l'approuvent sous une autre. Malesherbes. Il semble que l'esprit humain ne peut contenir DE MAXIMES. i45 qu'un certain nombre de vérités , mais qu'il a tou- jours une place pour l'erreur. Malesherbes. Personne ne veut être plaint de ses erreurs. Wauvenargues . Il n'y a peut-être point de vérité qui ne soit à quelque esprit faux matière d'erreur. Vauvenargues. L'erreur est la nuit de l'esprit, et le piège de l'innocence. Vauvenargues. Les demi-philosophes ne louent l'erreur que pour faire les honneurs de la vérité. Vauvenargues. Quelque temps après qu'une erreur a disparu, les hommes ne conçoivent pas comment on l'a pu croire. On se moque aujourd'hui des Egyptiens qui adoraient leur dieu sous la figure d'un oignon ; on rit de la sottise de ces moines qui se disputaient entre eux sur la propriété et l'usufruit de la soupe qu'ils mangeaient : nous apprêtons à rire à nos ne- veux sur bien d'autres absurdités pour le moins aussi ridicules ! Cependant il vient à la tête de peu de gens sensés de se demander : « Que croyons-nous « de plus raisonnable que les Egyptiens, ou les na- « tions les plus barbares ? » Helvétius. Il est de l'homme de se tromper , et d'un fou de persévérer dans son erreur. Cicéron. 10 i46 DICTIONNAIRE Les hommes sentent mieux le besoin de guérir leurs maladies que leurs erreurs. C te de Ségur. €&yét(mce. L'homme ne se rebute point de l'espérance : toujours crédule et toujours trompé, il ne sort d'une erreur que pour retomber dans une autre ; l'expérience ne le corrige point : il veut voir l'in- stant qu'il n'a point vu. Young. L'espérance anime le sage , et leurre le présomp- tueux et l'indolent qui se reposent témérairement sur ses promesses. Vauvenargues. L'espérance est le seul bien qui reste aux mal- heureux. Ménandre. L'espérance est le seul bien qui soit commun à tous les hommes : ceux qui n'ont plus rien la pos- sèdent encore. Thaïes, L'espérance est une excellente compagne. Si elle ne nous conduit pas toujours où elle nous a pro- mis, néanmoins ells #e nous abandonne point, et elle ne cesse de nous prodiguer des paroles con- solantes. Saadi. L'espérance est le pain des malheureux. D'jamy. DE MAXIMES. i4 7 Ou vante les temps passés , parce que l'imagina- tion se nourrit de regrets comme d'espérance. *** L'espérance, toute trompeuse qu'elle est, sert au moins à nous mener à la fin de la vie par un chemin agréable. La Rochefoucauld. Les espérances les plus ridicules et les plus har- dies ont été quelquefois la cause de succès extraor- dinaires. Vauvenargues. L'espérance est le plus utile ou le plus pernicieux des biens. Vauvenargues. Celui qui vit d'espérance , court risque de mourir de faim : il n'y a point de profit sans peine. B. Franklin. L'espérance fait plus de dupes que l'habileté. Vauvenargues . L'espérance est une divinité qui n'a ni temples ni autels que dans nos cœurs. Fénélon. L'espérance est un emprunt fait au bonheur. RivaroL L'espérance est le songe d'un homme éveillé-, c'est le pavot qui endort nos peines : c'est une jeune étourdie qui n'a que de l'imagination sans jugement, et qui croit tout ce qu'on lui dit, pourvu qu'il lui plaise. J.-J. Rousseau. i48 DICTIONNAIRE L'espérance est la plus utile de toutes les affec- tions de l'âme , parce qu'elle entretient la santé par le repos de l'imagination. Un homme qui a des espérances pour de longues années , fournit ordi- nairement une grande carrière : s'il n'avait sans cesse devant les yeux un projet à remplir , son terme serait proche, et sa vie s'éteindrait avec ses désirs. L'espérance est une espèce de joie qui, sem- blable à l'or en feuilles, se développe et s'étend sur tous les momens de la vie. Bacon. L'espérance est ce contentement de l'âme que chacun trouve en soi-même, lorsqu'il pense à la jouissance qu'il doit probablement avoir d'une chose qui est propre à lui donner du plaisir. Locke. L'homme qui se laisse conduire par l'espérance voyage avec la pauvreté. D'jamy. L'espérance est la rêverie d'un homme qui veille. A ris tôt e. On peut tout enlever aux hommes , pourvu qu'on leur laisse l'espérance. C le de Ségur. €#prtt Il est bon , plus souvent qu'on ne pense , de savoir ne pas avoir d'esprit, Malesherbes. DE MAXIMES. 149 La beauté ne fait pas toujours naître l'amour, et peut n'exciter qu'une admiration froide-, l'esprit, joint à une figure piquante, est toujours sûr de son effet. Duclos. L'esprit s'use comme toutes choses : les sciences sont son aliment ; elles le nourrissent et le consu- ment. La Bruyère. L'esprit s'aiguise à la ville , il s'attendrit aux champs. Malesherbes. On peut déplaire avec beaucoup d'esprit , lors- qu'on ne s'applique qu'à le faire briller aux dépens des autres. *** Les gens d'esprit n'en ont jamais moins que lors- qu'ils veulent en avoir. Duclos. L'esprit devient subtil quand l'âme est petite. Malesherbes. Les gens d'esprit seraient presque seuls , sans les sots qui s'en piquent. Vauvenargues. L'esprit ne saurait jouer long-temps le person- nage du cœur. La Rochefoucauld. Les défauts de l'esprit augmentent en vieillissant comme ceux du visage. La Rochefoucauld. i5o DICTIONNAIRE Ce n'est point un grand avantage d'avoir l'esprit vif, si on ne l'a juste. La perfection d'une pendule n'est pas d'aller vite , mais d'être réglée. Vauvenargues . On ne plaît pas long-temps quand on n'a qu'une sorte d'esprit. La Rochefoucauld. L'esprit sert quelquefois à faire hardiment des sottises. La Rochefoucauld. On est quelquefois un sot avec de l'esprit, mais on ne l'est jamais avec du jugement. La Rochefoucauld. L'esprit est à la raison ce qu'est le fard à la beauté-, il frappe au premier coup d'œil , déplaît au second , et flétrit à la longue. Weiss. Lorsqu'on ne veut rien perdre ni cacher de son esprit, on en diminue quelquefois la réputation. Vauvenargues. L'esprit est une finesse de raison qui s'évapore , et qui est d'autant plus faible et plus sujette à s'éva- nouir , qu'elle est plus délicate et plus épurée. Fléchier. L'esprit consiste bien moins à en montrer beau- coup qu'à en faire trouver aux autres : qui sort de votre entretien content de soi, l'est de vous parfaitement. Les hommes n'aiment point à admi- rer; ils veulent l'être : ils cherchent moins à être DE MAXIMES. i5i instruits et même réjouis, qu'à e*tre goûtés et ap- plaudis. La Bruyère. Le meilleur usage qu'on puisse faire de son esprit est de s'en défier. Fénélon. L'esprit ne consiste que dans le bon sens. Fénéloji. Peu d'esprit avec la droiture ennuie moins à la longue, que beaucoup d'esprit avec des travers. La Rochefoucauld. Les hommes d'une imagination forte parlent avec une autorité despotique ; les ignorans et les faibles écoutent avec une admiration servile ; les bons esprits examinent. Voltaire. Le bon esprit consiste à faire valoir celui des autres. La Bruyère. Il est encore plus facile de juger de l'esprit d'un homme par ses questions que par ses réponses. M. de Lévis. L'esprit est un talent précieux , lorsqu'il sert d'organe à la raison : mais s'il usurpe sa place , c'est une vraie maladie de l'âme. Young. L'esprit est la connaissance des causes , des rap- ports et des effets. L'esprit de profondeur remonte aux causes ; celui d'étendue embrasse les rapports 5 celui de finesse consiste à juger promptement des i52 DICTIONNAIRE effets. L'esprit est l'aptitude à penser, et la pensée elle-même. Duclos. L'esprit consiste à distinguer en quoi les objets qui diffèrent se ressemblent , et le jugement en quoi les objets qui se ressemblent diffèrent. Locke. Il n'y a qu'un imprudent qui risque d'avoir de l'esprit devant les gens qu'il ne connaît pas. Helvétius. Les hommes laids , en général , ont plus d'esprit 5 parce qu'ils ont eu moins d'occasions de plaisirs , et plus de temps pour étudier. Helvétius. Les gens du monde aiment les gens qui orît plusieurs sortes d'esprit, parce qu'ils croient avoir plus d'analogie avec eux. Helvétius. L'esprit a ses besoins, qui sont peut-être plus étendus que ceux du corps. Il veut savoir, et tout ce qui peut être connu lui est nécessaire. Fontenelle. A mesure qu'on a plus d'esprit , on trouve qu'il y a plus d'hommes originaux. Les gens du commun ne trouvent pas de différence entre les hommes. Pascal. Comme notre esprit se fortifie par la communia cation des esprits vigoureux et réglés , il ne se peut dire combien il perd et s'abâtardit, par le con- DE MAXIMES. i53 tinuel commerce en fréquentations que nous avons avec les esprits bas et maladifs. 11 n'est contagion qui s'épande comme celle-là. Montaigne. Quand on court après l'esprit, on attrape souvent la sottise. Montesquieu. Les gens qui ont beaucoup d'esprit tombent sou- vent dans le dédain de tout. Montesquieu. On peut avoir l'esprit très -juste, très -raisonna- ble, très -agréable, et très -faible en même temps. Nicole. L'extrême délicatesse de l'esprit est une espèce de faiblesse 5 on sent vivement les choses , et l'on succombe à ce sentiment si vif. Nicole. Il y a des esprits qui n'ont que de la surface sans fond ; il y en a qui ont du fond sans surface ; il y en a enfin chez lesquels ces deux avantages sont réu- nis. Les premiers trompent le monde et se trompent souvent eux-mêmes. Le monde se trompe dans les seconds, mais ils ne se trompent pas eux-mêmes : il n'y a que les derniers qui ne trompent ni les au- tres, ni eux-mêmes. Nicole. Un homme qui n'a de l'esprit que dans une cer- taine médiocrité, est sérieux et tout d'une pièce : il ne rit point, il ne badine jamais, il ne tire aucun i54 DICTIONNAIRE fruit de la bagatelle ; aussi incapable de s'élever aux grandes choses que de s'accommoder même par relâchement des plus petites , il sait à peine jouer avec ses enfans. La Bruyère. 0*ttme. Il faut qu'un honnête homme ait l'estime publi- que, sans y avoir pensé , et pour ainsi dire , malgré lui. Celui qui l'a cherchée donne sa mesure. Chamfort. Il n'y a point d'homme qui se croie , en chacune de ses qualités , au-dessous de l'homme qu'il estime le plus. La Rochefoucauld. J'ai vu, dans le monde, qu'on sacrifiait sans cesse l'estime des honnêtes gens à la considération , et le repos à la célébrité. Chamfort. L'estime est un aveu intérieur du mérite de quel- que chose -, le respect est le sentiment de la supério- rité d'autrui. Vauvenargues. Non-seulement on s'estime avant tout 5 mais on estime encore toutes les choses que l'on aime, com- me la chasse, la musique , les chevaux, etc. ; et ceux qui méprisent leurs propres passions ne le font que par réflexion , et par un effort de raison -, car l'ins- tinct les porte au contraire. Vauvenargues. DE MAXIMES. i55 On est rarement maître de se faire aimer ; on l'est toujours de se faire estimer. Cette estime est le vrai principe de la considération qui .n'est pas toujours attachée aux dignités. Fontenelle. On n'est jamais autant estimé par un autre que par soi - même. Sénèque. Nul ne peut être heureux , s'il ne jouit de sa pro- pre estime. J.-J. Rousseau. Celui qui ne désire pas l'estime de ses contem- porains en est indigne. Le grand Frédéric. L'estime que les talens font naître, fortifie la haine ou l'amour. De Lingré. L'estime de soi-même est une des premières conditions du bonheur. Duclos. L'estime de ses contemporains est un bien plus réel que l'admiration de la postérité. N. Bonaparte. Les sots admirent tout dans un auteur estimé. Voltaire. L'amour de soi est un sentiment ; l'amour-propre une opinion; par l'un on s'aime, par l'autre on s'estime. /../. Rousseau. i56 DICTIONNAIRE Plus l'homme vain s'estime lui-même , moins il estime ses semblables, qui le lui rendent bien. Chamfort. €tutr*. Un des grands avantages de l'étude est de sup- pléer à la stérilité de l'esprit qui se rencontre en bien des hommes. Elle lui fait tirer d'ailleurs ce qui lui manque : elle étend ses connaissances et ses lumières par des secours étrangers , porte plus loin ses vues , multiplie ses idées , les rend plus, variées , plus distinctes, plus vives. Elle lui apprend à envisager les vérités par plusieurs faces-, lui dé- couvre la fécondité des principes , et l'aide à en tirer les conséquences les plus éloignées : car enfin , nous naissons dans les ténèbres de l'ignorance, et la mauvaise éducation y ajoute beaucoup de faux préjugés. L'étude dissipe les premiers et corrige les autres : elle donne à nos pensées et à nos rai- sonnemens de la justesse et de Inexactitude : elle nous accoutume à mettre de Tordre et de l'arran- gement dans toutes les matières dont nous avons à parler ou à écrire : l'étude nous présente pour gui- des et pour modèles les hommes les plus éclairés et les plus sages de l'antiquité , qu'on peut appeler en ce sens, avec Sénèque,les maîtres et les précepteurs du genre humain. En nous prêtant leur discerne- DE MAXIMES. 167 ment et leurs yeux, elle nous fait marcher avec sûreté à la lumière que portent devant nous ces guides choisis, qui, après avoir passé par l'examen rigoureux de tant de siècles et de tant de peuples, et avoir survécu à la ruine de tant d'empires, ont mérité, par un suffrage unanime, d'être pour tous les âges suivans les arbitres souverains du bon goût, et les modèles achevés de ce que la littérature a de plus parfait. Mais l'utilité de l'étude ne se borne pas à ce qu'on appelle science : elle donne aussi de la capacité pour les affaires et pour les emplois. De plus , l'étude fait acquérir l'amour du travail : elle en adoucit la peine ; elle sert à arrêter et à fixer la légèreté de l'esprit, à vaincre l'aversion pour une vie sédentaire et appliquée , et pour tout ce qui assujettit-, elle retire de l'oisiveté et de la débau- che -, elle remplit utilement les vides de la journée qui pèsent si fort à tant de personnes : elle met en état de juger sainement des ouvrages qui parais- sent, de lier société avec des gens d'esprit, de pren- dre part aux entretiens les plus savans , de fournir de son côté à la conversation , ou sans cela on de- meurerait muet -, de la rendre plus utile et plus agréable, en mêlant les faits aux réflexions, et re- levant les uns par les autres. Rollin. L'étude est la nourriture des jeunes «gens et la consolation des vieillards. Elle est un sûr préser- vatif contre l'ennui, parce que le temps s'écoule i58 DICTIONNAIRE agréablement avec elle : elle nous empêche d'être à charge à nous-mêmes et inutiles aux autres -, elle nous procure la compagnie des gens de bien, et beaucoup d'amis. Sénèque. Regarder la jeunesse non comme un âge destiné par la nature au plaisir et au relâchement, mais comme un temps que la vertu consacre au travail et à l'application ; négliger le soin de ses biens , de sa fortune , et faire de tout ce que les hommes ché- rissent le plus, un digne sacrifice à l'amour de la science et à l'ardeur de s'instruire ; devenir invisi- ble pour un temps, se réduire à une captivité vo- lontaire, et s'ensevelir tout vivant dans une pro- fonde retraite, pour y préparer de loin des armes victorieuses : voilà ce qu'ont fait les Démosthène et les Cicéron. D'Aguesseau. Apprenez comme si vous ne saviez rien , et crai- gnez surtout d'oublier ce que vous avez appris. Cojifucius, L'étude la plus utile est celle de soi-même : les peines et les travaux des écoles ne doivent servir à cette dernière étude que comme des degrés. /.-/. Rousseau. Étudiez, non pour savoir plus, mais pour savoir mieux que les autres. Sénèque. L'étude est. par elle-même, de toutes les occu- pations, celle qui procure à ceux qui s'y attachent DE MAXIMES. i5 9 les plaisirs les plus attrayans, les plus doux et les plus honnêtes de la vie-, plaisirs uniques, propres en tout temps, à tout âge et en tous lieux. Le chevalier de Jaucourt. Les lettres n'embarrassent jamais dans la vie : elles forment la jeunesse, servent dans l'âge mûr, et réjouissent dans la vieillesse ; elles consolent dans l'adversité, et elles rehaussent le lustre de la for- tune dans la prospérité -, elles nous entretiennent la nuit et le jour 5 elles nous amusent à la campagne, et nous délassent dans les voyages. Cicéron. L'étude est la plus solide nourriture de l'esprit. C'est la source de ses plus belles lumières ; c'est l'étude qui augmente les talens de la nature , mais c'est la conversation qui les met en œuvre et qui les polit ; c'est le grand livre du monde qui ap- prend le bon usage des autres livres, et qui peut faire d'un homme savant un homme aimable et utile à la société. Saint-Êvremont. L'étude réunit tous ces avantages qu'elle distrait des peines , adoucit les souffrances , diminue les besoins, console des pertes, en même temps qu'elle augmente les jouissances de l'amour-propre. M. de Le'vis. Ceux qui ont consacré leur vie à l'étude , et qui en ont employé tous les instans à s'enrichir de nou- velles connaissances , ne peuvent être accusés d'avoir 160 DICTIONNAIRE abandonné l'utilité commune. La patrie leur doit au contraire de grands avantages : les lumières qu'ils ont communiquées ont éclairé leurs concitoyens , les ont rendus meilleurs et plus propres à servir l'état. Cicéron. Crimpli* Rien n'est si persuasif que l'exemple d'un prince ; il fait en quelque sorte disparaître le péril quand il le partage. Duclos. La route des préceptes est longue; celle des exemples est plus courte et plus sûre. Sénèque. L'exemple est un corrupteur qui met adroitement notre raison dans ses intérêts. Young. Rien n'est si contagieux que l'exemple , et nous ne faisons jamais de grands biens ni de grands maux qui n'en produisent de semblables. Nous imi- tons les bonnes actions par émulation , et les mau- vaises par la malignité de notre nature , que la honte retenait prisonnière , et que l'exemple met en liberté. La Rochefoucauld. Le mauvais exemple des grands est contagieux aux petits. Fontenelle. s de maximes. 161 La leçon des exemples instruit beaucoup plus que celle des préceptes. Saint-Evrcmont. Les mauvais princes nuisent plus par l'exemple que par leurs fautes mêmes. Cicéron. (expérience. L'expérience tient une école où les leçons coû- tent cher -, mais c'est la seule où les insensés peuvent s'instruire. B. Franklin. Combien les meilleurs conseils sont-ils peu utiles , si nos propres expériences nous instruisent si rare- ment ! Vauvenargues. La raison a besoin de l'expérience; mais l'expé- rience est inutile sans la raison. Le roi Stanislas. L'expérience raisonnée est la seconde et la meil- leure éducation. Lamotte. 11 faut que la jeunesse achète son expérience. L'expérience ne nous éclaire souvent que pour nous donner des regrets : c'est un trésor que nous amassons, sans en jouir. M. Lacretelle aîné . 1 1 i6a DICTIONNAIRE La misanthropie et l'égoïsme sont ordinairement les tristes fruits de l'expérience ; mais lorsqu'on les a recueillis , on doit être assez sage pour se retirer dans la solitude. On n'est plus fait dès-lors pour la soeiété. Anonyme* DE MAXIMJCS. ,(,; La faiblesse est le seul dëfaut que l'on ne saurait corriger. La Rochefoucauld. / Les personnes faibles ne peuvent être sincères. La Rochefoucauld. La faiblesse est plus opposée à la vertu que le vice. Jja Rochefoucauld. Ce qui m'étonne le plus , est de voir que tout le monde n'est pas étonné de sa faiblesse. On agit sé- rieusement, et chacun suit sa condition, non pas parce qu'il est bon en effet de la suivre , mais com- me si chacun savait certainement où est la raison et la justice. Pascal. La raison est presque inutile à la faiblesse. Vauvenargues. il y a plus de faiblesse que de raison à être humi- lié de ce qui n*)us manque , et c'est la source de toute bassesse. Vauvenargues. Nul homme n'est faible par choix. Vauvenargues. Il y a des faiblesses , si on l'ose dire , inséparables de notre nature. Vauvenargues. 164 DICTIONNAIRE La plus grande de toutes les faiblesses est de craindre de paraître faible. Bossuet. Il faut avoir bien de la vanité pour ne pas con- naître sa faiblesse. Saint-Evremont. La faiblesse a bien des étages. Il y a très-loin, chez les gens faibles , de la velléité à la volonté ; de la volonté à la résolution ; de la résolution au choix des moyens; du choix des moyens à l'application. Card al de Retz. Les effets de la faiblesse sont inconcevables, et je maintiens qu'ils sont plus prodigieux encore que ceux des passions. Il n'en est pas qui assemble plus souvent les contradictoires. Card al de Retz. Rien n'est si commun que d'ériger sa faiblesse en système , et de mettre ses goûts sur le compta de sa raison. M. Lemontey. La faiblesse aime les partis mitoyens , qui ce- pendant offrent toujours le plus de périls. C LC de Ségur. On fait d'un homme faible tout ce qu'on veut , en frappant son imagination , ou en touchant son cœur. Duclos. La force des femmes est dans leur faiblesse. Fontenelle. .L'orgueil et la vanité ne pardonnent pas à l'amitié DE MAXIMES. 168 la connaissance qu'elle acquiert de leurs faiblesses. Saint - Êvrembnt. Ce qui caractérise le mieux la faiblesse, c'est l'ex- trême mobilité avec laquelle on la voit passer suc- cessivement de la peur à l'espérance, et de l'espoir au découragement. C" de Ségur. Les faiblesses des grands hommes sont celles de l'humanité. Plutarque. Les hommes faibles sont plus dangereux que les méchans. *** L'homme puissant a-t-il des faiblesses, personne n'ose prendre sur soi de lui en parler, et dès-lors il se persuade facilement que tout le monde les ignore. Anonyme. Rien de plus impérieux que la faiblesse qui se sent appuyée de la force. iV. Bonaparte. lat Un fat est celui que les sots croient un homme de mérite. La Bruyère, L'impertinent est un fat outré. Le fat lasse, en- nuie, dégoûte, rebute : l'impertinent rebute, aigrit, irrite, offense; il commence où l'autre finit. La Bruyère. Le fat est entre l'impertinent et le sot : il est composé de l'un et de l'autre. La Bruyère. iwi DICTIONNAIRE Si le fat pouvait craindre de mai parler , il sor- tirait de son caractère. La Bruyère. 11 y a des hommes qui, sans y penser, se forment une idée de leur figure, qu'ils empruntent du sen- timent qui les domine-, et c'est peut-être par cette raison qu'un fat se oroit toujours beau. V auvenargues . Tout le monde dit d'un fat qu'il est un fat , per- sonne n'ose le lui dire à lui-même : il meurt sans le savoir, et sans que personne se soit vengé. La Bruyère. Tu te trompes, Philémon, si avec ce carrosse brillant, ce grand nombre de coquins qui te suivent, et ces six bêtes qui te traînent, tu penses que l'on t'en estime davantage. L'on écarte tout ce* attirail , qui t'est étranger, pour pénétrer jusqu'à toi, qui n'es qu'un fat. La Bruyère. Saute*. Nous oublions aisément nos fautes, lorsqu'elles ne sont sues que de nous. La Rochefoucauld. Ne dites jamais : Cette faute est légère, je puis me la permettre sans danger. Ne dites jamais : Cet acte de vertu est peu considérable, je puis l'omettre sans inconvénient. Sénèque. DE MAXIM KS. 167 Ce qui fait voir que les hommes connaissent mieux leurs fautes qu'on ne pense, c'est qu'ils n'ont jamais tort quand on les entend parler de leur conduite : le même amour-propre qui les aveugle d'ordinaire, les éclaire alors, et leur donne des vues si justes , qu'il leur fait supprimer ou déguiser les actions qui peuvent être condamnées. La Rochefoucauld. On ne vit point assez pour profiter de ses fautes : on en commet pendant tout le cours de sa vie -, et tout ce que l'on peut faire à force de faillir , c'est de «lourir corrigé. La Bmyère. Les fautes des sots sont si lourdes quelquefois, et si difficiles à prévoir, qu'elles mettent les sages en défaut, et ne sont utiles qu'à ceux qui les font. La Bruyère. C'est raison qu'on fasse si grande différence entre les fautes qui viennent de notre faiblesse, et celles qui viennent de notre malice : car en celles-ci, nous nous sommes bandés en notre escient contre les règles de la raison que nature a empreintes en nous 5 et en celles-là , il semble que nous puis- sions appeler à garant cette même nature, pour nous avoir laissés en telle imperfection et défail- lance. Montaigne. On devient en fort peu de temps maître de soi , lorsqu'on se sert des fautes et des imperfections i08 DICTIONNAIRE des autres, comme d'un miroir fidèle pour décou- vrir les siennes. Oxenstiem. • La haine a sans cesse les yeux ouverts sur nos fautes, mais l'amour et l'amitié sont toujours aveugles sur nos imperfections. Richardson. Il ne faut pas être timide de peur de faire des fautes 5 la plus grande faute de toutes est de se priver de l'expérience. Vauvenargues. Qui voudra se former au grand , doit risquer de faire des fautes , et ne pas se laisser abattre , ni craindre de se découvrir; ceux qui pénétreront ses faibles, tâcheront de s'en prévaloir, mais ils le pourront rarement. Vauvenargues. Personne n'est sujet à plus de fautes que ceux qui n'agissent que par réflexion. Vauvenargues. Il faudrait qu'on nous pardonnât au moins les fautes qui n'en seraient pas sans nos malheurs. Vauvenargues. Ce n'est pas aux fautes qu'en veulent la plupart des hommes, mais à ceux qui les commettent. Sénèque. Quand on voit quelqu'un faire des fautes , il faut toujours se demander à soi-même , comme Platon : « Ne lui ressemblé -je pas ? » Plutarque, 11 y a des fautes qui n'excluent pas les meilleurs DE MAXIMES. 169 sentimens, et qui ne s'allient pas avec les mau- vaises actions. Les personnes à qui il échappe beau- coup de fautes , ne sont ni les plus estimables ni les moins aimables. M. Lacretelle aîné. Quand vous verrez votre frère commettre une faute, même une faute grave, ne pensez pas ce- pendant être meilleur que lui; car vous ignorez combien de temps vous persévérerez dans le bien. Imitation de J.-C. 11 est, à mon sens, d'un plus grand homme de savoir avouer sa faute , que de savoir ne la pas iaire. Card al de Retz. On recommence ses fautes quand on les oublie. C te de Ségur. Javmv. Tout est grand dans le temple de la faveur, excepté les portes , qui sont si basses qu'il faut y entrer en rampant. M. de Le'vis. Il y a des gens à qui la faveur arrive comme aux autres un accident : ils en sont surpris les pre- miers. Rivarol. L'on voit des hommes que le vent de la faveur i 7 o DICTIONNAIRE pousse d'abord à pleines voiles -, ils perdent en un moment la terre de vue, et font leur route-, tout leur rit, tout leur succède; action, ouvrage, tout est comblé d'éloges et de récompenses ; ils ne se montrent que pour être embrassés et félicités. Il y a un rocher immobile qui s'élève sur une côte, les flots se brisent au pied; la puissance, les ri- chesses, la violence, la flatterie, l'autorité, la fa- veur , tous les vents ne rébranlent pas ; c'est le public où ces gens échouent. La Bruyère. La faveur met l'homme au-dessus de ses égaux, et sa chute au-dessous. La Bruyère. La santé , comme la fortune , retirent leurs fa- veurs à ceux qui en abusent. Saint- Évremont. La faveur fait rarement de bons choix, Marmontel. Les femmes s'attachent aux hommes par les fa- veurs qu'elles leur accordent, et les hommes gué- rissent par ces mêmes faveurs. La Bruyère. On acquiert la faveur du prince avec peine ; or la conserve avec inquiétude -, on la perd avec dés- espoir. Montesquieu. L'homme en faveur est toujours agonisant. Sénèque. on 1)K MAXIMES. i;i Jcmme. Les femmes guérissent de leur paresse par la va- nité ou par l'amour. La paresse, au contraire, dans les femmes vives, est le présage de l'amour. La Bruyère. Une femme insensible est celle qui n'a point en- core vu celui qu'elle doit aimer. La Bruyère. Je requiers d'une femme mariée, au-dessus de toute autre vertu, la vertu économique. C'est la maî- tresse qualité , et qu'on doit chercher avant toute au- tre chose comme le seul douaire qui sert à ruiner ou à sauver nos maisons. Je vois avec dépit en plu- sieurs ménages, monsieur revenir tout maussade, et tout marmiteux du tracas des affaires environ midi , que madame est encore à se coiffer et attifer en son cabinet. C'est à faire aux reines , et encore ne sais-je. Montaigne. 11 est ridicule et injuste que l'oisiveté de nos fem- mes soit entretenue de notre sueur et travail. Montaigne. La plus utile et la plus honorable science et oc- cupation à une mère de famille, c'est la science du ménage. Montaigne. Je ne décide point quel est le premier mérite i 7 2 DICTIONNAIRE d'une femme; mais, dans l'usage ordinaire, la pre- mière question que l'on fait sur une femme que Ton ne connaît point , c'est , est-elle belle ? La se- conde, a- 1- elle de V esprit? Il arrive rarement qu'on fasse une troisième question. Fontenelle. Les femmes sont comme les princes-, souvent elles accordent à l'importunité ce que la faveur n'aurait pas obtenu. M. de Lévis. Sans la femme, l'homme serait rude, grossier, solitaire, et il ignorerait la grâce, qui n'est que le sourire de l'amour. La femme suspend autour de lui les fleurs de la vie, comme ces lianes des forêts qui décorent le tronc des chênes de leurs guirlan- des parfumées. M. de Chateaubriand. Les femmes n'ont point de plus grands ennemis que les femmes. Duclos. Le moindre défaut des femmes qui se sont aban- données à faire l'amour, c'est de faire l'amour. La Rochefoucauld. Plus les femmes ont hasardé, plus elles sont prêtes à sacrifier encore. Duclos. La sévérité des femmes est un ajustement et un fard qu'elles ajoutent à leur beauté. La Rochefoucauld. DE MAXIMES. i : 3 Les caractères sérieux, chez les femmes, suppléent quelquefois à l'âge. Duclos. Lés femmes et les jeunes gens ne séparent pas leur estime de leurs goûts. , Vauvenargues. Les femmes ne peuvent pas comprendre qu'il y ait des hommes désintéressés à leur égard. Vauvcnargues. Les femmes n'ont point de sévérité complète sans aversion. La Rochefoucauld. L'esprit de la plupart des femmes sert plus à for- tifier leur esprit que leur raison. La Rochefoucauld. La plupart des honnêtes femmes sont des trésors cachés , qui ne sont en sûreté que parce qu'on ne les cherche pas. La Rochefoucauld . Les femmes qui aiment, pardonnent plus aisément les grandes indiscrétions que les petites infidélités. La Rochefoucauld . Ce qui fait que les femmes sont peu touchées de l'amitié, c'est qu'elle leur paraît fade après l'amour. La Rochefoucauld '. De toutes les passions violentes , celle qui sied le moins mal aux femmes, c'est l'amour. La Rochefoucauld. La femme, chez les sauvages, est une bête de i 7 4 DICTIONNAIRE somme i dans l'Orient un meuble , et chez les Euro- péens un enfant gâté. Duclos. Une belle femme qui a les qualités d'un honnête homme est ce qu'il y. a au monde d'un commerce plus délicieux : l'on trouve en elle tout le mérite des deux sexes. La Bruyère. Les femmes sont extrêmes 5 elles sont meilleures ou pires que les hommes. La Bruyère. A un homme d'esprit il ne faut qu'une femme de sens : c'est trop de deux esprits dans une maison. M. de Bonald. Peu de femmes ont assez de raison pour sentir le besoin qu'elles ont d'être gouvernées -, et ce qu'il y a de plus fâcheux, c'est que ce sont celles qui le sentent qui pourraient le plus s'en passer. Les en- fans ne savent pas qu'ils ont besoin de lisières , lors même qu'ils sont tombés. M. de Lévis. Pourquoi les femmes ne cultiveraient -elles pas les arts et les sciences ? elles perfectionnent la rai- son, et l'esprit donne des grâces. Il a été un temps en France où les hommes pensaient déroger, et les femmes sortir de leur état, en osant s'instruire : les uns ne se croyaient nés que pour la guerre ou pour l'oisiveté, et les autres que pour la coquetterie. Eh î pourquoi rougiraient- elles du mérite de la science? DE MAXIMES. i 7 5 l'esprit orné est une beauté de plus : c'est un nou- vel empire. V oit aire. Les femmes sont des maîtresses pour les jeunes gens , des compagnes pour les hommes mûrs , et des nourrices pour les vieillards. Oxenstiem. Rien n'est plus triste que la vie des femmes qui n'ont su être que belles, car rien n'est plus court que le règne de la beauté; il n'y a qu'un fort petit nombre d'années de différence entre une belle fem- me, et une qui ne l'est plus. Fontenelle. La société dépend des femmes. Tous les peuples qui ont le malheur de les enfermer sont insociables. Voltaire. La nature, en donnant ta-nt de grâces et de finesse aux femmes, a voulu leur accorder une indemnité pour le génie, qu'elle a exclusivement réservé à l'homme. M. de Lévis. Les vertus des femmes sont difficiles , parce que la gloire n'aide pas à les pratiquer. Vivre chez soi ; ne régler que soi et sa famille; être simple , juste et modeste, sont des vertus pénibles, parce qu'elles sont obscures : il faut avoir bien du mérite pour n'être vertueuse qu'à ses propres yeux, fontenelle. Les femmes sont semblables à la vigne -, elles ne i 7 6 DICTIONNAIRE sauraient se tenir debout ni subsister par elles- mêmes ; elles ont besoin d'un appui , encore plus pour leur esprit que pour leur corps -, mais souvent elles entraînent cet appui et le font tomber. Nicole. L'esprit de société et d'agrément est communé- ment le partage des femmes. Il semble, générale- ment parlant , qu'elles soient faites pour adoucir les mœurs des hommes. Voltaire, Tous les raisonnemens des hommes ne valent pas un sentiment d'une femme. Voltaire. La femme doit se renfermer dans son ménage , doit plaire à son mari , gagner sa confiance s et le charmer , moins par sa beauté que par sa vertu. Fénélon. La science des femmes, comme celle des hom- mes, doit se borner à s'instruire par rapport à leurs fonctions : la différence de leurs emplois doit faire celle de leurs études. Fénélon. La femme a tout contre elle : nos défauts , sa timidité , sa faiblesse ; elle n'a pour elle que son art et sa beauté. N'est-il pas juste qu'elle cultive l'un et l'autre ? Mais la beauté n'est pas générale ; elle périt par mille accidens 5 elle passe avec les années; l'habitude en détruit l'effet. L'esprit seul est la vé- ritable ressource du sexe -, non ce bon esprit auquel DE MAXIMES. 177 ou donne tant de prix dans le monde , et qui ne sert à rien pour rendre la vie heureuse ; mais l'esprit de son état , l'art de tirer parti du noire , et de se pré- valoir de nos propres avantages. /.-/. Rousseau. Le monde est le livre des femmes j quand elles y lisent mal , c'est leur faute , ou que quelque pas- sion les aveugle. J.-J. Rousseau. La présence d'esprit, la pénétration, les obser- vations fines, sont la science des femmes 5 l'habileté de s'en prévaloir est leur talent. /.-/. Rousseau. Femme, amante, fille, sœur, épouse, mère, aïeule : dans ces six mots est ce que le cœur hu- main renferme de plus doux, de plus extatique, de plus sacré , de plus pur, de plus ineffable. B on Massias. La femme est un mets digne des dieux, quand le diable ne l'assaisonne pas. Shakspeare. Les femmes ne sont si malheureuses au déclin de leurs charmes , qu'en oubliant que la dignité de mère est destinée à remplacer la beauté d'épouse. M. Lacretelle aîné. Ce n'est pas dans les affaires d'état , c'est dans celles de sa famille qu'une femme doit montrer son esprit et sa prudence. Théophraste. Après avoir bien dit , lu, écrit et entendu sur les 12 , 7 8 DICTIONNAIRE femmes, quel est le résultat de bien et de mal sur leur compte , sans vouloir être piquant ou galant? Le voici , de bien bonne foi : elles sont plus aima- bles que nous , plus jolies , plus sensibles , plus es- sentielles , et valent mieux que nous. Toutes les imperfections que nous leur reprochons , ne font pas autant de mal qu'un seul de nos défauts ; et encore nous en sommes la cause par notre despo- tisme , notre injustice et notre amour-propre. Le prince de Ligne. JievU. La fierté prend sa source dans la médiocrité ; c'est une ruse qui la cache. M as sillon. La fierté dans l'extérieur , dans la société , est l'expression de l'orgueil ; la fierté dans l'âme est de la grandeur. Voltaire. La fierté du cœur est l'attribut des honnêtes gens -, la fierté des manières est celle des sots ; la fierté de la naissance et du rang est souvent la fierté des dupes. Duclos. Notre vanité , et la trop grande estime que nous avons de nous-mêmes , nous fait soupçonner dans les autres une fierté à notre égard qui existe quelque- DE MAXIMES. 179 fois , et qui souvent n'y est pas : une personne mo- deste n'a point cette délicatesse. La Bruyère. La fierté dans les manières est le vice des sots. Boileau. On ne peut avoir à la fois la connaissance de soi- même et la fierté. Saint- Êvremont. La fierté vient de l'âme *, elle est plus souvent un mérite qu'un défaut : c'est une compagne assez ordinaire des grandes vertus 5 elle sied au malheur, et relève le courage ; elle est ennemie de toute bassesse -, et si on l'aime rarement , au moins on l'admire presque toujours , lorsqu'elle ne se montre ni trop raide ni trop âpre. C te de Se'gur. La fierté résiste plus que l'orgueil. O de Ségur. » La plus subtile de toutes les finesses, est de savoir bien feindre de tomber dans les pièges qu'on nous tend -, et l'on n'est jamais si aisémenf trompé que quand on songe à tromper les autres. La Rochefoucauld. Les plus habiles affectent toute leur vie de Mâmer 180 DICTIONNAIRE les finesses, pour s'en servir en quelque grande oc- casion , et pour quelque grand intérêt. La Rochefoucauld, L'usage ordinaire de la finesse est la marque d'un petit esprit ; et il arrive presque toujours que celui qui s'en sert pour couvrir un endroit, se découvre en un autre. La Rochefoucauld. Les finesses et les trahisons ne viennent que du manque d'habileté. La Rochefoucauld. C'est avoir fait un grand pas dans la finesse, que de faire penser de soi que l'on n'est que médiocre- ment fin. La Bruyère. La finesse n'est ni une trop bonne ni une trop mauvaise qualité -, elle flotte entre le vice et la vertu : il n'y a point de rencontre où elle ne puisse, et peut-être où elle ne doive être suppléée par la prudence. La Bruyère. La finesse emploie des termes qui laissent beau- coup à entendre. Vauvenargues. Un homme sensé méprise les petites finesses dont on s'aide pour «n imposer. Il les laisse à ceux qui craignent a être approfondis , qui cherchent à se maintenir par des amitiés ménagées, ou par des froideurs concertées , et attendent toujours qu'on les prévienne. Vauvenargues. DE MAXIMES. 18. La finesse est l'occasion prochaine de la four- berie -, de l'une à l'autre le pas est glissant : le men- songe seul en fait la différence-, si on l'ajoute à la finesse , c'est fourberie. La Bruyère. Ce qui nous donne tant d'aigreur contre ceux qui nous font des finesses, c'est qu'ils croient être plus habiles que nous. La Rochefoucauld. • On peut être plus fin qu'un autre, mais non pas plus fin que tous les autres. La Rochefoucauld. Il s'en faut bien que ceux qui s'attrapent à nos finesses , ne nous paraissent aussi ridicules que nous nous le paraissons à nous-mêmes , quand les finesses des autres nous ont attrapés. La Rochefoucauld. liattevie. Les hommes sont si sensibles à la flatterie , que , lors même qu'ils la reconnaissent, ils ne laissent pas d'en être dupes. Vauvenargues. Si nous ne nous flattions pas nous-mêmes , la flatterie des autres ne nous pourrait nuire. La Rochefoucauld. La flatterie est une fausse monnaie qui n'a de cours que par notre vanité. La Rochefoucauld. i8 2 DICTIONNAIRE La flatterie est recueil contre lequel viennent se briser les maximes les plus sages , les principes les plus vrais , les conseils les plus utiles. Fénélon* On croit quelquefois haïr la flatterie , quand on ne hait ô^ue la manière de flatter. La Rochefoucauld. La flatterie n'a tant de charmes que parce qu'elle nous paraît confirmer le jugement de notre amour- propre. M. deLévis. Le flatteur dit à la colère , venge-toi : à la pas- sion , jouis : à la peur , fuyons : au soupçon , crois tout. Plutarque. Quand , par hasard , la flatterie ne réussit pas , ce n'est pas sa faute -, c'est celle du flatteur. M. de Lévis. Les flatteurs trouvent leur compte avec les grands, comme les médecins auprès des malades imagi- naires. Ceux-ci paient pour des maux qu'ils n'ont pas \ ceux-là pour des vertus qu'ils devraient avoir. La Rochefoucauld^ Nous nous perdons autant par nos propres flat- teries que par celles des autres. Sénèque. Se livrer aux perfides insinuations du flatteur , c'est boire du poison dans une coupe d'or. Démophile^ DE MAXIMES. i83 La flatterie est un commerce honteux qui n'est utile qu'au flatteur. Théophraste. Le flatteur n'a pas assez bonne opinion de soi ni des autres. La Bruyère. Une des punitions de la flatterie envers les grands, est d'en Êiire une servitude. M . Lacretelle aîné. La flatterie est de tous les poisons celui qui donne le plus de vertiges. C le de Se'gur. La flatterie grossière offense un homme délicat au lieu de lui plaire, et elle est ordinairement pu- nie par le mépris; mais quand c'est une main ha- bile qui l'a préparée, et qui a su épargner la pudeur de celui qui est flatté et contenter sa vanité , il faut avoir beaucoup d'esprit pour la rejeter. Fontenelle. De tous les usuriers, la flatterie est celui qui fait les plus gros profits; quand les grands manquent de vertus , elle leur en prête , et se voit payée lar- gement en pensions, en faveurs, en places et en cordons. C Le de Ségur. La flatterie était autrefois un vice, à présent elle est du bon ton. Publius Sjrus. Le flatteur n'adresse point la louange de droit fil; 184 DICTIONNAIRE mais il vient de loin, tournant à l'entour, en faisant ses approches pas à pas , et sans bruit , tant qu'il vient à manier son homme, comme Ton fait une bête sauvage qu'on veut apprivoiser. Plutarque. La flatterie produit quelquefois ce bien , qu'en louant les grands des vertus qu'ils n'ont pas , elle leur impose, pour ainsi dire, l'obligation de les acquérir , ou du moins d'en prendre le masque. Anonyme, Jovtune. Le grand avantage des talens paraît, en ce que la fortune sans mérite est presque inutile. Vauvenargues. Moins on veut mériter sa fortune, plus il faut se donner de peine pour la faire. J^auvenargues. La fortune tourne tout à l'avantage de ceux qu'elle favorise. La Rochefoucauld. Non-seulement la fortune est aveugle, mais elle rend souvent aveugles ceux qu'elle caresse. CicéroTi. La fortune ne paraît jamais si aveugle qu'à ceux à qui elle ne fait pas de bien. La Rochefoucauld. \\ faut gouverner la fortune comme la santé, en m DE MAXIMES. i85 jouir quand elle est bonne, prendre patience quand elle est mauvaise, et ne faire jamais de grands re- mèdes sans un extrême besoin. La Rochefoucauld. L'on voit des hommes tomber d'une haute for- tune , par les mêmes moyens qui les y avaient fait monter. La Bruyère. La fortune se sert quelquefois de nos défauts pour nous élever, et il y a des gens incommodes dont le mérite serait mal récompensé , si on ne vou- lait acheter leur absence. La Rochefoucauld. C'est lorsqu'un homme jouit de toutes les faveurs de la fortune qu'il devrait songer comment il en supportera les revers. Térence. La fortune semble avoir fait une société cruelle avec la mort : elle nourrit délicatement les victimes qu'elle lui destine ; quand elle les a engraissées de ses dons , elle les envoie parées de fleurs au sacri- fice. Young. La fortune et le cortège qui l'entoure , fait de la vie une représentation au milieu de laquelle il faut qu'à la longue l'homme le plus honnête de- vienne comédien malgré lui. Chamfort. 11 y a une sorte de plaisir attaché au courage qui 186 DICTIONNAIRE se met au-dessus de la fortune : mépriser l'argent, c'est détrôner un usurpateur. Chamfort. Les fortunes promptes en tout genre sont les moins solides, parce qu'il est rare qu'elles soient l'ouvrage du mérite. Les fruits mûrs, mais labo- rieux de la prudence , sont toujours tardifs. Vauvenargues. Il faut une sorte d'esprit pour faire fortune, et sur- tout une grande fortune. Ce n'est ni le bon, ni le bel esprit, ni le grand, ni le sublime, ni le fort , ni le délicat : je ne sais précisément lequel c'est, et j'at- tends que quelqu'un veuille m'en instruire. La Bruyère. Faire sa fortune n'est pas le synonyme de faire son bonheur; l'un peut cependant s'accroître avec l'autre. Helvétius. Conduisez-vous avec la fortune comme avec les mauvaises payes ; ne dédaignez pas les plus faibles à-comptes. M. de Lévis. Se contenter d'une fortune médiocre est la meil- leure preuve de philosophie ; toutes les autres sem- blent douteuses. Celui qui sait vivre de peu , donne seul une haute garantie de la probité et du courage qu'il saurait conserver dans des situations difficiles. Celui-là seul a mis, autant qu'il est possible, sa DE MAXIMES. 187 vertu , son repos , son bonheur, à l'abri des vicissi- tudes du sort et des caprices de ses semblables. M. Droz. La fortune met au jour nos vertus et nos vices , comme la lumière fait paraître les objets. Sénèque. On ne saurait prévoir les coups de la fortune. Ce qu'on a pris long-temps bien de la peine à amasser, elle l'enlève en un instant. Elle détruit la prospérité qui semblait la mieux établie, et n'a pas d'époque marquée pour exercer ses caprices. Plutarque. Tant que nous jouissons d'une vie paisible, tant que nous ne sommes agités d'aucune crainte , nous n'attribuons pas à la fortune notre prospérité ; mais dès que nous sommes tombés dans le malheur , c'est elle que nous accusons de tous nos maux. Ménandre. L'intérêt des hommes a fait une déesse de la for- tune. Publias Syrus. Une grande fortune est pour son possesseur un grand esclavage. Publias Syrus. Il est plus facile d'acquérir de la fortune que de la conserver. Publius Syrus, La fortune est semblable au verre : plus elle est brillante , plus elle est fragile. Publius Syrus. i88 DICTIONNAIRE Les fortunes sont inégales , parce que les hom- mes ont reçu de la nature des facultés différentes , et en ont tiré parti plus différemment encore. De cette inégalité de fortunes résultent des intérêts dis- tincts et des fonctions diverses ; les avantages de la richesse, l'aiguillon de la pauvreté, l'émulation ré- ciproque, et l'harmonie du tout. B. Franklin. Comme la fortune a l'éclat du verre, elle en a la fragilité. P. Corneille. La fortune ne donne rien , elle ne fait que prêter pour un temps. La Bruyère. La fortune est inconstante -, elle redemande à ses favoris ce qu'elle semble leur donner pour tou- jours. La Bruyère. La fortune est inconstante , elle redemande bien- tôt ce qu'elle a donné. Publius Syrus. m La fortune ne viendra- 1 - elle jamais les deux mains pleines ? Ne fera-t-elle jamais un don qu'elle ne le fasse acheter par un revers ? Tantôt elle donne l'appétit à l'homme, et lui refuse l'aliment : c'est le sort du pauvre en santé. Tantôt elle le place au milieu d'un festin et lui ôte le désir : c'est le sort du riche, qui possède l'abondance et n'en jouit pas. Shakspeare. DE MAXIMES. 189 La fortune , insensiblement, aveugle les hommes , et les met dans l'impossibilité de résister aux revers qui les attendent tôt ou tard. De là ces catastrophes et ces chutes terribles dont l'histoire nous offre tant d'exemples. Anonyme. Les hommes d'une trempe assez forte pour ré- sister aux revers de la fortune sont assez rares ; mais il en est bien moins encore que la fortune n'ait pas corrompus. Anonyme. Tout le monde adore la fortune, et tout le monde s'en plaint. Nous attribuons ses faveurs à notre mérite; nous la rendons coupable de nos fautes. C te de Ségur. go DICTIONNAIRE ^.>.^.^.^»^.>.^^»^.^»^»&.^.^.0c^<^«^«^«^<^«{^^^^^^^ (foénétazité. S'il est vrai , comme on se plaît à le dire , que la générosité n'ait d'autre principe que l'intérêt , il faut convenir que c'est un intérêt bien entendu que d'ac- quérir , au prix de quelques morceaux de métal , la jouissance profonde , ineffable, qu'on goûte en con- solant un malheureux. Malesherbes. La générosité souffre des maux d'autrui , comme si elle en était responsable. J^auvenargues. Le pauvre qui se montre reconnaissant d'un bien- fait laisse croire que s'il eût été riche, il se fût montré généreux. Lorsqu'on est officieux et bienfaisant pour ses parens ou ses amis , on se croit généreux 5 quoique d'ailleurs dur et indifférent pour le reste des hom- mes : et l'on n'est pas même charitable ; qualité ce- pendant bien en-deçà de la générosité , qui est le comble et la perfection de toutes les vertus sociales. La générosité est un degré de perfection ajouté aux vertus par-dessus celui que prescrit indispensable- ment la loi : ce n'est pas être généreux 5 c'est sim- plement remplir son devoir. L'abbé Yvon. DE MAXIMES. 191 Ce qui paraît générosité n'est souvent qu'une ambition déguisée qui méprise de petits intérêts , pour aller à de plus grands. La Rochefoucauld. La générosité consiste à se priver soi-même pour donner aux autres. T. Moore. Qui n'est pas généreux est bien près d'être injuste. M. Rojou. La générosité est la plus belle et la plus aimable des qualités dont l'âme humaine puisse être ornée 5 c'est ce besoin d'estime et d'amour, et cette passion des hauts faits qui font que nous mettons notre bonheur à nous sacrifier pour les autres , et £. donner toujours à nos bienfaits et à nos services un caractère particulier de grandeur ou de délicatesse. M. Lacretelle aîné. La générosité de certaines gens consiste à donner, avec l'arrière-pensée de recevoir au double. M. Lacretelle aîné. On n'est entièrement généreux que lorsqu'on est entièrement désintéressé. B on Massias. Il faut être juste avant d'être généreux. B Qn Massias. Le génie consiste, en tout genre, à concevoir i 9 2 DICTIONNAIRE plus vivement et plus parfaitement son objet -, et de là vient qu'on trouve dans les bons auteurs quelque chose de si net et de si lumineux, qu'on est d'abord saisi de leurs idées. Vauvenargues. Dans les arts , dans les sciences , dans les affaires, le génie semble changer la nature des choses 5 son caractère se répand sur tout ce qu'il touche, et ses lumières s'élançant au-delà du passé et du pré- sent, éclairent l'avenir : il devance son siècle, qui ne peut le suivre-, il laisse loin de lui l'esprit qui le critique quelquefois avec raison , mais qui , dans sa marche égale, ne sort jamais de l'uniformité delà nature. Diderot. » Le génie est une sorte d'inspiration fréquente , mais passagère; et son attribut est le don de créer. Il s'ensuit que l'homme de génie s'élève et s'abaisse tour à tour , selon que l'inspiration l'anime ou l'abandonne. Il est souvent inculte, parce qu'il ne se donne pas le temps de perfectionner -, il est grand dans les grandes choses , parce qu'elles sont propres à réveiller cet instinct sublime, et à le mettre en activité -, il est négligé dans les choses communes , parce qu'elles sont au-dessous de lui , et n'ont pas de quoi l'émouvoir. Si cependant il s'en occupe avec une attention forte, il les rend nouvelles et fé- condes , parce que cette attention qui couve les idées, les pénètre, si j'ose le dire, d'une chaleur DE MAXIMES. uj3 qui les vivifie et les fait germer, comme le soleil l'ait germer l'or dans les veines du rocher. Marmontel. Le génie ressemble à ces terres vastes où il y a des endroits peu soignés et peu cultivés ; dans une si grande étendue tout ne peut être peigné. Il n'y a que les petits esprits qui prennent garde à tout -, c'est un petit jardin qu'ils tiennent aisément peigné. Helvétius. Ce sont les grands génies qui enfantent les grands desseins. Fonîenelle. On ne peut contrefaire le génie. Vauvenargues . La nature forme les hommes de génie comme elle forme au sein de la terre les métaux précieux, bruts, informes, pleins d'alliage et de matières étrangères. L'art ne fait pour le génie que ce qu'il fait pour ces métaux : il n'ajoute rien à leur substance 5 il les dé- gage de ce qu'ils ont d'étranger, et découvre l'ou- vrage de la nature. D'Alembert. Une expression de génie n'est pas un mot nou- veau dicté par la singularité ou par la paresse 5 c'est la réunion nécessaire et adroite de quelques termes connus pour rendre avec énergie une idée nouvelle; c'est la seule manière d'innover qui soit permise en écrivant. D'Jlembert. Un homme peut avoir une littérature immense, i3 i 9 4 DICTIONNAIRE avoir du goût, et être un critique des plus éclairés 5 il y a une grande dislance de tout cela au génie. La science et l'esprit conduisent un artiste, mais ne le forment en aucun genre. Voltaire. Il sera difficile désormais qu'il s'élève des génies nouveaux, à moins que d'autres mœurs, une autre sorte de gouvernement , ne donnent un tour nou- veau aux esprits. Il sera impossible qu'il se forme des savans universels , parce que chaque science est devenue immense : il faudra nécessairement que chacun se réduise à cultiver une petite partie du vaste champ que le siècle de Louis XIV a défriché. Voltaire. Si le génie était toujours accompagné de la pa- tience et de l'amour du travail , les sciences et les arts feraient bien plus de progrès parmi nous. Anonyme. Comme toutes les forces delà nature, le génie n'a qu'une énergie relative ; tout dépend du point de comparaison : on peut déterminer en quoi con- siste la perfection absolue de la volonté -, on ne peut et l'on ne doit pas affirmer qu'il soit impossible d'y atteindre. M. Ancillon. t&ioire. La gloire est l'unique récompense des belles ac- tions ; tous les autres avantages passent , ou même DE MAXIMES. tg5 sont mêlés d'amertume : la gloire reste, quand elle est pure. Voltaire. La gloire ne consiste pas à éterniser son nom , mais ses vertus \ un nom qui passe à la postérité la plus reculée n'est qu'une longue infamie, s'ily trans- met la mémoire des vices et des crimes de celui qui l'a porté : un grand nom n'est une véritable gloire que quand il rappelle avec lui le souvenir , l'ad- miration, le respect et l'amour que mérite celui qui a su l'illustrer. Sacy. On doit entendre par la véritable gloire , l'hon- neur qui se forme de la constante admiration que tous les hommes , même les plus vicieux , témoi- gnent pour les vertus éminentes et pour les talens extraordinaires et utiles à la société, et l'hommage sincère qu'ils sont forcés de leur rendre. 11 n'y a point de nations policées qui n'aient été touchées de la gloire : elles n'auraient pas pris tant de soin de conserver dans leur histoire la mémoire de leurs exploits, si elles n'avaient été persuadées que par là elles augmentaient l'estime et la considération des autres peuples. C'est donc une erreur manifeste que de la faire naître de l'orgueil, de l'ambition, du faste, de la puissance ou de l'intrigue. Si ces choses impo- sent quelquefois aux hommes jusqu'à leur arra- cher quelques démonstrations d'admiration et de respect , ces démonstrations sont vaines , elles sont 196 DICTIONNAIRE forcées et passagères. En un mot , la gloire pure et légitime dont brillent la plupart des grands hommes pendant leur vie , et qui immortalise leur mémoire ; cette gloire naît du suffrage public, c'est-à-dire, du concours de tous les témoignages que chacun rend aux vertus distinguées et aux talens reconnus. La gloire est l'éclat qui est propre et essentiel à la ver- tu, sitôt qu'elle est en état de briller à nos yeux : aussi un grand homme qui sait qu'elle est insépara- ble de la vertu connue, acquiert la gloire sans la rechercher , et la possède sans la mépriser : il fait tout ce qu'il peut pour la mériter, et rien pour l'ob- tenir. L'ambitieux court sans cesse après la gloire qui le fuit • le héros et le sage ne courent qu'après la seule vertu. Sacj. La gloire est une récompense morale accordée par la société aux actions et aux vertus d'éclat. Duclos. L'amour de la gloire fait les grandes fortunes en- tre les peuples. V auvenargues . La gloire des grands hcmmes se doit toujours mesurer aux moyens dont ils se sont servis pour l'acquérir. La Rochefoucauld. Nous avons si peu de vertu, que nous nous trou- vons ridicules d'aimer la gloire. P'auvenargues . DE MAXIMES. 197 Celui qui recherche la gloire parla vertu, ne de- mande que ce qu'il mérite. Vauvenargues. Le malheur ajoute un nouveau lustre à la gloire des grands hommes. Féntlon. La gloire met souvent un honnête homme aux mêmes épreuves que la fortune -, c'est-à-dire, que l'une et l'autre l'obligent, avant de le laisser parvenir jusqu'à elles, à faire ou à souffrir des choses indi- gnes de son caractère. L'homme intrépidement ver- tueux les repousse alors également l'une et l'autre, et s'enveloppe ou dans l'obscurité ou dans l'infor- tune, et quelquefois dans l'une et dans l'autre. Chamfort. La gloire serait la plus vive de nos passions sans son incertitude. J^auvenargues. La gloire remplit le monde de vertus,, et, comme un soleil bienfaisant, elle couvre toute la terre de rieurs et de fruits. Vauvenargues. On a beaucoup déclamé contre la gloire -, cela est naturel : il est beaucoup plus aisé d'en dire du mal que de la mériter. • Thomas, Voulez -vous savoir ce que peut le sentiment de la gloire ? ôtez-la de dessus la terre 5 tout change : le regard de l'homme n'anime plus l'homme-, il est seul dans la foule : le passé n'est rien, le présent se kj8 DICTIONNAIRE resserre, l'avenir disparaît-, l'instant qui s'écoule périt éternellement , sans être d'aucune utilité pour l'instant qui doit suivre. Thomas. De toutes les rêveries du monde, la plus reçue et la plus universelle est le soin de la réputation et delà gloire que nous éprouvons jusqu'à quitter les richesses, le repos, la vie, la santé, qui sont biens effecluels et substantiaux , pour suivre cette vaine image et cette simple voix qui n'a ni esprit ni prise. Montaigne. La gloire et l'intérêt , quelquefois tous les deux ensemble, quelquefois l'un aux dépens de l'autre, sont les deux grands ressorts qui font mouvoir les hommes, et les gens de lettres ne sont pas exempts de payer ce tribut à l'humanité. Quoique leurs tra- vaux mènent rarement à la fortune, plusieurs d'en- tre eux ne laissent pas de s'y méprendre, et de s'engager dans une carrière si noble par un motif qui ne l'est pas. D'Alembert. Nous sommes tous entraînés par l'amour de la gloire, et les plus estimables des hommes en sont le plus vivement pénétrés. Les philosophes eux-mêmes ont soin de mettre leur nom à la tête des ouvrages qu'ils écrivent sur le mépris de la gloire : ils veulent être loués , ils veulent être célébrés , lors même qu'ils paraissent mépriser la louange et l'estime des hommes. Cicéron. • DE MAXIMES. 199 C'est par un amour désordonné de la gloire que certaines gens la calomnient auprès de leurs rivaux. Ils veulent les en dégoûter, et jouir seuls de ses charmes sans combattre pour elle. Plutarque. Quand un guerrier souhaite la gloire, c'est la guerre qu'il désire. Sénèque. L'indifférence pour la gloire ne peut être que jouée. Elle est incompatible avec l'élan du génie qui fait voler à la victoire. Le prince de Ligne. La véritable gloire est comme le vrai mérite : celle qui s'ignore est ordinairement la plus grande et la plus solide. M. Valéry. Il y a des hommes sur qui la gloire ne tient pas. M. Necker. 6*ût Le goût peut se gâter chez une nation *, ce mal- heur arrive d'ordinaire après les siècles de per- fection. Les artistes , craignant d'être imitateurs , cherchent des routes écartées ; ils s'éloignent de la belle nature que leurs prédécesseurs ont saisie ; il y a du mérite dans leurs efforts -, ce mérite couvre leurs défauts : le public, amoureux des nouveautés , court après eux-, il s'en dégoûte bientôt, et il en aoo DICTIONNAIRE paraît d'autres qui font de nouveaux efforts pour plaire ; ils s'éloignent de la nature encore plus que les premiers : le goût se perd , on est entouré de nouveautés qui sont rapidement effacées les unes par les autres; le public ne sait plus où il en est, et il regrette en vain le siècle du bon goût qui ne peut plus revenir; c'est un dépôt que quelques bons esprits conservent alors loin de la foule. Il est de vastes pays où le goût n'est jamais par- venu : ce sont ceux où la société ne s'est point per- fectionnée; où les hommes et les femmes ne se rassemblent point -, où certains arts, comme la sculp- ture ; la peinture des êtres animés , sont défendus par la religion. Quand il y a peu de société, l'esprit est rétréci , sa pointe s'émousse , il n'a pas de quoi se former le goût. Quand plusieurs beaux- arts manquent, les autres ont rarement de quoi se sou- tenir, parce que tous se tiennent par la main, et dépendent les uns des autres. C'est une des raisons pourquoi les Asiatiques n'ont jamais eu d'ouvrages bien faits presque en aucun genre , et que le goût n'a été le partage que de quelques peuples de l'Europe. V oit aire. Le goût est un heureux don de la nature, qui se perfectionne par l'étude et l'exercice. Duclos. La jeunesse change ses goûts par l'ardeur du sang, et la vieillesse conserve les siens par l'accoutu- mance. La Rochefoucauld. DE MAXIMES. 201 Le goût est le sentiment du beau. Duclos. Il est aussi ordinaire de voir changer les goûts , qu'il est extraordinaire de voir changer les inclina- tions. La Rochefoucauld. Il y a beaucoup plus de vivacité que de goût parmi les hommes; ou, pour mieux dire, il y a peu d'hommes dont l'esprit soit accompagné d'un goût sûr et d'une critique judicieuse. La Bruyère. Le bon goût vient plus du jugement que de l'esprit. La Rochefoucauld. On renonce plus aisément à son intérêt qu'à son goût. La Rochefoucauld. Il y a dans l'art un point de perfection , comme de bonté ou de maturité dans la nature : celui qui le sent et qui l'aime a le goût parfait-, celui qui ne le sent pas et qui aime en-deçà ou au-delà , a le goût défectueux. Il y a donc un bon et un mauvais goût, et l'on dispute des goûts avec fondement. ^ La Brujèrer Les hommes qui ne cherchent dans les plaisirs du goût que des sensations physiques, dégradent leur âme, et finissent leur inutile existence dans les infirmités et l'abrutissement. Il faut que les plai- sirs du goût servent à rendre plus vifs d'autres plai- sirs. M. Droz. 202 DICTIONNAIRE Le goût, ce bon sens de l'éloquence, n'est point aussi vulgaire qu'on l'a prétendu -, il peut être exercé, mais il ne saurait s'apprendre-, car il tient, comme la raison , à quelques facultés élevées de l'âme. Aussi chez les premiers peuples littéraires, à Athènes , à Rome, en France , le goût et les mœurs se sont-ils toujours corrompus aux mêmes époques. M. Valéry, Le bon n'est que le beau mis en action ; l'un tient intimement à l'autre, et ils ont tous deux une source commune dans la nature bien ordonnée. Il s'ensuit que le goût se perfectionne par les mêmes moyens que la sagesse , et qu'une âme bien touchée des charmes de la vertu doit à proportion être aussi sensible à tous les genres de beautés. J.-J. Rousseau. Le goût est en quelque manière le microscope du jugement-, c'est lui qui met les petits objets à sa portée , et ses opérations commencent où s'arrêtent celles du dernier. Que faut- il donc pour le cul- tiver? s'exercer à voir ainsi qu'à sentir, et à juger ^^li beau par inspection , comme du bon par senti- ^roent. /.-/. Rousseau. C'est surtout dans le commerce des deux sexes que le goût, bon ou mauvais, prend sa forme-, sa culture est un effet nécessaire de l'objet de cette société. Mais quand la facilité de jouir attiédit le désir de plaire, le goût doit dégénérer-, et c'est là , I DE MAXIMES. 2o3 ce me semble, une raison des plus sensibles pour- quoi le bon goût tient aux bonnes mœurs. J.-J. Rousseau. ^ranteitr. 11 y a dans le monde deux sortes de grandeurs : il y a des grandeurs d'établissement, et des gran- deurs naturelles. Les grandeurs d'établissement dé- pendent de la volonté des hommes, qui ont cru avec raison devoir honorer certains états, et y attacher certains respects ; les dignités et la noblesse sont de ce genre. Les grandeurs naturelles sont celles qui sont indépendantes de la fantaisie des hommes , parce qu'elles consistent dans des qualités réelles et affectives de l'âme ou du corps, qui rendent l'un ou l'autre plus estimable; comme les sciences, la lu- mière, l'esprit, la vertu , la santé, la force. Nous devons quelque chose à l'une et à l'autre de ces grandeurs -, mais comme elles sont de nature différente, nous leur devons aussi différens res- pects. Aux grandeurs d'établissement, nous leur devons des respects d'établissement, c'est-à-dire de certaines cérémonies extérieures, qui doivent néan- moins être accompagnées d'une reconnaissance in- térieure de la justice de l'ordre politique-, et ce serait une petitesse d'esprit, et une espèce de folie, que de refuser ces devoirs. Mais pour les respects 2o4 DICTIONNAIRE naturels, qui consistent dans l'estime, nous ne les devons qu'aux grandeurs naturelles, et nous de- vons, au contraire, le mépris et l'aversion aux qualités contraires à ces grandeurs naturelles. Il n'est pas nécessaire parce qu'un tel homme est un grand seigneur , que je l'estime, mais il est néces- saire que je le salue. S'il est en même temps rera- • pli de probité , je rendrai ce que je dois à l'une et à l'autre de ces qualités. Fontenelle. Un homme de mérite élevé aux grandeurs , tâche de consoler l'envie et d'échapper à la malignité. Mais malheureusement celui qui a le moins à pré- tendre , est toujours celui qui exige le plus. Moins il soutient la grandeur par lui-même , plus il l'appe- santit sur les autres. 11 s'incorpore ses terres, ses équipages , ses aïeux et ses valets , et, sous cet atti- rail, il se croit un colosse. Proposez-lui de sortir de son enveloppe , de se dépouiller de ce qui n'est pas à lui, osez le distinguer de sa naissance et de sa place , c'est lui arracher la plus chère partie de son existence-, réduit à lui-même, il n'est plus rien. Étonné de se voir si haut , il prétend vous inspirer le respect qu'il s'inspire à lui-même. 11 s'habitue avec ses valets à humilier des hommes libres , et tout le monde est peuple à ses yeux. Marmontel. La grandeur n'est jamais absolue ; elle ne croît et ne décroît que par comparaison : le même bâti- DE MAXIMES. 2 o5 ment, sur un fleuve, est un vaisseau -, sur la mer, il n'est plus qu'une barque. Sénèque. La servitude la plus gênante de la grandeur, est de ne pouvoir en descendre. Sénèque. Pour se désabuser de la grandeur, il faut la voir de près : on cesse bientôt de la désirer et de la craindre. La vraie grandeur de l'homme est dans le cœur. Thomas. C'est une marque certaine de grandeur d'âme, lors- que les honneurs rendent un homme meilleur. Saadi. Il n'y a de vraie grandeur pour le souverain que celle qui est fondée sur ses propres forces. Voltaire. On peut se faire aimer de tous en ne perdant rien de sa grandeur, et l'on peut au contraire s'en attirer la haine , en ne pensant qu'à être grand. Fénélon. Rien n'est parfait sur la terre , et toute grandeur a son côté faible. M. Lemontej. 11 est bien rare que les grands n'abusent pas de leur grandeur. Buclos. La grandeur est comme certains verres qui gros- sissent tous les objets. Fénélon. 2o6 DICTIONNAIFxE La grandeur morale est la seule véritable ; la raorr, qui détruit tout, la conserve et la couronne. Young. Les grands dédaignent les gens d'esprit qui n'ont que de l'esprit-, les gens d'esprit méprisent les grands qui n'ont que de la grandeur ; les gens de bien plaignent les uns et les autres , qui ont ou de la grandeur ou de l'esprit sans nulle vertu. La Bruyère. DE MAXIMES. Jjabttuta. L'habitude, qui flétrit certaines impressions, en rend d'autres infiniment plus vives. Diderot. Beaucoup d'habitudes sont essentielles, utiles, qui n'ont cependant en elles-mêmes que peu ou point d'intérêt. De ce nombre sont certaines habi- tudes d'exercice, d'ordre, de propreté, de soin, de complaisance , qui tiennent à des détails ou pé- nibles, ou monotones, ou minutieux. Il est bon de s'habituer à faire machinalement tout ce qu'il est utile de faire , et qu'on ne ferait point d'ailleurs sans peine ou sans effort. Diderot. L'attrait de l'habitude vient de la paresse natu- relle à l'homme, et cette paresse augmente en s'y livrant -, on fait plus aisément ce qu'on a déjà fait; la route, étant frayée, devient plus facile à suivre. Aussi on peut remarquer que l'empire de l'habitude est très-grand sur les vieillards et sur les gens indo- lens, très-petit sur la jeunesse et sur les gens vifs. Ce régime n'est bon qu'aux âmes faibles , et les af- faiblit davantage de jour en jour. La seule habitude utile aux enfans , est de s'asservir sans peine à la 2to8 DICTIONNAIRE nécessité des choses -, et la seule habitude utile aux hommes, est de s'asservir sans peine à la raison. Toute autre habitude est un vice. /.-/. Rousseau. On commence à pratiquer la vertu par amour- propre , on continue par honneur, on persévère par habitude. Charron. Un homme n'est pas vicieux parce qu'il a eu une faiblesse ; il n'est pas vertueux parce qu'il a fait une bonne action : c'est l'habitude des vertus ou des vices qui imprime le caractère de sagesse ou de libertinage , de crime ou de probité. C u de Ségur. L'habitude inspire à la longue l'amour du vice comme de la vertu. Sénèque. L'habitude se change en nature , et l'on fait à la longue avec plaisir ce qu'on faisait d'abord par né- cessité. Sénèque, L'habitude des penchans bons ou mauvais fait le caractère, comme l'habitude des moûvemens gra- cieux ou désagréables fait la physionomie. C le de Ségur. L'habitude nous poursuit dans toutes les posi- tions ; elle ne nous quitte quelquefois pas même à l'approche de la mort. C le de Ségur. DE MAXIMES. 209 Ce sont les souvenirs qui donnent tant de prix à l'habitude. Duclos. ijain^ La haine se condamne quelquefois à louer, pour acquérir le droit de déchirer. Malesherbes. La haine des faibles n'est pas si dangereuse que leur amitié. J^auvenargues. La haine n'est pas moins volage que l'amitié. T r auvenargues . La haine fait tout blâmer dans les personnes qu'on hait, et y noircit jusqu'aux vertus. Duclos. Plus notre haine est injuste, plus elle est opiniâtre, Sénèque. Lorsque notre haine est trop vive , elle nous met au-dessous de ceux que nous haïssons. La Rochefoucauld. 11 est indigne d'un honnête homme de se servir des débris d'une amitié qui finit , pour satisfaire une haine qui commence. Fénélon. Se regarder scrupuleusement soi - même , ne re- garder que légèrement les autres, c'est le moyen d'éviter la haine. Confucius. 14 2io DICTIONNAIRE Le terme où la haine meurt dans le cœur d'un honnête homme, est l'instant où l'infortuné fond sur celui qui en est l'objet. La Rochefoucauld. Les haines sont si longues et si opiniâtres, que le plus grand signe de mort dans un homme mala- de , c'est la réconciliation. La Bruyère. 11 n'y a pas de haine plus dangereuse que celle que produit la honte d'un bienfait qui rend insol- vable. Sénèque. 11 y a des gens qui haïssent, non pour le mal qu'ils ont reçu, mais pour celui qu'ils ont fait-, et dont la haine se nourrit du mal qu'ils veulent faire encore. M. Lacretelle aîné. Nous sommes presque toujours coupables de la haine qu'on nous porte. Sénèque. fyi&Xûixt. Une des choses les plus capables d'intéresser l'homme et de l'instruire en charmant ses loisirs , c'est bien sans doute la lecture des ouvrages histo- riques. En liant le présent au passé , en développant la chaîne des nations et des siècles, l'histoire fait passer en quelque sorte sous nos yeux les peuples DE MAXIMES. 2 n divers avec leurs mœurs et leurs lois , leurs époques de gloire et leurs époques de décadence. Nous ai- mons à remonter à leur origine, à connaître leurs fondateurs , à les suivre dans leurs progrès , à re- chercher les causes de leur élévation comme celles de leur chute , à comparer les rôles qu'ils sonj ve- nus jouer chacun à leur tour sur le théâtre du monde-, et, lorsqu'il est témoin de toutes ces scènes si variées, si rapides et souvent si tragiques, le lec- teur réfléchi, le chrétien surtout, s'élève naturelle- ment vers celui qui , du trône «immobile de son éter- nité, tient dans ses mains les rênes du monde, marque à chaque nation sa place comme à chaque individu, fait mourir les empires les plus anciens pour en créer de nouveaux , et seul est immuable au milieu de ces perpétuelles agitations. M. Frajssinous. L'histoire n'est trop souvent que l'oraison funèbre des peuples morts, et la satire ou le panégyrique des peuples vivans. M. de Bonald. Beaucoup de gens lisent dans l'histoire et écrivent sur l'histoire ; très-peu lisent et écrivent l'histoire. M. de Bonald. L'histoire est la science des faits. L'histoire na- turelle comprend les faits de la matière. L'histoire civile contient les actions des hommes , les exem- ples mémorables et les vicissitudes des choses hu- 212 DICTIONNAIRE maines. Supputer les époques et concilier les faits avec les temps , dévoiler le caractère et les mojuve- mens des passions , rapporter les succès et les ob- stacles des grandes entreprises , suivre le fil des ac- tions et leurs secrets ressorts , développer ce chaos nettement et d'un style simple ou énergique, sans aucun soupçon de crainte ou de partialité , tel est le rôle d'un historien, qui est peut-être encore à remplir-, tant il y a d'obscurité sur les temps pas- sés, et de danger à traiter les affaires de son siècle. Bacon. Les premiers fondemens de toute histoire sont les récits des pères aux enfans , transmis ensuite d'une génération à une autre -, ils ne sont , tout au plus , que probables dans leur origine, quand ils ne cho- quent pas le sens commun; ils perdent un degré de probabilité à chaque génération. Avec le temps, la fable se grossit et la vérité se perd. Voltaire. Tous les faits principaux de l'histoire doivent être appliqués à la morale et à l'étude du monde ; sans cela, la lecture est inutile. Voltaire. Un des grands vices de l'histoire est qu'elle peint beaucoup plus les hommes par leurs mauvais côtés que par les bons -, comme elle n'est intéressante que par les révolutions, les catastrophes : tant qu'un peuple croît et prospère dans le calme d'un paisi- ble gouvernement, elle n'en dit rien; elle ne corn- DE MAXIMES. 2i3 mence à en parler que quand, ne pouvant plus se suffire à lui-même, il prend part aux affaires de ses voisins, ou les laisse prendre part aux siennes-, elle ne l'illustre que quand il est déjà sur son déclin : toutes nos histoires commencent où elles devraient finir. Nous avons fort exactement celles des peuples qui se détruisent -, ce qui nous manque est celle des peuples qui se multiplient; ils sont assez heureux et assez sages pour qu'elle n'ait rien à dire d'eux : et en effet, nous voyons, même de nos jours , que les gouvernemens qui se conduisent le mieux , sont ceux dont on parle le moins. J.-J. Rousseau. L'histoire montre bien plus les actions que les hommes , parce qu'elle ne saisit ceux-ci que dans certains momens choisis, dans leurs vêtemens de parade. Elle n'expose que l'homme public qui s'est arrangé pour être vu. Elle ne le suit point dans sa maison, dans son cabinet, dans sa famille, au mi- lieu de ses amis ; elle ne le peint que quand il re- présente 5 c'est bien plus son habit que sa personne qu'elle peint, /.-/. Rousseau. L'étude de l'histoire ne peut être que pour quel- ques savans privilégiés, l'art de vérifier les dates-, mais elle doit être pour tous l'art d'observer et de juger les hommes. C Le Ferrand, L'histoire renferme l'expérience du monde et la raison des siècles ; c'est un maître impartial dont DICTIONNAIRE nous ne pouvons réfuter les raisonnemens , ap- puyés sur des faits ; il nous montre le passé pour nous annoncer l'avenir : c'est le miroir de la vérité. C te de Ségur. L'histoire est le roman des faits , et le roman l'his- toire des sentimens. L'histoire apprend que la vertu n'a rien à gagner avec les hommes -, que sur cent , à peine s'en trouve-t-il un vertueux par inclina- tion -, qu'ils sont tous faux , perfides , etc. Le ro- man nous présente des modèles de fidélité, de droi- ture. Helvétius. L'histoire est le témoin des temps , la lumière de la vérité , la vie de la mémoire , l'école de la vie , la messagère de l'antiquité. Cicéron. Partout l'histoire s'est pliée aux mœurs et à l'esprit des temps. Un peuple a-t-il voulu primer dans son pays comme les Athéniens $ se rendre uniquement guerrier comme les Spartiates , conquérant comme les Romains , maître de la mer et du commerce comme les Carthaginois -, l'histoire a trouvé juste et grand tout ce qu'il a fait pour atteindre au but de son ambition. Le système de son gouvernement, ses lois, sa politique, sa morale même, tout a été sou- mis à la raison d'état. Les crimes nécessaires ou seu- lement utiles à sa grandeur , à sa puissance , se sont érigés en vertus. L'histoire, ainsi que les nations déprédatrices et conquérantes , semble avoir pris DE MAXIMES. n5 pour règle d'équité le mol de Breimus: vœvictis! Maimontel. La vie des héros a enrichi l'histoire, et l'histoire a embelli la vie des héros : ainsi je ne sais qui sont plus redevables , ou ceux qui ont écrit l'histoire a ceux qui leur ont fourni une si noble matière, ou ces grands hommes à leurs historiens. La Bruyère. L'histoire des nations est un ramas de crimes , de folies et de malheurs, parmi lesquels on voit quel- ques vertus, quelques temps heureux $ comme on découvre des habitations répandues çà et là dans des déserts sauvages. Voltaire. L'histoire est un appel des erreurs contemporai- nes aux jugemens de la postérité. C le de Ségur. fyomme. Les hommes ne vivraient pas long-temps en so- ciété , s'ils n'étaient les dupes les uns des autres. La Rochefoucauld. Combien d'hommes ressemblent à ces arbres déjà forts et avancés, que Ton transplante dans les jardins, où ils surprennent les yeux de ceux qui les voient placés dans de beaux endroits où ils ne les ont point vus croître, et qui ne connaissent ni leurs commen- cemens ni leurs progrès ! La Brujère. Les hommes et les affaires ont leur point de pers- DICTIONNAIRE pective. Il y en a qu'il faut voir de près pour en bien juger, et d'autres dont on ne juge jamais si bien que lorsqu'on est éloigné. La Rochefoucauld. Il arrive souvent qu'un homme ne l'emporte sur les autres que parce que la fortune le favorise, et nous attribuons ses succès à son mérite -, si la fortune lui eût été contraire , nous l'eussions regardé com- me un sot. Plaute. Il est plus aisé de connaître l'homme en général, que de connaître un homme en particulier. La Rochefoucauld. L'homme passe sa vie à raisonner sur le passé , à se plaindre du présent, à trembler pour l'avenir. Rivarol. L'homme s'ennuie du bien , cherche le mieux , trouve le mal, et s'y soumet, crainte de pire. M. de Lévis. L'homme ne peut trop se mépriser, l'homme ne peut trop s'estimer. Le secret est de ne pas se mé- prendre , et de placer à propos le mérite et l'estime. Young. Les fils dont l'industrieuse araignée ourdit sa toile, sont des câbles auprès des liens qui attachent Thomme au bonheur et à la vie. Young. Un mécontentement éternel poursuit et tour- mente l'homme. Le monarque et le berger se plai- DE MAXIMES. 217 gnent également de leur sort, et du trône à la chau- mière les soupirs se répondent. Young. Les plus grands hommes ont leur côté faible: summi homines, homines tamen. Il ne faut les ju- ger que par leurs # qualités supérieures , comme , en littérature, nous jugeons Corneille par Cinna, et non par Agésilas ; Racine par Phèdre elAthalie, et non par Alexandre ; et Voltaire par OEdipe y et non par les Lois de Minos. *** Il y a une grande différence entre la connais- sance de l'homme et la connaissance des hommes. Pour connaître l'homme , il suffit de s'étudier soi- même-, pour connaître les hommes, il faut les pra- tiquer. Duclos. Les hommes sont si accoquinés à leur être misé- rable, qu'il n'est si rude condition qu'ils n'acceptent pour s'y conserver. Montaigne. Quand je me confesse à moi religieusement, je trouve que la meilleure bonté que j'aie a quelque teinture vicieuse. L'homme en tout et partout, n'est que rapiècement et bigarrure. Montaigne. Les hommes sont nés les uns pour les autres. Il uffrir. Marc-Aurèle> faut donc ou les enseigner ou les souffrir 218 DICTIONNAIRE 11 ne faut point juger des hommes par ce qu'ils ignorent, mais par ce qu'ils savent, et par la ma- nière dont ils le savent. Vauvenargues . Il ne faut pas juger des hommes comme d'un ta- bleau ou d'une figure , sur une seule et première vue : il y a un intérieur et un cœur qu'il faut appro- fondir : le voile delà modestie couvre le mérite, et le masque de l'hypocrisie cache la malignité. 11 n'y a qu'un très-petit nombre de connaisseurs qui dis- cerne , et qui soit en droit de prononcer. Ce n'est que peu à peu , et forcés par le temps et les occa- sions, que la vertu parfaite et le vice consommé viennent enfin à se déclarer. La Bruyère. L'homme honnête peut seul aimer les hommes en sûreté , peut seul en sûreté les haïr. Confucius. L'homme est immortel selon l'institution de sa nature , il est mortel selon sa corruption. Sa crainte prouve sa misère et sa mortalité -, ses désirs sans bornes prouvent son immortalité. Nicole. Quand l'homme honnête voit un homme ver- tueux, il cherche à se conformer à ce modèle : il sait même profiter du spectacle du méchant, en cherchant s'il n'a pas avec lui quelque ressemblance. Confucius. L'homme est si misérable , que l'inconstance avec DE MAXIMES. 219 laquelle il abandonne ses desseins, est, en quelque sorte, sa plus grande vertu-, parce qu'il témoigne par là qu'il y a encore en lui quelque reste de gran- deur qui le porte à se dégoûter des choses qui ne méritent pas son amour et son estime. Nicole. A voir comment en usent les hommes, on serait porté quelquefois à penser que la vie humaine et les affaires du monde sont un jeu sérieux, où toutes les finesses sont permises pour usurper le bien d'autrui, à nos périls et fortunes ; et où l'heu- reux dépouille en tout honneur le plus malheureux ou le moins habile. Vauvenargues. Quand on connaît bien les hommes et qu'on veut les faire servir à ses desseins , on ne doit pas comp- ter sur un appui aussi frivole que celui des dis- cours et des promesses. Vauvenargues. Ijmmmr. Ce qu'on appelle honneur en général , n*a pres- que point d'objet certain : les hommes le placent où ils veulent , selon leur fantaisie , et il y a peu de choses honorables qui ne puissent devenir hon^ teuses par un autre tour d'imagination; de sorte que quoiqu'il ne dépende pas de l'opinion de nous faire aimer l'honneur, et que cette inclination soit 220 DICTIONNAIRE naturelle , il dépend néanmoins de l'opinion de l'at- tacher à une chose plutôt qu'à une autre. Nicole. On peut distinguer dans ce qu'on appelle hon- neur, celui qui se tire de l'opinion publique, et celui qui dérive de l'estime de soi-même. Le pre- mier consiste en vains préjugés plus mobiles qu'une onde agitée-, le second a sa base dans les vérités éternelles de la morale. L'honneur du monde peut être avantageux à la fortune \ mais il ne pénètre point dans l'âme, et n'influe en rien sur le vrai bonheur. L'honneur véritable , au contraire , en forme l'essence ; parce qu'on ne trouve qu'en lui ce sentiment permanent de satisfaction intérieure, qui seul peut rendre heureux un être pensant. /.-/. Rousseau. L'honneur qui se vend est toujours payé plus cher qu'il ne vaut. Duclos. Le trafic de l'honneur n'enrichit pas. Vauvenargues. L'honneur est l'instinct de la vertu , et il en fait le courage. Voltaire. Une fois que l'on a rompu la barrière de l'hon- neur et de la bonne foi , cette perte est irréparable. Fénélon. L'honneur acquis est caution de celui qu'on doit acquérir. La Rochefoucauld. DE MAXIMES. 221 11 en est de l'honneur comme de la neige, qui ne peut jamais reprendre son éclat, quand elle Ta perdu. Duclos. L'honneur est comme l'œil , qui ne saurait souf- frir la moindre impureté sans s'altérer ; c'est une pierre précieuse, dont le moindre défaut diminue beaucoup le prix. Bossuet. Ce qu'est le salut pour l'autre vie, l'honneur l'est pour celle-ci 5 il est la ressource du sage dans les disgrâces qui lui arrivent. Duclos. L'honneur gâte tout, en amour, dès qu'il y en- tre. D'abord c'est l'honneur des femmes qui est con- traire aux intérêts des amans 5 et puis du débris de cet honneur- là les amans s'en composent un autre qui est fort contraire aux intérêts des femmes. Voilà ce que c'est que d'avoir mis l'honneur d'une partie dont il ne devait pas être. Fontenelle. L'honneur se sent, et ne se raisonne pas : encore moins peut-il se commander. C Le Ferrand. L'honneur des hommes et celui des femmes sont deux plantes d'espèces tout-à-fait différentes : l'une croît au grand jour, l'autre ne fleurit qu'à l'ombre. M. Jouj. Le véritable honneur n'est autre chose que la gêné- . 222 DICTIONNAIRE reuse résolution de faire en toute occurrence ce qui peut distinguer avantageusement du commun des hommes. L'honneur affecte les hommes de tous les états : celui qui ne désire pas s'élever au-dessus de sa sphère, désire au moins s'attirer de la considéra- tion entre ses égaux. B. Franklin. Le sentiment de l'honneur est le besoin de l'es- time des hommes avec qui l'on vit. L'institution de l'honneur est née de l'insuffisance des lois , pour remplir le but de la société. M. Lacretelle aîné. L'honneur (non pas celui des monarchies , mais celui de la société humaine) veut que les hommes s'imposent , entre eux , de ces actions où la loi craindrait de se compromettre , en les prescrivant. M. Lacretelle aîné. Les honneurs deviennent une flétrissure, lors- qu'un indigne en est revêtu. Publias Sjrus. i)urojmtt£ L'humanité est un sentiment réfléchi; l'éducation seule le développe et le fortifie. Helvétius. On ne peut être juste, si Ton est humain. J^auvenargaes. DE MAXIMES. 223 L'humanité est la première des vertus. Vauvenargues. 11 n'y a ni vertu , ni vrai courage , ni gloire solide, sans l'humanité. Fénélon. Malheur à qui ne sait pas sacrifier un jour de plaisir aux devoirs de l'humanité \ J.-J. Rousseau. Une femme et des enf ans' augmentent l'humanité chez les hommes. Bacon. fyummr. Notre humeur met le prix à tout ce qui nous vient de la fortune. La Rochefoucauld. Le caprice de notre humeur est encore plus bi- zarre que celui de la fortune. La Rochefoucauld. Il y a plus de défauts dans l'humeur que dans l'esprit. La Rochefoucauld. On peut dire de l'humeur des hommes comme de la plupart des bâtimens , qu'elle a diverses faces , les unes agréables , et les autres désagréables. La Rochefoucauld. Les fous et les sottes gens ne voient que par leur humeur. L,a Rochefoucauld. 224 DICTIONNAIRE La fortune et l'humeur gouvernent le monde. La Rochefoucauld. Le calme ou l'agitation de notre humeur ne dé- pend pas tant de ce qui nous arrive de plus con- sidérable dans la vie , que d'un arrangement com- mode ou désagréable de petites choses qui arrivent tous les jours. La Rochefoucauld. L'humeur est comm# la mauvaise herbe qui mange tout, et empêche tout ce qui est bon, en plantes et en semences , de se produire , et , par conséquent, de se reproduire et de profiter. Cette comparaison est si juste , que je vois les gens les meilleurs , les plus justes , quelquefois les plus ai- mables, les plus délicats, les plus honnêtes, hors de la possibilité de paraître ce qu'ils sont. Toutes leurs bonnes qualités sont interceptées par leur hu- meur -, c'est comme s'ils n'en avaient pas. Le prince de Ligne. Ce qu'on appelle humeur est une chose trop né- gligée parmi les hommes ; ils devraient comprendre qu'il ne leur suffit pas d'être bons, mais qu'ils doivent encore paraître tels, du moins s'ils tendent à être sociables , capables d'union et de commerce , c'est- à-dire être des hommes. L'on n'exige pas des âmes malignes qu'elles aient de la douceur et de la sou- plesse ; elle ne leur manque jamais , et elle leur sert de piège pour surprendre les simples et pour faire valoir leurs artifices : l'on désirerait de ceux qui DE MAXIMES. i? r > ont un bon cœur, qu'ils lussent toujours plians, faciles, complaisans, et qu'il fût moins vrai quel- quefois que ce sont les médians qui nuisent, et les bons qui font souffrir. La Bruyère. L'esprit ne nous garantit pas des-sottises de notre humeur. Vauvenargues. L'humeur est une inégalité qui dispose à l'impa- tience. Vauvenargues. fyypocvizu. L'hypocrisie est un hommage que le vice rend à la vertu ; oui, comme celui des assassins de César, qui se prosternaient à ses pieds pour l'égorger plus sûrement. Couvrir sa méchanceté du dangereux manteau de l'hypocrisie, ce n'est point honorer la vertu , c'est l'outrager en profanant ses enseignes -, c'est ajouter la lâcheté et la fourberie à tous les autres vices -, c'est se fermer pour jamais tout retour vers la probité. Il y a des caractères élevés qui por- tent jusque dans le crime je ne sais quoi de fier et de généreux, et q«i laissent voir au dedans encore quelque étincelle de ce feu céleste , fait pour animer les belles âmes. Mais l'âme vile et rampante de l'hy- pocrite est semblable à un cadavre où Ton ne re- trouve plus ni feu , ni chaleur , ni retour à la vie. J.-J . Rousseau. i5 226 DICTIONNAIRE L'hypocrisie est un hommage que le vice rend à la vertu. La Rochefoucauld. L'hypocrisie n'est pas une passion, mais le masque de toutes les passions. B on Massias. DE MAXIMES. 2*7 5».>»>.*.>.».5».>.S». >•»>•».>• ^• et Ton ne s'égare point parce qu'on ne sait pas , mais parce qu'on croit savoir. J.-J. Rousseau. L'ignorance et le mépris des devoirs produisent le même effet : l'une part d'une éducation fausse , l'autre vient du défaut absolu d'éducation. Duclos. Notre ignorance nous ferait pitié, si notre vanité ne. nous en dérobait la connaissance. Fontenelle. 2 3o DICTIONNAIRE Il y a trois sortes d'ignorance : ne rien savoir , savoir mal ce qu'on sait, et savoir autre chose que ce qu'on doit savoir. Duclos. C'est la profonde ignorance qui inspire le ton dogmatique. Celui qui ne sait rien croit enseigner aux autres ce qu'il vient d'apprendre lui- même 5 celui qui sait beaucoup pense à peine que ce qu'il dit doit être ignoré , et parle plus indifféremment. La Bruyère. La cause la plus ordinaire et la plus naturelle de l'ignorance est l'amour du repos -, car il en coûte pour devenir habile , et il n'y a que l'ignorance qui soit aisée. Une seconde cause est le défaut d'ému- lation : ce défaut peut venir de ce que les personnes distinguées par le rang et par la naissance ne mettent point les sciences en honneur. Les suites de l'igno- rance sont d'une extrême conséquence ; l'oisiveté en est le premier fruit , et de l'oisiveté naissent tous les vices. Saint-Évremont. L'ignorance est incapable d'entendre les choses élevées-, on n'est propre à rien quand on n'a pas cultivé son esprit. Phocjlide. Les grands crimes n'ont guère été commis que par de célèbres ignorans. Voltaire. C'est le comble de l'ignorance que d'être orgueil- leux. Fojitenelle. DE MAXIMES. 2 3i L'ignorance vaut mieux que cette fausse science qui lait que l'on s'imagine savoir ce qu'on ne sait pas. Amauld de Port-Royal. L'ignorance est la plus grande maladie du genre humain. Voltaire. Nous préférons l'ignorance qui précède la scien- ce, à l'ignorance qui la suit. Montaigne. L'esprit aime à s'abandonner à ses ignorances. Bossuet. Le plus noble prix de la science est le plaisir d'éclairer l'ignorance. L'abbé de Saint-Pierre. 11 n'y a d'ignorans que ceux qui veulent l'être. Platon. Sous la constitution la plus libre , un peuple igno- rant est toujours esclave. Condorcet. Dieu, et les rois, sont mal loués et mal servis par les ignorans. Voltaire. L'entiçre ignorance s'ignore elle-même. Montaigne. Notre première et notre plus grande ignorance est de nous ignorer. Plutarque. 11 y a deux sortes d'ignorance : nous commençons par la première, nous finissons .par la seconde. M. Ancillon. ^32 DICTIONNAIRE L'ignorance raisonnée, ou la conviction de l'im- possibilité où se trouve l'esprit humain de dépasser certaines limites, est la science de l'homme. M. Ancillon. 3lUt£t0tt#. Le moment où l'on perd les illusions de la jeu- nesse , laisse souvent des regrets ; mais quelquefois on hait le prestige qui vous a trompé. (Test Armide qui brûle et détruit le palais où elle fut enchantée. Chamfoi La nature a voulu que les illusions fussent poi les sages comme pour les fous , afin que les premiers ne fussent pas trop malheureux par leur propre sagesse. Chamfort. On se livre aux illusions sans danger, si l'on a formé sa raison, si l'on pense avec sagesse que la situation où l'on est placé par le sort a des avantages que nulle autre ne pourrait offrir. L'imagination embellit alors quelques heures de la vie, sans la troubler jamais. M. Droz. Celui qui souhaiterait réellement des illusions aurait au-delà de ses vœux. Fontenelle. De toutes les illusions , la plus agréable, c'est l'es- poir d'occuper de soi après qu'on n'existe plus. \ / DE MAXIMES. i'S5 Cette fumée de gloire n'est pas déraisonnable, et peut faire faire de grandes choses. Le prince de Ligne. Les illusions superstitieuses ne conviennent ni à nos mœurs ni à nos lumières; c'est sur des bases plus solides qu'il faut fonder la société humaine , et c'est dans la nature et la vérité qu'il faut chercher les principes des lois d'où dépendent le bonheur des hommes. Mais ne nous y trompons pas-, tant que . les lumières ne seront pas généralement répandues , et que toutes les vérités utiles ne seront pas deve- nues les préjugés des peuples , il se mêlera toujours quelques superstitions dans les opinions comme dans les affections de la multitude. Tâchons au moins que ces illusions soient utiles. M. Suard. Le cœur est la source ordinaire des illusions de l'esprit. Nicole, On se fait des illusions pour jouir, sans vertus , du calme de la conscience. Saint- Lambert. Tant que le cœur conserve des désirs, l'esprit garde des illusions. • Chateaubriand. Le philosophisme , qui détruit toutes les illusions , est une mort anticipée. V La Harpe. Nos sages et doctes aïeux ont brûlé religieuse- 234 DICTIONNAIRE ment des gens dont le crime était d'avoir eu des il- lusions , et de le dire. Condorcet. Ayons recours aux illusions pour nous défendre contre les vérités affligeantes, comme nous prenons un manteau pour nous garantir des frimas. Anonyme. On a grand tort de blâmer les illusions du bel âge. Passe encore si la vérité les remplaçait ; mais non : de tristes erreurs leur succèdent pour l'ordinaire. Si nous voyons , à vingt-cinq ans , tout en beau , si nous croyons tous les hommes bons et vertueux , nous en somnjes quelquefois dupes, j'en conviens-, mais aussi nous faisons plus de frais pour leur plaire, nous tenons davantage à leur estime , notre conduite en vaut mieux , et en général nous avons moins à nous en plaindre. À quarante ans, au contraire, nous nous exagérons presque toujours les torts de la société, et des individus qui la composent ; notre confiance est détruite ; mais si nous avons lieu d'être mécontens des autres, oserions-nous répondre que nous ne les avons jamais repoussés par nos manières dédaigneuses, ou par notre excessive réserve ? Ose- rions-nous répondre que nous n'avons pas , de notre côté , des reproches graves à nous faire ? Anonyme. Jmaamatùnt. Malheur à qui n'a plus rien à désirer ! 11 perd . / * DE MAXIMES. ^35 pour ainsi dire , tout ce qu'il possède. On jouit moins de ce qu'on obtient que de ce qu'on espère , et l'on n'est heureux qu'avant d'être heureux. En elfet, l'homme avide et borné, fait pour tout vouloir et peu obtenir, a reçu du ciel une force consolante qui rap- proche de lui tout ce qu'il désire, qui le soumet à son imagination , qui le lui rend présent et sensible , qui le lui livre en quelque sorte, et, pour lui ren- dre cette imaginaire propriété plus douce, le mo- difie au gré de sa passion. Mais tout ce prestige dis- paraît devant l'objet même : rien n'embellit plus cet objet aux yeux du possesseur; on ne se figure point ce qu'on voit; l'imagination ne pare plus rien de ce qu'on possède-, l'illusion cesse où commence la jouis- sance. J.-J. Rousseau. L'imagination est le don de concevoir les choses d'une manière figurée, et de rendre ses pensées par des images. Ainsi l'imagination parle toujours à nos. sens -, elle est l'invention des arts et l'ornement de l'esprit. Vauvenargues . L'imagination est le meilleur et le plus utile de nos sens-, celui-là fait la fonction des autres-, il commence là où les autres finissent , et va beaucoup au-delà. Il n'a pas besoin que l'objet vienne le cher- cher : il va le saisir où il est, même où il n'est pas; il le trouve toujours, il se moque de la nature, et fait toucher et voir dans les plus grandes distances. Thomas. 236 DICTIONNAIRE C'est le lot des esprits rares d'allier la justesse avec l'imagination. Hehétius. Respecte et cultive ton imagination , car tout dé- pend d'elle ; afin qu'elle n'engendre point dans ton esprit des opinions contraires à la nature , et indi- gnes de la raison. Marc-Aurèle. Tous nos plaisirs sont fugitifs , et tous sont réels. Faculté merveilleuse , l'imagination réveille les plai- sirs passés , charme l'instant qui s'écoule , et voile l'avenir, ou l'embellit d'espérances. M. Droz. L'imagination ressemble tantôt à ces magiciennes qui transportaient sur des bords enchantés les hé- ros objets de leur amour, tantôt à leurs ennemies, qui multipliaient autour de lui les périls. Livrée à ses caprices, peut-être nous ferait-elle redouter mille maux chimériques, aussi féconde pour en- fanter des tourmens qu'elle est ingénieuse à créer des plaisirs. La raison, qui ne peut la suivre tou- jours, doit lui montrer du moins quels sentiers le bonheur l'invite à parcourir. M. Droz. Les imaginations fortes sont contagieuses. Mallebranche. L'imagination des sots n'atteint pas à l'esprit, celle des sages n'atteint pas au génie. Condorcet. DE MAXIMES. 2 3 7 L'imagination est comme la messagère qui en- tretient la correspondance de l'entendement et de la volonté. Les sens sont à ses ordres pour lui rap- porter les objets 5 elle en rend compte à la raison qui, après les avoir examinés, les renvoie à la vo- lonté, pour en décider en dernier ressort. Il ne faut donc pas s'étonner si l'imagination a tant d'empire sur nos pensées et nos actions. Comme elle a des ministres infidèles , et qu'elle-même est une inter- prète fort équivoque , elle devient la source de nos erreurs et de nos crimes. Bacon. L'imagination agit sur nos sens -, elle tient les rênes du mécanisme de l'homme, en sorte que tel mouvement doit cesser, dès que l'image qui Ta oc- casioné disparaît : l'homme qui se promenait s'ar- rête tout à coup, parce qu'il est saisi d'une idée qui enchaîne, pour ainsi dire, ses pas, en captivant son imagination. Bacon, Sans l'imagination , de quoi l'homme jouirait-il , puisque le passé n'est plus, que le présent coule incessamment de l'avenir dans le passé , et que l'avenir n'est point encore? Du passé, du présent et de l'avenir, cette fée bienfaisante crée une réa- lité mensongère sur laquelle repose et se berce doucement la frêle humanité. B on Massifs. Le grand secret de ceux qui entrent dans les ?38 DICTIONNAIRE emplois est de saisir d'abord l'imagination des hom- mes par une action que quelques circonstances leur rendent particulières. Card al de Retz. Les imaginations vives aiment mieux de loin que de près. Duclos. Les personnes qui ont l'imagination vive gros- sissent les objets -, elles prennent les saillies de leur imagination, ou les sentimens qu'elles ont de leurs dispositions , pour le fond de leur cœur. Ainsi , quelque sincères qu'elles soient, elles se trompent souvent elles-mêmes : il n'y a que la connaissance du détail de leurs actions qui puisse donner une véritable idée de leur caractère. Nicole. L'imagination est la folle de la maison-, elle ne cesse de faire du bruit et d'étourdir -, l'esprit même est entraîné par elle 5 il ne peut s'empêcher de voir les images qu'elle lui présente. Fénélon. Les hommes d'une imagination forte parlent avec une autorité despotique; les ignorans et les faibles écoutent avec une admiration servile ; les bons es- prits examinent. Voltaire. En toute chose l'habitude lue l'imagination, il n'y a que les objets nouveaux qui la réveillent. Dans ceux que l'on voit tous les jours , ce n'est plus 1 DE MAXIMES. a3g l'imagination qui agit, c'est la mémoire -, et voilà la raison de l'axiome : ab assuetis nonfitpassio , car ce n'est qu'au feu de l'imagination que les passions s'allument. J.-J. Rousseau. Rien ne nuit tant à l'imagination que de lui donner un but , de la soumettre à un système. Elle en contracte de la froideur et de l'affectation. M. de Baranle. L'imagination va toujours plus loin que la réalité. C te de Se'gur. Il est nécessaire de se tenir en garde contre l'i- magination : elle nuit presque toujours au jugement et à la mémoire. Par elle, les chimères remplacent les réalités, et trop souvent nous entraînent, d'er- reur en erreur, de folie en folie, jusqu'à notre ruine totale. . Anonyme. Jttigttttitute. Tel homme est ingrat , qui est moins coupable de son ingratitude que celui qui lui a fait du bien. La Rochefoucauld. L'ingratitude doit exciter plus de mépris que de chagrin ; la plus cruelle situation pour une âme élevée, est d'avoir à se plaindre de ceux à qui l'on doit. Duclos. L'ingratitude la plus odieuse, mais cependant *4e DICTIONNAIRE la plus commune et la plus ancienne , est celle des enfans envers leurs pères. V auvenargues . Le trop grand empressement qu'on met à s'ac- quitter d'une obligation , est une espèce d'ingrati- tude. La Rochefoucauld. On ne trouve guère d'ingrats tant qu'on est en état de faire du bien. . La Rochefoucauld. L'ingratitude consiste à oublier , à méconnaître , ou reconnaître mal les bienfaits-, et elle a sa source dans l'insensibilité , l'orgueil ou l'intérêt. Duclos. On s'irrite contre les ingrats , parce que l'on veut de la reconnaissance par amour-propre. Fénélon. Il vaut mieux s'exposer à l'ingratitude que de manquer au malheur. La Brujère. L'ingratitude ne décourage pas la bienfaisance , mais elle sert de prétexte à Fégoïsme. M. deLévis. Il y a beaucoup moins d'ingrats qu'on ne croit , car il y a bien moins de généreux qu'on ne pense. Celui qui tait la grâce qu'il a reçue , est un ingrat qui ne la méritait pas ; celui qui publie celle qu'il a faite la tourne en injure. S aint-Év remont. Tout le monde déteste l'ingrat-, chacun se croit DE MAXIMES. 241 offensé par sa conduite ; parce qu'elle tend à refroi- dir la générosité , et on le regarde comme l'ennemi commun de tous ceux qui ont besoin de secours. Cicéron. L'ingratitude est le crime des sociétés comme des individus. Sénèque. Une erreur des ingrats, c'est de croire que l'usu- fruit d'un bienfait doit être gratuit, tandis qu'ils paient à leurs créanciers des intérêts , sans préjudice du capital. Les bienfaits ont aussi leurs intérêts : on a plus à payer quand on paie plus tard. 11 y a de l'ingratitude à rendre un bienfait sans arrérages. Sénèque. L'ingratitude serait plus rare , si les bienfaits à usure étaient moins communs. On aime ce qui nous fait du bien 5 c'est un sentiment si naturel ! L'in- gratitude n'est pas dans le cœur de l'homme, mais l'intérêt y est : il y a moins d'obligés ingrats , que de bienfaiteurs intéressés. Si vous me vendez vos dons , je marchanderai sur le prix ; mais si vous fei- gnez de donner pour vendre à votre mort, vous usez de fraude. C'est d'être gratuits qui les rend inestimables. J.-J. Rousseau. L'ingratitude est une furie au cœur de marbre. Shakspeare. L'ingratitude de nos propres enfans, n'est-ce pas comme si la bouche mordait la main qui lui porte la nourriture ? Shakspeare. 16 DICTIONNAIRE Le plus ingrat des hommes est celui qui n'a ja- mais fait d'ingrats. Naudé. L'orgueil et la vanité sont ingrats. L'ingratitude, fille de l'intérêt et de la vanité, est le vice des petites âmes. Condorcet. On se plaint des ingrats qu'on n'a pas faits , pour se défendre des ingrats que l'on ne veut pas faire. Naudé. 3ttju#tta. Ceux qui commettent une injustice , seraient les premiers à la détester s'ils en souffraient. Publius Sjrus. On n'est pas moins injuste en ne faisant pas ce qu'on doit faire , qu'en faisant ce qu'on ne doit pas faire. Marc-Aurèle. Même aux yeux de l'injuste, un injuste est horrible. Boileau. Les hommes sont si injustes , qu'à leurs yeux , être malheureux , c'est avoir tort. La Harpe. Faire une injustice, c'est être impie. Marc-Aurèle. Une injustice qu'on voit et qu'on tait , on la commet soi-même. J.-J. Rousseau. DE MAXIMES. 243 Toutes les injustices ont été mises en lois. M. Lanjuinais. En politique , l'injustice est dangereuse par elle- même. C* FerrancL On Supporte la rigueur, on se révolte contre l'in- justice. Lévesque. Les caractères les plus doux, lorsqu'ils sont per- sécutés par l'injustice, deviennent souvent les plus intraitables : la raison en est, sans doute, que leur résolution ayant été mûrie par la réflexion, devient par cela même inébranlable. Richardson. Une injustice faite à un seul , est une menace faite à tous. La Harpe, De la' force à l'injustice , il n'y a qu'un pas. Condorcet. Se plaindre d'une injustice, c'est presque tou- jours en provoquer une nouvelle! Anonyme. Jtttuvittce. L'innocence est le premier charme de la beauté, et rien ne retrace l'innocence comme le remords. Duclos. L'innocence est une santé précieuse de l'âme ; *44 DICTIONNAIRE c'est une ressource et une consolation dans les plus affreuses douleurs. Fénélon. C'est le dernier degré de l'opprobre, de perdre avec l'innocence le sentiment qui la fait aimer. J.-J . Rousseau. C'est enhardir et absoudre le crime, que de con- damner l'innocence. Bossuet. L'accord de l'amour et de l'innocence semble être le paradis sur la terre. C'est le bonheur le plus doux , et l'état le plus délicieux de la vie. /.-/. Rousseau. L'innocence est la félicité du malheureux. Publius Syrus. L'innocence est toujours environnée de son propre éclat. Publius S y rus. Il s'en faut bien que l'innocence trouve autant de protecteurs que le crime. La Harpe. Un coupable puni est un exemple pour la mul- titude, un innocent condamné est l'affaire de tous les honnêtes gens, Mirabeau. 3tt£*tt#Mité. L'excès de la douleur produit quelquefois l'insen- sibilité, surtout dans les premiers momens. Le cœur, DE MAXIMES. 245 Irop vivement frappé, est étourdi de 4a grandeur de ses blessures; il demeure d'abord sans mouvement, et, s'il est permis de s'exprimer ainsi , le sentiment se trouve noyé pendant quelque temps dans le dé- luge de maux dont Famé est inondée. Mais , le plus souvent, l'espèce d'insensibilité que quelques per- sonnes font paraître , au milieu des souffrances les plus grandes , n'est simplement qu'extérieure. Le préjugé, la coutume, l'orgueil, ou la crainte de la honte, empêchent la douleur d'éclater au de- hors , et la renferment tout entière dans le cœur. Nous voyons par l'histoire, qu'à Lacédémone, les enfans fouettés au pied des autels jusqu'à effusion de sang , et même quelquefois jusqu'à la mort , ne laissaient pas échapper le moindre gémissement. Il ne faut pas croire que ces efforts fussent réservés à la constance des Spartiates.' Les barbares et les sau- vages , avec lesquels ce peuple si vanté avait plus d'un trait de ressemblance, ont souvent montré une pareille force , ou , pour mieux dire, une semblable insensibilité apparente. Diderot. Celui que l'expérience a rendu insensible , prouve assez qu'elle n'a fait que développer une disposition qui d'avance existait en lui. De Lingrée. L'insensibilité à la vue des misères est dureté ; s'il y entre du plaisir, c'est cruauté. V 'auvenargues \ On est ordinairement insensible quand on veut a46 DICTIONNAIRE paraître plus compatissant pour les autres que pour soi-même. Duclos. Ou ne peut être sensible au plaisir, et insensible à la douleur. Oxenstiern. L'insensibilité de l'égoïsme prend souvent le nom de philosophie. Condorcet. L'âme déchirée d'une vive douleur, se réjouit de nouvelles douleurs \ elle espère que leur excès lui donnera la mort. ou l'insensibilité. J.-J. Rousseau. Nous honorons quelquefois l'insensibilité du nom de courage. *** 3tttër& L'intérêt parle toutes sortes de langues , et joue toutes sortes de personnages, même celui de désin- téressé. La Rochefoucauld. L'intérêt, qui aveugle les uns, fait la lumière des autres. La Rochefoucauld. L'intérêt ferait nier les propositions de géométrie les plus évidentes , et croire les contes religieux les plus absurdes, Helvétius. Nous nous persuadons souvent d'aimer les gens DE MAXIMES. a4 7 plus puissans que nous, et néanmoins c'est l'inté- rêt seul qui produit notre amitié -, nous ne nous donnons pas à eux pour le bien que nous leur vou- lons faire , mais pour celui que nous en voulons re- cevoir. La Rochefoucauld. L'intérêt met en œuvre toutes sortes de vertus et de vices. La Rochefoucauld. Le bon naturel qui se vante d'être si sensible, est souvent étouffé par le moindre intérêt. La Rochefoucauld. L'intérêt, que l'on accuse de tous nos crimes, mérite souvent d'être loué de nos bonnes actions. La Rochefoucauld. L'intérêt bien entendu, c'est-à-dire guidé par la raison, est plus favorable à la vertu qu'au vice; parce que les vices lui sont moins utiles que les ver- tus. Anonyme. L'intérêt est la fin de 1 amour -propre ; la géné- rosité en est le sacrifice. Vauvenartiues. <— C'est à notre cœur à régler le rang de nos inté- rêts, et à notre raison de les conduire. ï^auvenavgues. Comptez rarement sur Testime et sur la confiance d'un homme qui entre dans tous vos intérêts, s'il ne vous parle aussitôt des siens. Fauven argues. ?.48 DICTIONNAIRE L'intérêt nous console de la mort de nos pro- ches, comme l'amitié nous consolait de leur vie. Vauvenargues. L'intérêt est la règle de la prudence. Vauvenargues . L'intérêt général de la société est la loi des sou- verains. Fénélon. Aucune passion n'aveugle autant que l'intérêt : il empêche de voir l'évidence. C u de Ségur. Les intérêts particuliers font aisément oublier l'intérêt public. Montesquieu. 3nt0lir Le malheur est moins difficile à supporter que l'extrême bonheur : l'un vous fortifie, et l'autre vous énerve. C" de Se'gur. Si chacun faisait tout le bien qu'il peut faire , sans s'incommoder, il n'y aurait pas de malheureux. Du clos. Ceux qui croient avoir du mérite, se font un hon- neur d'être malheureux ; pour persuader aux autres, et à eux-mêmes , qu'ils sont dignes d'être en butte à la fortune. La Rochefoucauld. Nous querellons les malheureux , pour nous dis- penser de les plaindre. V auvenargues . Le malheur dépend moins de ce qu'on souffre , que de l'impatience avec laquelle on augmente son malheur. Fénélon. 286 DICTIONNAIRE Le mortel heureux contracte une dette avec le malheur. Young. En plaignant les autres , nous nous consolons nous-mêmes : en partageant leurs malheurs , nous sentons moins les nôtres. Young. 11 faut de la prudence pour éviter le malheur, et du courage pour le soutenir. /.-/. Rousseau. Né dans une condition obscure , élevé dans l'hu- miliation , j'ai eu pour maître le malheur; et il m'a beaucoup appris. Confucius. L'avantage qu'il y a d'être malheureux, c'est qu'on sait compatir aux maux d'autrui. Fénélon. Quelques hommes sont doués d'une telle fermeté, que le malheur ne peut les ébranler. Il glisse , pour ainsi dire , sur leurs âmes stoïques \ et le choc des événemens contre eux, leur fait peut-être éprou- ver une sorte de volupté , en leur donnant le senti- ment de leur force et de leur indépendance. Plus souvent , on voit des hommes dont l'imagination mobile échappe aux idées tristes ; oubliant sans re- gret, espérant sans effort, toujours légers, toujours frivoles , ils éloignent le malheur , par l'insouciance etlagaîté. M. Droz. Le malheur nous rend plus sages : on dirait que DE MAXIMES. 287 le bon sens et la bonne fortune sont incompatibles 5 la prospérité ôte à l'homme le jugement. Sénèque. Le sage prévoit tous les malheurs qui lui peuvent arriver. Quand ils surviennent, il travaille à les al- léger, autant qu'il est possible-, et, s'il ne peut en diminuer le poids, il se résigne à les supporter. Plut arque. Tu es homme, et tu tombes dans le malheur! Qu'y a-t-il d'étonnant ? N'est-ce pas un événement auquel tous les hommes sont exposés ? Plutarque. Accuser les autres de ses malheurs , c'est le fait d'un ignorant : les rejeter sur soi , c'est commencer à s'instruire : n'en accuser , ni les autres , ni soi- même c'est être sage. Épictète. Le plus malheureux des hommes est celui qui ne sait pas supporter le malheur. Bias. Le malheur est bon à deux choses : à éprouver les amis , et à épurer la vertu. Il en est de l'hom- me de bien comme des plantes aromatiques : plus elles sont broyées , plus elles exhalent leurs par- fums. B. Franklin. Le malheur trouve à la fin celui devant qui il a souvent passé. Publius Syrus. La crainte d'un malheur incertain fait souvent 288 DICTIONNAIRE une impression plus funeste , que la certitude d'un malheur arrivé. Shakspeare. Se ressouvenir d'un malheur, c'est l'éprouver une seconde fois. Publius Sjrus. Il est quelque chose de plus cruel que le malheur -, c'est de se l'entendre reprocher. Publius Sjrus. Il n'est pas un mortel qui n'ait son malheur, et son défaut. Simonide. Le malheur et la pauvreté ramènent à l'égalité. C Le Daru. Malheur à celui qui fait payer à ses semblables le tribut qu'ils doivent à la douleur, à la mort ! Lord Chesterjield. Pour l'homme vertueux, le malheur même a des charmes... Eh ! n'est-ce donc rien que le baume des consolations de l'amitié, et le calme ineffable d'une bonne conscience ? Anonyme. Mavia&e. Rien de plus contraire à l'esprit du mariage, que de s'imaginer qu'on se marie pour son plaisir. Le plaisir est sans doute un attrait que la nature attache au devoir qu'elle impose. C'est par là qu'elle invite DE MAXIMES. 289 tous les êtres vivans à régénérer leur espèce. L'a- mour est le réparateur des ravages de la mort; et ce n'est pas la moindre des merveilles qui éclatent dans l'ordre universel. Mars, dans cet ordre sublime et sage, l'erreur, l'égarement du vice , est de prendre pour l'inten- tion finale, et pour l'objet de la nature, ce qui n'en est que le moyen. On se marie pour être père et mère, et non pour être amans ; en cessant d'être amans, on ne cesse donc pas de devoir êlre père et mère. Heureux cependant les époux , dont le chaste et fidèle amour ne cesse de prêter à leur devoir de nouveaux charmes! Mais il faut bien entendre quel est cet amour vertueux ; car celui qui n'est qu'une fièvre , un délire, une frénésie , ou celui qui , moins insensé , mais plus dissolu , ne connaît la pudeur que pour l'insulter, l'innocence que pour se faire un triomphe de la séduire 5 l'amour d'Ovide ou celui de Sapho , n'est pas digne d'entrer dans le lit nuptial ; pour lui, ce qui est permis et légitime est sans at- traits -, l'hymen n'a pas de plus dangereux ennemi ; aussi chez les anciens Favait-on banni de son temple. MannonteL Le meilleur mariage expose à des hasards , et comme une eau pure et calme commence à se trou- bler aux approches de l'orage -, un cœur timide et chaste ne voit point sans quelque alarme le prochain changement de son état, J.-J. Rousseau. T 9 2 9 o DICTIONNAIRE C'est l'âme, et non pas le corps, qui rend le mariage indissoluble. Publias Sjrus. Deux époux destinés par la nature à vivre en- semble, doivent se convenir, et ne voir Fuit dans l'autre rien qui répugne au sentiment affectueux et tendre qui naturellement doit naître de leur union. Mais ils ne se flatteront pas d'une harmonie inalté- rable sans dessein de s'en imposer-, la seule envie de se plaire aura dissimulé , avant le mariage , bien des diversités de goûts, d'humeur, de caractère. Au- cun des deux n'est constamment égal et semblable à lui-même -, aucun des deux n'est toujours complai- sant. Tant pis même si l'un d'eux avait cet excès de mollesse. Rien de plus méprisable dans un homme , rien de plus insipide dans une femme , quelquefois même rien de plus dangereux , qu'une volonté sans ressort. Mais si les contrariétés en étaient dures et tranchantes, l'un ou l'autre en serait blessé. Ils doivent donc s'attendre que pour émousser les pointes , pour en adoucir l'âpreté, la complaisance d'un côté , l'indulgence de l'autre , seront des con- ciliatrices habituellement nécessaires. Ce sont les compagnes inséparables de l'hymen; et c'est à les entretenir, que doit contribuer surtout la nécessité d'être perpétuellement et indissolublement unis. Marmontel. Une femme, des enfans, autant d'otages qu'un homme donne à la fortune-, un père de famille ne DE MAXIMES. 291 peut être mâchant ni vertueux impunément. Celui qui vit dans le célibat , devient aisément philosophe et nidifièrent sur l'avenir qui ne doit point l'inté- resser; mais un père qui doit se survivre dans sa race , tient à cet avenir par des liens éternels. Bacon. Dieu lui-même a ordonné le mariage , et a béni les époux. Il n'a pas trouvé bon que l'homme fût seul ; plus l'homme et la femme s'attacheront l'un à l'autre, plus l'un et l'autre seront heureux. B. Franklin. La plus douce des sociétés devrait être celle du mariage , auquel la religion même imprime son ca- ractère pour en rendre les nœuds plus forts et plus heureux-, rien cependant n'est plus ordinaire que de voir des personnes , qui ne pouvaient vivre sans s'unir, se négliger, s'oublier, se haïr même, lors- que leur union est formée. Le roi Stanislas. La puissance des maris est une puissance de pro- tection et d'amour-, on en abuse, quand elle dégé- nère en tyrannie. M. Labouisse. Ce n'est point se marier , c'est négocier , que de prendre une femme pour son bien ; ce n'est point se marier , c'est se contenter , que de prendre une femme pour sa beauté-, ce n'est point se marier, c'est radoter, à certain âge, que de prendre une jeune femme pour avoir de la société-, se marier, c'est 292 DICTIONNAIRE choisir avec discernement, à loisir, par inclination f et sans intérêt, une femme qui vous choisisse de même. Dufresny. Les aigreurs , comme les douceurs du mariage, se tiennent secrètes par les sages. Montaigne. Lorsqu'il y a dans le monde peu de nations bar- bares , et que presque toutes sont policées , les hom- mes y regardent à deux fois avant de se marier , et ne veulent point avoir des enfans, à moins qu'ils ne prévoient qu'ils auront de quoi fournir à leur sub- sistance. Bacon. Il y a de bons mariages , mais il n'y en a point de délicieux. La Rochefoucauld. Comme un des grands objets du mariage, est d'ô- ter toutes les incertitudes des conjonctions illicites, la religion y imprime son caractère, et les lois civi- les y joignent le leur , afin qu'il ait toute l'authen- ticité possible. Montesquieu. Ce qu'il se voit si peu de bons mariages est signe de son prix et de sa valeur \ à le bien façonner et le bien prendre , il n'est point de plus belle pièce en notre société. Nous ne pouvons nous en passer , et Talions avilissant ; il en advient ce qui se voit aux cages ; les oiseaux qui en sont dehors n'y veulent DE MAXIMES. ag3 plus rentrer, et d'un pareil soin, en sortir ceux qui sont dedans. Montaigne. Un homme libre et qui n'a point de femme, s'il a quelque esprit, peut s'élever au-dessus de sa for- tune, se mêler dans le monde , et aller de pair avec les honnêtes gens ; cela est moins facile à celui qui est engagé ; il semble que le mariage met tout le monde dans son ordre. La Bruyère. Le mariage est le bien le plus général et le plus étendu de la société ; mais il s'en faut bien que ce soit toujours celui qui unit le plus sincèrement un homme avec une femme. J.-J. Rousseau. Méhioance. La médisance est un mal inquiet qui trouble la société, qui jette la dissension dans les cités, qui désunit les amitiés les plus étroites , qui est la source des haines et des vengeances , qui remplit tous les lieux où elle entre de désordres et de confusion ; partant ennemie de la paix r de la douceur et de la politesse. Enfin c'est une source pleine d'un venin mortel : tout ce qui en part en est infecté, et infecte tout ce qui l'environne >ses louanges même sont em- poisonnées , ses applaudissement malins , son si- lence criminel , ses gestes, ses mouvemens, ses re- ? 9 4 DICTIONNAIRE gards, tout a son poison, et le répand à sa manière. M as sillon. La médisance est une petitesse dans l'esprit, ou une noirceur dans le cœur; elle doit toujours sa naissance à la jalousie , à l'envie , à l'avarice , ou à quelque autre passion -, elle est la preuve de l'igno- rance et de la malice. Médire sans dessein, c'est bêtise -, médire avec réflexion , c'est noirceur. Que le médisant choisisse , qu'il opte , il est insensé ou méchant. Duclos. On est d'ordinaire plus médisant par vanité, que par malice. La Rochefoucauld. La plus haute vengeance de la médisance est le mépris ou l'oubli. Bacon. On répète les médisances , en citant leur auteur, • pour s'en donner le plaisir sans danger. Voltaire. La haine impuissante se soulage par la médisance. Lamoihe-Le-Vajer. Témoigner publiquement son repentir d'une mé- disance, c'est lui donner plus de force et de publi- cité. Fontenelle. La médisance est une pente secrète de l'âme à penser mal de tous les hommes , laquelle se mani- feste par les paroles. Théophraste. DE MAXIM LS. ii' Mémoire. Un homme qui n'a que de la mémoire, est comme celui qui possède une palette et des couleurs; mais qui pour cela n'est pas peintre. Maleskerbes. La mémoire est le dépôt universel des pensées et des paroles ; quelques trésors qu'on amasse , si l'on manque de mémoire pour les conserver, ils sont perdus. Thomas. Quel trésor que la mémoire! Elle rend l'existence aux siècles qui ne sont plus, donne un nouveau corps aux êtres évanouis, ranime leurs fantômes, et fait passer dans l'imagination les couleurs et la vie de l'objet ; fait redire au présent les destins du passé. Que l'univers s'anéantisse , et laisse l'homme seul clans un espace désert, l'homme, par la force de cette faculté merveilleuse, pourra retirer l'uni- vers de la nuit des temps, et de l'abîme du néant. Le Tourneur. La mémoire, comme les livres qui restent long- temps renfermés dans la poussière , demande à être déroulée de temps en temps; il faut, pour ainsi dire, en secouer les feuillets, afin de la trouver en état au besoin. Sénèque. 296 DICTIONNAIRE Il n'est pas au pouvoir des hommes de perdre la mémoire. Tacite. La vie à venir pourrait n'être que la mémoire de la vie présente ^ elle se composerait de souvenirs délicieux , ou d'amers repentirs. J^oltaire. Une mémoire active et fidèle double la vie. Mirabeau. On tirerait des conséquences utiles, de savoir que la mémoire est la même chose que le jugement et l'imagination. On pourrait déterminer quelles ré- flexions ou jugemens ferait un homme en consé- quence des faits qu'il a dans la mémoire , et quelle sorte de réflexions arriverait en conséquence d'une érudition vaste et profonde. Helvétîus. La mémoire conserve le précieux dépôt de l'i- magination et de la réflexion. Il serait superflu de s'attacher à peindre son utilité non contestée. Nous n'employons dans la plupart de nos raisonnemens , que des réminiscences , c'est sur elles que nous bâ- tissons : elles sont le fondement et la matière de tous nos discours. L'esprit que la mémoire cesse de nourrir, s'éteint dans les efforts laborieux de ses recherches". S'il y a un ancien préjugé contre les gens d'une heureuse mémoire, c'est parce qu'on suppose qu'ils ne peuvent embrasser et mettre en ordre tous leurs souvenirs, parce qu'on présume DE MAXIMES. 297 que leur esprit, ouvert à toutes sortes d'impressions, est vide, et ne se charge de tant d'idées emprun- tées, qu'autant qu'il en a peu de propres : mais l'expérience a contredit ces conjectures par de grands exemples. Et tout ce qu'on en peut con- clure avec raison, est qu'il faut avoir de la mé- moire en proportion de son esprit, sans quoi , on se trouve nécessairement dans un de ces deux vices, le défaut, ou l'excès. Vauvenargues. Ce n'est pas seulement pour acquérir de l'éru- dition que la mémoire est utile-, elle l'est encore pour la conduite de la vie. C'est le souvenir des événemens passés, qui fournit des exemples pour délibérer sagement sur les événemens à venir. Plutarque. Il y a beaucoup de profit à vivre avec des gens qui n'ont pas de mémoire. Chaque fois qu'on leur dit quelque chose d'agréable, ils l'oublient-, l'im- pression reste : elle redouble toutes les fois qu'on recommence, et l'on recommence autant de fois qu'on veut. Le prince de Ligne. Mm&on$e. Le mensonge consiste à s'exprimer, de propos délibéré, en paroles ou en signes, d'une manière fausse, en vue de faire du mal, ou de causer du 21)8 DICTIONNAIRE dommage, tandis que celui à qui on parle a droit de connaître nos pensées , et qu'on est obligé de lui en fournir les moyens, autant qu'il dépend de nous. Il paraît de là, que l'on ne ment pas toutes les fois qu'on parle d'une manière qui n'est pas con- forme, ou aux choses, ou à nos propres pensées, et qu'ainsi la vérité logique, qui consiste dans une simple conformité de paroles avec les choses, ne répond pas toujours à la vérité morale. Il s'ensuit encore, que ceux-là se trompent beaucoup, qui ne mettent aucune différence entre mentir, et dire une fausseté. Mentir, est une action déshonnête et con- damnable; mais on peut dire une fausseté indiffé- rente : on en peut dire une qui soit permise, loua- ble, et même nécessaire : par conséquent une fausseté que les circonstances rendent telle, ne doit pas être confondue avec le mensonge , qui décèle une âme faible, ou un caractère vicieux. Il ne faut donc point accuser de mensonge, ceux qui emploient des fictions ou des fables ingénieuses pour l'instruction , et pour mettre à couvert l'inno- cence de quelqu'un, comme aussi pour apaiser une personne furieuse, prête à nous blesser; pour faire prendre quelques remèdes utiles à un malade; pour cacher les secrets de l'État , dont il importe de dé- rober la connaissance à l'ennemi ; et autres cas sem- blables, dans lesquels on peut se procurer à soi- même, ou procurer aux autres, une utilité légitime, et entièrement innocente. DE MAXIMES. 2i)() Concluons que si le mensonge, les équivoques , et les restrictions mentales , sont odieuses \ il y a dans le discours des faussetés innocentes que la pru- dence exige ou autorise -, car de ce que la parole est l'interprète de la pensée , il ne s'ensuit pas tou- jours qu'il faille dire tout ce que l'on pense. 11 est, au contraire, certain, que l'usage de cette faculté doit être soumis aux lumières de la droite raison, à qui il appartient de décider quelles choses il faut découvrir ou non. Enfin, pour être tenu de dé- clarer naïvement ce qu'on a dans l'esprit , il faut que ceux à qui l'on parle aient droit de connaître nos pensées. Le Chev"' de Jaucourt. • Quoique les personnes n'aient point d'intérêt à ce qu'elles disent, il ne faut pas conclure de là abso- lument, qu'elles ne mentent point-, car il y a des gens qui mentent simplement pour mentir. Pascal. L'aversion du mensonge, est souvent une imper- ceptible ambition de rendre nos témoignages con- sidérables , et d'attirer à nos paroles un respect de religion. La Rochefoucauld. Nous nous persuadons quelquefois nos propres mensonges , pour n'en avoir pas le démenti ; et nous nous trompons nous-mêmes, pour tromper les autres. V auvenargues . 3oo DICTIONNAIRE Celui qui a besoin d'un motif pour être engagé à mentir, n'est pas né menteur. Vauvenargues. En vérité, le mentir est un maudit vice. Nous ne sommes hommes, et nous ne tenons les uns aux autres que par la parole-, si nous en connaissions l'horreur et le poids, nous le poursuivrions à feu, plus justement que d'autres crimes. Montaigne. Quiconque est capable de' mentir, est indigne d'être compté au nombre des hommes. Fénélon. Le 'mensonge n'est un vice que quand il fait du mal-, c'est une très-grande vertu, quand il fait du bien. • Voltaire. Le mensonge est un vice de l'esprit et du cœur. Lord Chesterfield. Comme rien n'est plus beau que de connaître la vérité , rien n'est plus honteux que d'approuver le mensonge , et de le prendre pour elle. Cicéron. Combien de gens mentent pour tromper î Com- bien d'autres , parce qu'ils ont été trompés ! Sénèque. L'homme est de glace aux vérités ; Il est de feu pour les mensonges. La Fontaine. Le mensonge est , en général , une chose odieuse, DE MAXIMES. Soi avilissante, et malhonnête; mais la vérité ne serait- elle pas souvent un plus grand mal que le men- songe? Dans le eommerce de la vie, la vérité est comme une monnaie qu'il n'est pas permis d'altérer. La na- ture a voulu que la parole fut l'image de la pensée ; et dans l'ordre social , on y attache l'idée de la sin- cérité. Celui qui imprime le symbole de la vérité au mensonge, est donc un falsificateur qui abuse de la foi publique ; et sous ce rapport général , le menteur est un homme infâme. Marmontel. Il n'y a pas de mensonges qui nous soient plus nuisibles , que ceux que nous nous faisons à nous- mêmes. *** Un livre curieux , serait celui dans lequel on ne trouverait pas de mensonge. N. Bonaparte. 11 y a des femmes en qui l'art surmonte la nature , et que l'on peut appeler de beaux mensonges. Lamothe-Le-Vayer. Méyxi*. Un homme assez vain pour croire qu'il ne peut jamais être l'objet du mépris , y est, d'autant plus sensible , lorsqu'il ne peut plus se le dissimuler. Duclos. 3o2 DICTIONNAIRE 11 n'y a que ceux qui sont méprisables, qui crai- gnent d'être méprisés. La Rochefoucauld. Celui qui s'estime lui-même , est peu sensible à l'injuste mépris des autres, et ne craint que de le mériter-, car le juste et l'honnête, ne dépendent point du jugement des hommes , mais de la nature des choses. Duclos. Le mépris est un sentiment mêlé de haine et d'or- gueil. Vauvenargues. Nous sommes moins offensés du mépris des sots, que d'être médiocrement estimés des gens d'esprit. Vauvenargues. Nous méprisons beaucoup de choses, pour ne pas nous mépriser nous-mêmes. Vauven argues. L'homme pardonne quelquefois la haine , jamais le mépris. C u Feriand. On n'est méprisé par les autres, que lorsqu'on a commencé par se mépriser soi-même. Sénèque. Il y a des gens qui font du mépris leur sauve- garde. On foule aux pieds celui qu'on méprise : mais on passe .outre; on ne s'acharne pas contre lui; on ne se donne pas la peine de méditer sa ruine. Sur le champ de bataille même on passe à côté de DE MAXIMES. 3o3 l'ennemi couché par terre, pour attaquer celui qui est debout. Sénèque. Du mépris de la réputation naît celui de la vertu. Tacite. Mévite. C'est le caractère d'un mérite consommé, de pou- voir vivre dans la retraite avec dignité, après avoir paru dans le monde avec éclat. Saint-Evremont. Tout ce qui est mérite se discerne, se sent, se devine réciproquement : si l'on voulait être estimé, il faudrait vivre avec des personnes estimables. La Bruyère. Une grande naissance, ou une grande fortune, annonce le mérite , et le fait plus tôt remarquer. La Bruyère. La faveur des princes n'exclut pas le mérite, et ne le suppose pas aussi. La Bruyère. Un grand mérite doit faire pardonner de grandes fautes. Fontenelle. Il n'y a que le temps qui décide du mérite des ouvrages. Voltaire. Les hommes d'un grand mérite et d'une grande 3o4 DICTIONNAIRE vertu, s'attirent quelquefois de la part des personnes du premier rang, qui viennent à les connaître, une sorte de respect, qui n'a point été établi par les lois de la société , et dont la nature s'est réservée le droit de disposer en faveur de la vertu. Montesquieu. Tant qu'on peut se parer de son propre mérite , on n'emprunte point celui de ses ancêtres. Saint-Evremont. Le titre seul d'homme de mérite , désigne sa si- gnification. C'est celui , dont les qualités utiles lui donnent droit de prétendre à l'estime , et à la con- sidération de ses semblables. TVeiss. Quelque vanité qu'on nous reproche, nous avons besoin quelquefois qu'on nous assure de notre mé- rite. Vauvenargues. Rien n'est si utile, que la réputation , et rien ne donne la réputation comme le mérite. Vauvenargues. Cet empressement qui cherche à faire valoir son mérite , sans aucun égard pour celui des autres -, cet étalage de son esprit et de ses talens les discrédite , quelque distingués qu'ils puissent être-, parce qu'il met à découvert l'excès de bonne opinion qu'on a de soi-même , et l'intention de s'arroger une espèce de supériorité. Moncrif. DE MAXIMES. 3of> La marque d'un mérite extraordinaire , est de voir que ceux qui l'envient le plus , sont contraints de le louer. La Rochefoucauld. Le monde récompense plus souvent les apparences du mérite, quele mérite même. La Rochefoucauld. C'est l'effet d'un mérite extraordinaire , d'être dans tout son jour auprès d'un mérite aussi grand. Montesquieu. On ne doit pas juger du mérite d'un homme par ses grandes qualités , mais par l'usage qu'il en sait faire. La Rochefoucauld. Les hommes sont trop occupés d'eux-mêmes, pour avoir le loisir de pénétrer ou de discerner les au- tres 5 de là vient, qu'avec un grand mérite, et une plus grande modestie, l'on peut être long-temps ignoré. La Bruyère. Il y a une classe de gens à qui l'on n'accorde du mérite, que parce qu'on est las de leur en avoir refusé : ils obtiennent leur réputation , comme cer- tains pauvres obtiennent l'aumône , à force d'im- portunité. Rwarol. Personne presque ne s'avise de lui-même du mé- rite d'un autre. La Bruyère. 20 3o6 DICTIONNAIRE Mtàéxation. La modération est l'égide protectrice de notre repos , de notre bonheur -, elle conserve toutes nos facultés ; elle en maintient la force et l'équilibre. Mais n'est-elle pas également à l'usage du méchant et de l'homme de bien ? Ne nous éloigne-t-elle pas également des dangers qui doivent effrayer le vice , et de ceux que doit braver la vertu ? Les Catons , les Gracques . les Brutus , les hom- mes les plus vertueux de l'histoire ancienne et de l'histoire moderne, étaient-ils, en effet, des hommes fort distingués par leur modération ? Je vois que cette qualité , tout estimable qu'elle est en elle- même, s'allie difficilement à de hautes vertus, à une grande élévation de talent ou de génie ; elle n'est, le plus souvent, que l'humble compagne de l'impuissance et de la médiocrité. Peut-être est-ce de toutes les vertus, celle qu'il est le moins à désirer de tenir de la nature même -, elle n'est précisément pour nous ce qu'elle doit être, que lorsque nous l'avons acquise à force de peines , de combats et de sacrifices. Alors , loin d'y voir un caractère de faiblesse , on y reconnaît le plus su- blime effort de l'empire que l'homme peut prendre sur lui-même. Telle fut la modération d'un Aris- tide , d'un Camille , d'un Scipion. Diderot. DE MAXIMES. 3o 7 Heureux celui qui peut modérer ses désirs et ses affections -, il n'est alarmé , ni par les mugissemens d'une mer courroucée, ni par le lever ou le coucher des constellations orageuses -, que ses vignes soient maltraitées par la grêle , que ses espérances soient trompées par une moisson infidèle, il n'en est point troublé; que les pluies, la sécheresse, la rigueur des hivers, portent la stérilité dans ses ver- gers , ces sortes de malheurs ne le jettent point dans le désespoir. Horace. La sagesse n'a pas moins besoin de modération que la folie. Montaigne. J'appelle modération tout ce qui n'engendre pas la douleur. Pythagore. La modération des désirs enrichit. Tacite. La modération des personnes heureuses, vient du calme que la bonne fortune donne à leur humeur. La Rochefoucauld, La modération est une crainte de tomber dans l'envie et lé mépris que méritent ceux qui s'enivrent de leur bonheur -, c'est une vaine ostentation de la force de notre esprit. La Rochefoucauld. La modération des hommes dans leur plus haute élévation , est un désir de paraître plus grands que leur fortune. La Rochefoucauld. 3o8 DICTIONNAIRE La modération , et le désintéressement qui en est la suite, sont, dans quelque position qu'on se trouve , les plus sûrs garans de la probité. Weiss. On a fait une vertu de la modération , pour bor- ner l'ambition des grands hommes , et pour con- soler les gens médiocres de leur peu de fortune , ou de leur peu de mérite. La Rochefoucauld. La modération trouve encore à glaner dans le champ du bonheur, lorsque les favoris de la for- tune semblent avoir tout moissonné. M. de Lévis. La modération des grands hommes ne borne que leurs vices. Vauvenargues. La modération des faibles est médiocrité. Vauvenargues . Le faible s'applaudit lui-même de sa modération , qui n'est que paresse et vanité. Vauvenargues. La modération est l'état d'une âme qui se pos- sède } elle naît d'une espèce de médiocrité dans les désirs et de satisfaction dans les pensées , qui dis- pose aux vertus civiles. L'immodération , au contraire , est une ardeur insatiable et sans délicatesse , qui mène quelquefois à de grands vices. Vauvenargues. DE MAXIMES, 3oc> Rien ne décrie davantage la violence des mé- dians , que la modération des gens de bien. S aint-Ev remont. L'esprit de modération, et une certaine sagesse dans la conduite, laissent les hommes dans l'obscu- rité 5 il leur faut de grandes vertus pour être con- nus et admirés, ou peut-être de grands vices. Fontenelie. Mcfct&\u. La modestie des hommes supérieurs vient de ce que, par l'étendue de leurs lumières dans les sciences et dans les arts qu'ils cultivent, ils voient toujours au-delà du terme où ils atteignent par leurs ou- vrages 3 de sorte qu'ils se trouvent encore inférieurs, quoiqu'ils ne le soient qu'à leur propre génie. Si l'on en voit, dans cet ordre, quelques-uns avanta- geux et jaloux, c'est toujours par un vice de cœur qui les. égare : ils ambitionnent une célébrité exclu- sive, qui les écarte de la vraie gloire. La modestie n'empêche pas un homme supérieur de sentir son mérite. Elle ne consiste pas à l'ignorer , mais à n'en pas avertir les autres -, on le laisse voir sans le mon- trer, à moins qu'on n'y soit forcé par l'injustice ou- verte : alors l'homme supérieur, par un intérêt lé- gitime, par égard , par reconnaissance pour ses approbateurs, par respect pour le public, se fait justice à lui-même , sans chercher à déprimer ses 3io DICTIONNAIRE inférieurs; il se compare, il se juge : c'est ainsi que Corneille, naturellement modeste , si éloigné de l'in- trigue, se vit obligé de se défendre contre les ma- nœuvres d'une cabale puissante , et osa dire avec raison : « Je ne dois qu'à moi seul toute ma renommée. * Duclos. La modestie est le seul éclat qu'il soit permis d'a- jouter à la gloire. Duclos. La modestie est un voile transparent qui attire et fixe les regards. Duclos. m Un fond de modestie rapporte un très - grand fond d'intérêt. Montesquieu. La modestie est au mérite, ce que les ombres sont aux figures dans un tableau ; elle lui donne de la force et du relief. La Bruyère. L'excès de modestie, est un excès d'orgueil. Chénier. La modestie donne du relief à tous les talens ; elle rehausse l'éclat des vertus qu'elle accompagne. Duclos. Le langage de l'homme modeste donne du lustre à la vérité : la timidité de ses assertions absout ses erreurs. Rivarol. Certains hommes, contens d'eux-mêmes, de quel- DE MAXIMES. 3n que action, ou de quelque ouvrage qui ne leur a pas mal réussi, et ayant ouï dire que la modestie sied bien aux grands hommes, osent être modestes, con- trefont les simples et les naturels, semblables à ces gens d'une taille médiocre qui se baissent aux portes de peur de se heurter. La Bruyère. Je ne vois jamais un homme modeste , sans être persuadé que c'est uniquement l'occasion qui lui manque , et qu'il renferme des trésors qui n'ont be- soin que d'une clé pour s'ouvrir ; c'est-à-dire d'un juste encouragement pour paraître avec éclat. Pascal. La fausse modestie est le plus décent de tous les mensonges. Chamfort. Chez les femmes , la modestie a de grands avan- tages ; elle augmente la beauté , et sert de voile à la laideur. Fontenelle. La modestie , ce doute aimable de son mérite , est dans la nature aussi bien que Tamour-propre ; mais l'humilité n'est qu'une pénitence que la reli- gion impose à l'orgueil. M. de Lévis. Parmi les vertus qui doivent attirer la bienveil- lance, la modestie tient un rangéminent. L'homme simple et modeste vit ignoré , jusqu'au moment où des circonstances , qu'il ne prévoyait pas , relèvent 3i2 DICTIONNAIRE ses qualités estimables , ses actions généreuses. On peut le comparer à ces fleurs qui , naissant sur d'humbles tiges , échappent à la vue, et que leur parfum seul fait découvrir. M. Droz. J'ai vu des hommes du plus rare mérite, rallier à la plus touchante modestie; d'autres au plus noble orgueil $ et je n'ai pas moins pu croire à la vertu des uns, qu'à la vertu des autres. La modestie pour- rait donc bien n'être qu'un résultat du caractère , de l'habitude, de l'éducation, assez indifférente dans le fond au mérite réel. Diderot. La modestie, est comme une ombre dans la pein- ture $ elle nuit aux yeux du stupide vulgaire , mais les connaisseurs en tiennent bon compte. Lors- qu'une grande modestie est jointe à un grand mé- rite , celui-ci perce tôt ou tard, et le public lui paie alors, par son enthousiasme, les arrérages de sa reconnaissance. * B. Franklin. La modestie, est une espèce de vernis qui relève les talens naturels. Elle est à la vertu , ce que le voile est à la beauté-, ou, pour me servir d'une autre similitude , elle est au mérite ce que les ombres sont aux figures dans un tableau -, elle lui donne du relief. Quoique son avantage se borne au sujet qui la possède , en contribuant à sa perfection % DE MAXIMES. 3i3 il faut avouer qu'elle est pour les autres un objet digne de leurs applaudissemens. Le Chev r de Jaucourt. La modestie extrême a ses dangers, ainsi que l'orgueil. Voltaire. Mctuvfi. Les mœurs d'un peuple font le principe actif de sa conduite , les lois- n'en sont que le frein 5 celles-ci n'ont donc pas sur lui le même empire que les mœurs. On suit les mœurs de son siècle, on obéit aux lois ; c'est l'autorité qui les fait et qui les abroge. Les mœurs d'une nation lui sont plus sacrées et plus chères que ses lois. Comme elle n'en connaît pas l'auteur, elle les regarde comme son ouvrage , et les prend toujours pour la raison. Duclos. On ne peut réfléchir sur les mœurs , qu'on ne se plaise à se rappeler la simplicité des premiers temps. C'est un beau rivage paré des seules mains de la na- ture, vers lequel on tourne incessamment les yeux , et dont on se sent éloigner à regret. /.-/. Rousseau, La liberté , sans les mœurs , n'est qu'une anarchie. Mirabeau. Aussitôt que les mœurs se perdent, tous les dé- fauts d'un gouvernement paraissent au grand jour. Rulhière. 3i4 DICTIONNAIRE Les lois doivent être faites pour les mœurs, parce que les mœurs ne se font pas par les lois. Toulongeon. Il y a de mauvais exemples qui sont pires que les crimes ; et plus d'États , ont péri , parce qu'on a violé les mœurs , que parce qu'on a violé les lois. Montesquieu. La religion est toujours le meilleur garant qu'on puisse avoir des mœurs des hommes. Montesquieu. Les mœurs , plus que les lois , font et caracté- risent une nation. Duclos. Toute la doctrine des mœurs , tend uniquement à nous rendre heureux. Bossuet. L'homme de bien, et régulier dans ses mœurs, pardonne tout aux autres , comme s'il faisait tous les jours des fautes, et s'abstient d'en faire, comme s'il ne pardonnait rien à personne. Il n'ajoute pas même foi aux discours scandaleux sur la réputation des autres, parce qu'il ne peut leur imputer les vices dont il est incapable. Duclos. Les mœurs sont l'ouvrage des lois, et le bon- heur public l'ouvrage des mœurs. Malesherbes. Les mœurs se gâtent plus facilement quelles ne se redressent. Vauvenargues. DE MAXIMES. 3i5 La science des mœurs ne donne pas celle des hommes. Vauvenargues. Les mœurs sont si corrompues, que le mot même de chasteté' est devenu suranné, et presque ridicule. M. de Lévis. Obéir aux magistrats , respecter les lois , aimer la patrie , n'avoir qu'une ambition honnête , ignorer le luxe et tous les vices qu'il engendre : voilà sans doute ce qui fait les bonnes mœurs. Condillac. L'étude du monde est remplie de difficultés, et il est difficile de savoir quelle place il faut occuper pour le bien connaître. Le philosophe en est trop loin , l'homme du monde en est trop près. L'un voit trop , pour pouvoir réfléchir, l'autre trop peu , pour juger du tableau total. Chaque objet qui frappe le philosophe , il le considère à part , et , n'en pouvant discerner ni les liaisons, ni les rapports avec d'autres objets qui sont hors de sa portée , il ne le voit ja- mais à sa place , et n'en sent ni la raison ni les vrais effets. L'homme du monde voit tout, et n'a le temps de penser à rien. La mobilité des objets ne lui permet que de les apercevoir, et non de les obser- ver : ils s'effacent mutuellement avec rapidité, et il ne lui reste du tout, que des impressions confuses qui ressemblent au chaos. 3i6 DICTIONNAIRE On ne peut pas , non plus, voir et méditer alter- nativement, parce que le spectacle exige une conti- nuité d'attention , qui interrompt la réflexion. Un homme qui voudrait diviser son temps par inter- valles entre le monde et la solitude , toujours agité dans sa retraite et toujours étranger dans le monde, ne serait bien nulle part. Il n'y aurait d'autre moyen que de partager sa vie entière en deux grands es- paces , l'un pour voir, l'autre pour réfléchir : mais cela même est presque impossible-, car la raison n'est pas un meuble qu'on pose et qu'on reprenne à son gré 5 et quiconque a pu vivre dix ans sans penser, ne pensera de sa vie. J.-J. Rousseau. Si nous connaissions le fond et l'intérieur du monde ; si nous pouvions entrer dans le détail se- cret de ses soucis et de ses noires inquiétudes ; si nous pouvions percer cette première écorce qui n'offre aux yeux que joie , que plaisirs , que pompe et magnificence, que nous le trouverions différent de ce qu'il paraît! Le père divisé d'avec l'enfant, l'époux d'avec l'épouse -, le secret des familles ne cache aux yeux du public que des antipathies , des jalousies , des murmures , des dissensions éternelles. Les amitiés y sont troublées par les soupçons , par les intérêts, par les caprices-, les liaisons les plus étroites y sont refroidies par l'inconstance -, les en- gagemens les plus tendres y finissent par la haine et la perfidie ; les fortunes les plus brillantes, y per- DE MAXIMES. 3i 7 dent tout leur agrément , par les assujettissemens qu'elles exigent; les places les plus honorables n'y font sentir que le chagrin de ne pouvoir monter plus haut, chacun s'y plaint de sa destinée ; les plus élevés n'y sont pas les plus heureux, ils montent par leur rang et par leur fortune jusqu'au-dessus des nuées ; on les perd de vue , si haut ils sont placés -, ils paraissent au-dessus du reste des hommes par les hommages qu'on leur rend, par l'éclat qui les environne , par les grâces qu'ils distribuent , par les adulations éternelles dont la prospérité et la puissance sont toujours accompagnées, et par la satiété même des plaisirs, et par la bizarrerie de leurs désirs, et par l'amertume de leurs jalousies , et par la bassesse qu'ils emploient pour plaire au maître, et parles dégoûts qu'ils en essuient; ils sont plus bas que le peuple, et plus malheureux que lui. M as sillon. Le monde est un vaisseau pompeux , flottant sur une mer dangereuse : on le regarde avec plaisir 5 mais on ne l'aborde pas sans péril. Young. Quand on veut plaire dans le monde, il faut se résoudre à se laisser apprendre beaucoup de choses qu'on sait, par des gens qui les ignorent. Chamfort. Sachez précisément ce que vous pouvez attendre des hommes en général , et de chacun d'eux en par- 3i6 DICTIONNAIRE ticulier , et jetez-vous ensuite dans le commerce du monde. La Bruyère. Celui qui fuit le monde en disant qu'il ne lui con- vient pas, d'ordinaire est peu Tait pour le monde. Malesherbes. Le monde est une servitude éternelle , où nul ne vit pour soi , et où , pour vivre heureux , il faut pouvoir baiser ses fers , et aimer son esclavage. M as sillon. Le monde est avare et réservé dans ses dons -, il n'accorde que ce qu'il ne peut refuser. Young. Le monde et la société ressemblent à une biblio- thèque où , au premier coup d'œil , tout paraît en règle, parce que les livres y sont placés suivant le format et la grandeur des volumes \ mais où, dans le fond , tout est en désordre , parce que rien n'y est rangé suivant l'ordre des sciences , des matières, ni des auteurs. Chamfort. Les gens les plus aimables dans le monde , sont ceux qui choquent le moins l'amour-propre des au- tres. La Bruyère. Le monde physique paraît l'ouvrage d'un être puissant et bon , qui a été obligé d'abandonner à un être malfaisant l'exécution d'une partie de son plan; mais le monde moral paraît être le produit des ca- prices d'un diable devenu fou. Chamfort. DE MAXIMES. 3i 9 Pour être heureux en vivant dans le monde, il y a des côtés de son âme qu'il faut paralyser. Chamfort. Morale. En morale , il est plus aisé de donner le mou- vement , que de le régler. Malesherbes. La morale élève un tribunal plus haut et plus re- doutable que celui des lois. Elle veut, non-seule- ment que nous évitions le mal , mais que nous fas- sions le bien : non-seulement que nous paraissions vertueux , mais que nous le soyons -, car elle ne se fonde pas sur l'estime publique, qu'on peut sur- prendre, mais sur notre propre estime, qui ne nous trompe jamais. Rivarol. Un cœur parfaitement droit, n'admet pas plus d'accommodemens en morale, qu'une oreille juste n'en admet en musique. M. de Lévis. Ce qui fait que la plupart des livres de morale sont si insipides, et que leurs auteurs ne sont pas sincères , c'est que, faibles échos les uns des autres, ils n'oseraient produire leurs propres maximes et leurs secrets sentimens. Ainsi, non-seulement dans la morale , mais en quelque sujet que ce puisse être , 32o DICTIONNAIRE presque tous les hommes passent leur vie à dire et à écrire ce qu'ils ne pensent point -, et ceux qui con- servent encore quelque amour de la vérité , excitent contre eux la colère et les préventions du public. Vauvenargues. Quelques auteurs traitent la morale comme on traite aujourd'hui la nouvelle architecture, où l'on cherche , avant toutes choses , la commodité. % Vauvenargues. Nos erreurs et nos divisions, dans la morale, viennent quelquefois , de ce que nous considérons les hommes, comme s'ils pouvaient être tout-à-fait vicieux, ou tout-à-fait bons. Vauvenargues. La morale n'est propre qu'à former méthodique- ment une bonne conscience. Les vrais honnêtes gens n'ont que faire de ses leçons \ ils connaissent le bien par la seule justesse de leur goût, et s'y portent de leur propre mouvement. Saint-Évremont. Morale , est un mot qu'on a trop souvent employé pour propager des principes exagérés et faux. A ce mot usé, et d'un sens équivoque, on devrait substi- tuer une dénomination qui montrât nettement le but vers lequel il faut se diriger. La morale est l'art d'être heureux \ ou la morale n'est qu'une science de convention, tantôt inutile , et tantôt dangereuse. M. Droz. DE MAXIMES. 3ai Moxt Être ou ne pas être , c'est là la question... S'il est plus noble à l'âme de souffrir les traits poignans de l'injuste fortune, ou, se révoltant contre cette mul- titude de maux, de s'opposer au torrent et les finir? Mourir... dormir... rien déplus; et par le som- meil dire : nous mettons un terme aux angoisses du cœur et à cette foule de plaies et de douleurs , l'héri- tage naturel de cette masse de chair... Ce point, où tout est consommé, devrait être désiré avec ferveur. — Mourir.... dormir. — Dormir? rêver peut-être: oui, voilà le grand obstacle-, car de savoir quels songes peuvent survenir dans ce sommeil de la mort , après que nous nous sommes dépouillés de cette en- veloppe mortelle, c'est de quoi nous faire faire une pause. Voilà l'idée que donne une si longue vie à la ca- lamité. Car quel homme voudrait supporter les traits et les injures du temps, les injustices de l'oppresseur, les outrages de l'orgueilleux , les tortures de l'amour méprisé, les longs délais de la loi, l'insolence des gens en place , et les avilissans rebuts que le mérite patient essuie de l'homme sans âme , lorsqu'avec un poinçon il pourrait lui-même se procurer le repos? Qui voudrait porter tous ces fardeaux , et suer et gé- mir sous le poids d'une laborieuse vie , si ce n'est 322 DICTIONNAIRE la crainte de quelque avenir après la mort Cette contrée ignorée dont nul voyageur ne revient, plonge la volonté dans une affreuse perplexité, et nous fait préférer de supporjter les maux que nous sentons, plutôt que de fuir vers d'autres maux, que nous ne connaissons pas. Ainsi , la conscience fait de nous tous des poltrons -, ainsi , tout le feu de la réso- lution la plus déterminée , se décolore devant la pâle lueur de cette pensée. ShakspeCire , monologue d'Hamlet. Nul n'est heureux avant la mort. Sénèque. Si la mort était la fin de tout, ce serait un grand avantage pour les médians. Socrate. Le perpétuel ouvrage de la vie , c'est de bâtir la mort. Montaigne» Peu de gens connaissent la mort : on ne la souffre pas ordinairement par résolution , mais par stupi- dité et par coutume ; et la plupart des hommes meu- rent , parce qu'on ne peut s'empêcher de mourir. La Rochefoucauld. Le soleil ni la mort ne se peuvent regarder fixement. La Rochefoucauld. 11 faut ôter à la mort son estrangeté , et la do- mestiquer à force d'y penser. Montaigne. DE MAXIMES. 3*3 Si la vie est un bien, la mort est son fruit} si la vie est un mal , la mort est son terme. C Le de Ségur. Par un sentiment que je ne puis définir, mon âme, prenant l'essor vers la postérité, semble n'en- visager dans la mort que le commencement de la vie. S'il était faux que nos âmes fussent immor- telles, les plus belles et les plus grandes ne ten- draient pas à l'immortalité. Cicéron. La mort donne les plus grandes leçons pour désabuser de tout ce que le monde croit merveil- leux. Fénélon. La plus vive jeunesse, le plus robuste tempé- rament , ne sont que des ressources trompeuses. Elles servent moins à éloigner de nous la mort, qu'à rendre sa surprise plus imprévue et plus fu- neste. Fénélon. La pensée de la mort nous trompe -, car elle nous fait oublier de vivre. Vauvenargues. La mort est plus aisée à supporter sans y penser, que la pensée de la mort sans péril. Pascal. C'est diminuer la crainte de la mort, que de ra- baisser le prix de la vie. Young. La mort n'arrive qu'une fois , et se fait sentir à 324 DICTIONNAIRE tous les momens de la vie-, il est plus dur de l'appréhender , que de la souffrir. La Bruyère. Les peines de la vie doivent nous consoler de la mort. Socrate. La mort n'est terrible que pour le crime : c'est de lui qu'elle emprunte son masque effrayant, c'est lui qui aiguise le tranchant dé son glaive. Young. Une longue maladie semble être placée entre la vie et la mort, afin que la mort même devienne un soulagement et à ceux qui meurent et à ceux qui restent. La Bruyère. La mort qui prévient la caducité , arrive plus à propos que celle qui la termine. La Bruyère. La mort, ce moment fatal qui désespère les autres hommes , parce qu'il est le terme de leurs plaisirs et le commencement de leurs douleurs, n'est pour l'homme vertueux qu'un passage à une vie plus heureuse. L'abbé Yvon. Les hommes craignent la mort comme les enfans craignent l'obscurité : c'est une faiblesse de la craindre , si on la regarde seulement comme le tribut dû à la nature 5 l'appareil de la mort effraie plus que la mort même. Bacon. DE MAXIMES. 3v>5 Il est d'un homme sage de n'être ni léger , ni emporté , ni fier et dédaigneux sur la mort , mais de l'attendre comme une des fonctions de la na- turc. Attends donc le moment où ton âme éclora de son enveloppe , comme tu attends que l'enfant dont ta femme est enceinte vienne au monde. Marc-Aurèle. La mort , comme la naissance , est un mystère de la nature. L'une est le mélange et l'union , et l'autre la dissolution et la séparation des mêmes principes. Marc-Aurèle. La vie des morts consiste dans le souvenir des vivans. Cicéron. Un effet des calomnies que l'on débite contre la mort, c'est que, par lâcheté, bien des gens meu- rent pour ne pas mourir. Plutarque. Aucun de ceux qui disent du mal de la mort n'en a fait l'épreuve. Sénèque. Invoquer la mort, c'est mentir. Sénèque. Que la mort, l'exil , et tout ce qui effraie le plus les hommes, soient sans cesse devant tes yeux ; mais surtout la mort. Par ce moyen, tu n'auras aucune pensée basse et lâche, et tu ne désireras rien avec trop d'ardeur. Épictète. 3 2 6 DICTIONNAIRE Apprends à bien vivre, tu sauras bien mourir. Confucius. La nécessité de mourir n'est , à l'homme sage , qu'une raison pour supporter les peines de la vie. Si l'on n'était pas sûr de la perdre une fois, elle coûterait trop à conserver. J.-J. Rousseau. Si nous étions immortels , nous serions des êtres bien misérables. Il est dur de mourir -, mais il est doux d'espérer qu'on ne vivra pas toujours, et qu'une meilleure vie finira les peines de celle-ci. J.-J. Rousseau. Les hommes ne sont-ils pas assez mortels, sans se donner encore les uns aux autres une mort préci- pitée? La vie est si courte ! et il semble qu'elle leur paraisse trop longue. Fénélon. On vit , en général , comme si l'on devait toujours vivre. Fénélon. Qui ne craint point la mort, est au-dessus de tout. Fénélon. La mort est un bienfait pour celui qu'elle déli- vre des maux de la vie. Publius Sjrus. Qui désire la mort laisse une tache à sa vie. Publius Sjrus. A l'heure de la mort, c*est une ressource bien consolante que le souvenir d'une belle vie. En quel- DE MAXIMES. 827 que temps que meure an homme qui a tait tout le bien qu'il a pu, il n'a point à se plaindre de n'a- voir pas assez véeu. Cicéron. L'homme faible craint la mort, le malheureux l'appelle, le brave la provoque, et le sage l'attend. Celle à laquelle on se dévoue pour la patrie n'est jamais prématurée, à quelque âge que Ton meure. B. Franklin. Le matin, pensez que vous n'atteindrez pas le soir; le soir, n'osez pas vous promettre de voir le lendemain matin. Soyez donc toujours prêt, et vi- vez de telle sorte, que la mort ne vous surprenne jamais. Imitation de J.-C. Puisque la vie a pour but la mort , apprendre à vivre n'est qu'apprendre à mourir. B on Massias. Notre plus grand bien, c'est le sommeil : nous l'invoquons souvent, et nous craignons la mort qui n'est rien de plus. Shakspeare. Connaître le moment de sa mort, c'est mourir à chaque instant. Publius Sjrus. La mort ne surprend point le sage, Il est toujours prêt à partir. La Fontaine. 328 DICTIONNAIRE p»^.S».^»^».^»^«^»^^«&»>»Î3.&.^»0^^^<^^«^^^<^^«^^^^^ ttibli***. Il y a peu d'hommes assez sages pour regarder la noblesse comme un avantage, et non pas comme un mérite; pour se borner à en jouir, sans en tirer vanité. Duclos. Le seul avantage de la noblesse, c'est de ne pas manquer d'exemples dans sa maison, et d'être dans la nécessité de les imiter, dans la crainte de ne pas être reconnu pour légitime héritier. Pétrarque. La noblesse qui flatte Y -<*ueil des hommes n'est rien 5 c'est le mérite de vos ancêtres, qui n'est point le vôtre : c'est se parer des biens d'autrui , que de vouloir être estimé par là. De plus , ce n'est pres- que jamais qu'un vieux nom oublié dans le monde, et avili par beaucoup de gens sans mérite, qui n'ont pu le soutenir. La noblesse n'est souvent qu'une pauvreté vaine , ignorante , oisive , grossière , qui se pique de mépriser tout ce qui lui manque. Fénélon. Si la distinction de la naissance n*est point une chimère , si elle a quelque chose de réel , c'est lors- que les ancêtres ont été vertueux : car la succession des dignités n'est rien , si on la compare à celle du mérite. Thomas. DE MAXIMES. 32g S'il y a du faux dans l'origine des grandes no- blesses, du moins il y a une sorte de fabuleux qui n'appartient qu'à elles, et qui devient lui-même un titre. Fontenelle. Les grands noms abaissent , au lieu d'élever ceux qui ne les savent pas soutenir. La Rochefoucauld. C'est un grand avantage que la qualité, qui, dès dix-huit ou vingt ans , met un homme en passe , connu et respecté, comme un autre pourrait avoir mérité à cinquante ans : ce sont trente ans gagnés sans peine. Pascal. Noblesse oblige. M. de Lévis. La grande naissance est un présent de la fortune, qui ne devrait attirer aucune estime à ceux qui le reçoivent, puisqu'il ne leur coûte ni étude ni tra- vaux. Loin d'être le prix du mérite, elle est sou- vent un obstacle à en acquérir. Si la gloire de nos ancêtres illustra notre naissance, la gloire de nos actions doit illustrer notre vie. La Bruyère. On peut se glorifier d'avoir pris un bon billet à la loterie, avec autant de raison que de sa naissance. S'il est heureux d'avoir de la naissance, il ne l'est pas moins d'être tel, qu'on ne s'informe pas si vous en avez. La Bruyère. 33o DICTIONNAIRE La noblesse est un héritage, comme l'or et les diamans. Ceux qui regrettent que la considération des grands emplois et des services passe au sang des hommes illustres , accordent davantage aux hommes riches ; puisqu'ils ne contestent pas à leurs neveux la possession de leur fortune bien ou mal acquise. Mais le peuple en juge autrement -, car au lieu que la fortune des gens riches se détruit par la dissipation de leurs enfans , la considération de la noblesse se conserve après que la mollesse en a souillé la source. Sage institution qui, pendant que le prix de l'intérêt se consume et s'appauvrit , rend la récompense de la vertu éternelle et ineffaçable ! Qu'on ne nous dise donc plus que la mémoire d'un mérite doit céder à des vertus vivantes. Qui mettra le prix au mérite ? C'est sans doute à cause de cette difficulté que les grands, qui ont de la hauteur, ne se fondent que sur leur naissance, quelque opinion qu'ils aient de leur génie. Tout cela est très -raisonnable, si l'on excepte , de la loi commune, de certains talens qui sont trop au- dessus des règles. Vauvenargues. La noblesse est un monument de la vertu, im- mortelle comme la gloire. Vauvenargues. C'est en vain qu'on tire sa noblesse de l'ancien- neté du nom qu'on porte 5 tous les hommes raison- nables sont de la race des dieux. Sénèque. DE MAXIMES. 33 1 Pourquoi les gens de bien témoignent-ils du res- pect à la noblesse? C'est pour avertir les hommes d'une naissance illustre de ne pas se montrer indi- gnes de leurs ancêtres-, c'est aussi, parce que nou£ révérons encore après leur mort la mémoire des grands hommes qui ont bien servi l'Etat. Cicéron. La noblesse politique des États libres est une amé- lioration importante de l'ordre social : récompense des services publics , elle est accessible à tous -, elle détruit cette fatale infériorité de rang qui produit l'envie dans les âmes communes , et le désespoir dans les âmes généreuses : mal singulier que l'opi- nion fait, et qu'elle ne saurait changer. Si la noblesse politique a peu de droits , de titres , et point de pri- vilèges 5 dans sa simplicité, elle n'est pas moins * puissante : arbitre indépendante et suprême , elle juge et punit les attentats contre le trône et la pa- trie ; elle s'unit au monarque dans le travail des lois 5 et sa dignité , comme celle de la plupart des corps et des ordres , n'est point oisive et vaine. M. Valéry. La noblesse n'a soigné que le moral de son insti- tution , et en a abandonné au caprice des hommes et au hasard des événemens , le matériel ; fortune , races , alliances , etc. : c'est ce qui l'a perdue. M . de Bonald. Les titres honorifiques accordés à la noblesse, de- puis qu'ils ne sont plus, comme au temps des grands 332 DICTIONNAIRE fiefs, des titres de souveraineté, ont commencé sa ruine , et les décorations Font achevée. M. de Bonald. . La noblesse peut être considérée comme une condition de l'homme, ou comme une portion de l'état politique. Une monarchie sans noblesse, est une véritable tyrannie. La noblesse tempère le pou- voir du monarque , et par sa propre splendeur, ac- coutume les yeux du peuple à fixer et à soutenir l'éclat de la royauté , sans en être effrayé. Bacon. Une nouvelle noblesse, est comme une monnaie dont l'empreinte est toute fraîche, et qui commence à être mise en circulation. Shakspeare. Il vaut mieux déroger à la noblesse qu'à la vertu. J.-J. Rousseau. Il n'y a point de noblesse où manque la vertu. Crébillon. La vertu est la vraie noblesse de l'homme de bien. Saint Ambroise. La noblesse et la vertu étant la même chose , il n'y a pas d'autre noblesse que la vertu. Antisthène. Il est plus honorable d'être noble par soi-même, que par autrui. Fléchier. Quel heureux préjugé que celui de la noblesse , lorsqu'il force à vivre noblement ! Mirabeau. DE MAXIMES. 333 Si la noblesse est fille de la vertu, trop souvent elle a tué sa mère. foltaire. Une noblesse instruite et vertueuse fait la gloire d'un État. 334 DICTIONNAIRE / po^^>^^^^^^$iw>,^^j^o<^<^«^^.€^<^ ^*g«3«^ ^«e?*S«3 (Dwuœtë. L'oisiveté est comme la rouille, elle use beau- coup plus que le travail : la clef dont on se sert est toujours claire. B. Franklin. L'oisiveté nous lasse plus promptement que le travail, et nous rend à l'action, détrompés du néant de ses promesses. Vauvenargues . Une erreur bien grossière, c'est de croire que l'oi- siveté puisse rendre les hommes plus heureux. Il n'y a qu'une vie laborieuse qui puisse amortir les passions, dont le joug est si rigoureux 5 c'est elle qui retient sous les cabanes le sommeil fugitif des riches palais. Vauvenargues. La noblesse et l'oisiveté , corrompent les plus beaux naturels. Fénélon. 11 ne manque à l'oisiveté du sage qu'un meilleur nom-, c'est que méditer, parler, lire, et être tran- quille, s'appelât travailler. La Bruyère. L'oisiveté est la rouille de l'âme. M. de Lévis. DE MAXIMES. 335 L'amour cause une oisiveté inquiète. Publius Sjrus. L'oisiveté est la mère de tous les vices. Proverbe. Si l'indolente oisiveté n'engendre que la paresse et l'ennui , le charme des doux loisirs est le fruit d'une vie laborieuse. J.-J. Rousseau. Dieu n'a pas établi les rois seulement pour rece- voir, comme des idoles, les écus et les vœux de leurs sujets dans une oisiveté superbe. Fléchicr. L'oisiveté est également funeste aux hommes et aux empires-, et multiplier dans un État les genres d'occupations , c'est s'assurer du bonheur , des ri- chesses et de la tranquillité des sujets. Chev er de Jaucourt. Il y a des créatures de Dieu qu'on appelle des hommes , dont toute la vie est occupée , et toute l'attention réunie à scier du marbre ; c'est très-peu de chose. 11 y en a beaucoup d'autres qui s'en éton- nent, mais qui sont entièrement inutiles , et qui pas- sent les jours à ne rien faire ; c'est bien moins que de scier du marbre. La Bruyère. L'oisiveté est aussi fatigante que le repos est doux. M. de Lévis. L'oisiveté qui, en physique, ne présente que l'idée 336 DICTIONNAIRE du repos , est un volcan furieux dans l'ordre politi- que. M. Lemontej. (Dpitttmt. Un des bienfaits de la nature, est d'avoir placé une grande partie de notre bonheur dans l'opinion d'au- trui. Cela établit une dépendance mutuelle, qui porte à se complaire réciproquement , et donne aux autres une espèce de pouvoir de punir et récompen- ser nos actions, par leurs louanges, ou leur blâme. TVeiss. C'est plus souvent par orgueil que par défaut de lumières , qu'on s'oppose avec opiniâtreté aux opi- nions les plus suivies ♦, on trouve les premières places prises dans le bon parti , et l'on ne veut pas des der- nières. La Rochefoucauld. On ne doit combattre l'opinion que par le raison- nement 5 on ne tire point de coups de fusil aux idées. Rivarol. Le choc des opinions contraires fait jaillir l'étin- celle de la vérité. Young. L'opinion est la reine du monde, parce que la sottise est la reine des sots. Chamfort. Il y a des siècles où l'opinion publique est la plus mauvaise des opinions. Chamfort. DE MAXIMES. 33 7 Il faut être plus lcut à condamner l'opinion d'un grand homme , que celle d'un peuple entier. Helvétius. Est-il vrai que rien ne suffise à l'opinion, et que peu de chose suffise à la nature ? Mais l'amour des plaisirs , mais la soif de la gloire, mais l'avidité des richesses, en un mot toutes les passions, ne sont-elles pas insatiables? Qui donne l'essor à nos projets? Qui borne ou étend nos opinions , sinon la nature ? N'est-ce pas encore la nature qui nous pousse même à sortir de la nature , comme le raisonnement nous écarte quelquefois de la raison , ou comme l'impétuo- sité d'une rivière rompt ses digues et la fait sortir de son lit ? J^auvenargues. Les maux de la nature ne sont que les maux du corps , et les maux de l'opinion ne sont que les maux de l'esprit. S aint-Év remont. Deux sortes de maux de l'opinion, nous exposent aux maux de la nature. L'une est la perte des per- sonnes chères , l'autre est la perte des biens. Le der- nier de ces maux nous expose à la pauvreté , mais le premier nous expose à tous les maux de la na- ture -, c'est pourquoi nous lui pouvons donner le premier rang entre les maux de l'opinion. Saint-Évremont. 11 y a des opinions et des passions de jeunes gens , des opinions et des passions de personnes plus avancées en âge , des opinions et des passions de 22 338 DICTIONNAIRE vieillards. On passe d'opinions en opinions, comme on passe d'âge en Age. Ainsi la plupart des hommes n'arrivent jamais à vivre selon la vérité. S'ils l'en- trevoient de loin , elle a trop peu de force sur leur esprit pour les redresser, parce qu'elle les trouve liés à des opinions qui leur sont devenues comme na- turelles , et qui forment en eux des impressions qui les dominent. Nicole. Le sceptre de l'opinion n'est jamais tout entier dans les mêmes mains ; les plus beaux génies , aux époques les plus différentes, tentent vainement de le porter seuls; ils trouvent toujours des rivaux d'une égale puissance pour le disputer : l'esprit hu- main , malgré son orgileil , n'a point encore régné d'une manière absolue. M. Valéry. L'opinion fait les braves , la nature fait les intré- pides. iV. Bonaparte. Les malheureux ont mauvaise opinion de leur fortune. Marivaux. Nos opinions ne sont pas en notre pouvoir. B. Franklin. L'opinion qui rencontre le moins d'obstacles, est l'opinion des baïonnettes. M. Bignon. Le faible craint l'opinion , le fort la brave , le sot en est esclave. *** DE MAXIMES. 33 M. Ancillon. |fo**i• DE MAXIMES. 355 L'homme heureux n'a jamais de patience dans l'infortune. Publlus Sjrus. La patience obtient quelquefois des hommes, ce qu'ils n'ont jamais eu l'intention d'accorder. L'oc- casion peut même obliger les plus trompeurs à ef- fectuer de fausses promesses. I^auvenargues. Il n'y a point de chemin trop long à qui marche lentement et sans se presser : il n'y a point d'avan- tages trop éloignés à qui s'y prépare par la patience. La Bruyère. La patience est pour l'âme comme un trésor caché. Publius Sjrus. La patience est amère, mais son fruit est doux. /.-/. Rousseau. La patience doit être l'une des premières vertus des juges. Cicéron. La patience est une vertu qui nous fait supporter un mal qu'on ne saurait empêcher. Or, on peut ré- duire à quatre classes les maux dont notre vie est traversée: i° Les maux naturels, c'est-à-dire ceux auxquels notre qualité d'hommes et d'animaux pé- rissables nous assujettit. 2 Ceux dont une conduite vertueuse et sage nous aurait garantis , mais qui sont des suites inséparables de l'imprudence , ou du vice-, on les appelle châtimens. 3° Ceux par lesquels la constance de l'homme de bien est exercée 5 telles 356 DICTIONNAIRE sont les persécutions qu'il éprouve de la part des médians. 4° Joignez enfin les contradictions que nous avons sans cesse à essuyer , par la diversité de sen- timens, de mœurs et de caractères, des hommes avec qui nous vivons. A tous ces maux, la patience est non-seulement nécessaire , mais utile : elle est né- cessaire, parce que la loi naturelle nous en fait un devoir, et que murmurer des événemens, c'est ou- trager la Providence 5 elle est utile , parce qu'elle rend les souffrances plus légères, moins dangereuses et plus courtes. Diderot. La patience épure le sang et calme l'esprit. Rulhière. La patience est le courage de la vertu. L'abbé de Saint-Pierre. On prend souvent l'indolence pour la patience. Le card al de Retz. |totrk. La patrie est une terre que tous les habitans sont intéressés à conserver, que personne ne veut quitter, parce qu'on n'abandonne pas son bonheur, et où les étrangers cherchent un asile. C'est une nourrice qui donne son lait avec autant de plaisir qu'on le reçoit. C'est une mère qui chérit tous ses enfans, qui ne les distingue qu'autant qu'ils se distinguent eux-mêmes-, qui veut bien qu'il y ait de l'opulence DE MAXIMES. 35 7 et de la médiocrité , mais point de pauvres ; des grands et des petits, mais personne d'opprimé-, qui, même dans ce partage inégal , conserve une sorte d'égalité, en ouvrant à tous le chemin des premières places; qui ne souffre aucun mal dans sa famille que ceux qu'elle ne peut empêcher , la maladie et la mort; qui croirait n'avoir rien fait en donnant l'être à ses enfans , si elle n'y ajoutait le bien-être. C'est une puissance aussi ancienne que la société, fondée sur la nature et l'ordre; une puissance supé- rieure à toutes les puissances qu'elle établit dans son sein, archontes, sufîetes, éphores, consuls ou rois ; une puissance qui soumet à ses lois ceux qui commandent en son nom , comme ceux qui obéis- sent. C'est une divinité qui n'accepte des offrandes que pour les répandre , qui demande plus d'atta- chement que de crainte , qui sourit en faisant du bien, et qui soupire en lançant la foudre. Telle est la patrie. L'amour qu'on lui porte con- duit à la bonté des mœurs , et la bonté des mœurs conduit à l'amour de la patrie -, cet amour est l'a- mour des lois et du bonheur de l'État , amour sin- gulièrement affecté aux démocraties : c'est une vertu politique , par laquelle on renonce à soi-même , en préférant l'intérêt public au sien propre ; c'est un sentiment, et non une suite de connaissances ; le dernier homme de l'Etat peut avoir ce sentiment, comme le chef de la république. Le chev cr de Jaucourt* 358 DICTIONNAIRE Il est si naturel à l'homme de s'attacher à sa pa- trie, d'affectionner le lien de sa naissance, l'air même de son pays , les alimens , les mœurs et les usages de ses proches -, qu'on ne peut s'en détacher qu'à force de mauvais traitemens, d'injustices et d'indi- gnités. B. Franklin. La patrie est plus digne de respect et de vénéra- tion qu'un père , qu'une mère , et que tous les pa- rens ensemble -, puisqu'elle embrasse tout ce que la nature a de plus cher et de plus sacré. Socrate. Le mot de patrie est à peu près illusoire dans un pays comme l'Europe, où il est égal au bonheur d'appartenir à un maître ou à un autre. Montesquieu. Dans les révolutions et les guerres civiles, on se trouve exilé dans sa propre patrie. y N. Bonaparte. jf Chacun se fait une patrie de son parti \ il se croit un héros en lui sacrifiant la véritable patrie. Montesquieu^ 11 n'est point de patrie sous le joug du despotisme. Rajnal. On agit contre la nature , toutes les fois que l'on combat contre sa patrie. Fénélon. Il n'y a jamais d'excuse pour ceux qui s'élèvent contre leur patrie. On peut se retirer , céder à Tin- DE MAXIMES. 359 justice, attendre des temps moins rigoureux; mais c'est une impiété que de prendre les armes contre la mère qui nous a fait naître. Fénélon. L'amour de la patrie est commun à tons les hom- mes-, et le pays natal, quel qu'il soit, est toujours celui qu'on préfère à tous les autres. Non-seulement cet amour est naturel , mais encore il est si puissant , qu'il n'y a rien qu'on ne fasse lorsqu'il commande. A quoi n'a-t-il pas porté les Grecs et les Romains? Montesquieu. L'amour de la patrie est un composé d'amour- propre et de préjugés , dont le bien de la société fait la plus grande des vertus. Voltaire, Les plus grands prodiges de vertu ont été pro- duits par l'amour de la patrie : ce sentiment doux et vif, qui joint la force de l'amour-propre à toute la beauté delà vertu , lui donne une énergie qui, sans la défigurer, en fait la plus héroïque de toutes les passions. /.-/. Rousseau. On n'aime point sa patrie comme grande, mais comme patrie. Sénèque. Phédon a les yeux creux, le teint échauffé, le corps sec , et le visage maigre : il dort peu , et d'un 36o DICTIONNAIRE sommeil fort léger ; il est abstrait , rêveur, et il a , avec de l'esprit, l'air d'un stupide ; il oublie de dire ce qu'il sait, ou de parler d'événemens qui lui sont connus -, et s'il le fait quelquefois , il s'en tire mal. Il croit peser à ceux à qui il parle -, il conte briève- ment, mais froidement; il ne se fait pas écouter, il ne fait point rire ; il applaudit, il sourit à ce que les autres lui disent , il est de leur avis ; il court , il vole pour leur rendre de petits services -, il est complai- sant , flatteur , empressé -, il est mystérieux sur ses affaires , quelquefois menteur ; il est superstitieux , scrupuleux, timide-, il marche doucement et légè- rement ; il semble craindre de fouler la terre ; il marche les yeux baissés , et il n'ose les lever sur ceux qui passent-, il n'est jamais du nombre de ceux qui forment un cercle pour discourir ; il se met derrière celui qui parle, recueille furtivement ce qui se dit, et il se retire si on le regarde. Il n'occupe point de lieu, il ne tient point place -, il va les épaules serrées, le chapeau abaissé sur ses yeux pour n'être point vu *, il se replie et se renferme dans son manteau 5 il n'y a point de rues ni de galeries si embarrassées , et si remplies de monde, où il ne trouve moyen de passer sans effort, et de se couler sans être aperçu. Si on le prie de s'asseoir, il se met à peine sur le bord d'un siège -, il parle bas dans la conversation , et il articule mal-, libre néanmoins sur les affaires publiques , chagrin contre le siècle , médiocrement prévenu des ministres et du ministère , il n'ouvre la DE MAXIMES. 36i bouche que pour répondre ; il tousse , il se mouche sous son chapeau -, il crache presque sur soi , et il attend qu'il soi seul pour éternuer, ou , si cela lui arrive, c'est à l'insu de la compagnie ; il n'en coûte à personne ni salut ni compliment : il est pauvre. La Bruyère. Si la pauvreté est la mère des crimes , le défaut d'esprit en est le père. La Bruyère. La pauvreté est un fardeau, qui nous fait traîner péniblement, où d'autres volent , et louvoyer, où ils voguent de pleines voiles. Weiss. La pauvreté n'a rien de plus fâcheux, que de rendre les hommes ridicules. Juvénal. Il est bien difficile de ne pas haïr la pauvreté , mais on peut être riche sans être orgueilleux. / Confucius. 11 ne dépend pas de nous de n'être pas pauvre -, mais il dépend toujours de nous de faire respecter notre pauvreté. Voltaire. La pauvreté, contre laquelle nous sommes si pré- venus , n'est pas telle que nous pensons : elle rend les hommes plus tempérans, plus laborieux, plus modestes ; elle les maintient dans l'innocence , sans laquelle il n'y a ni repos, ni bonheur réel sur la terre. V auvenargues . 362 DICTIONNAIRE Celui qui ne désire, ne demande, ne craint rien, est sans doute le plus libre des hommes ; et cette indépendance absolue ne peut trouver d'asile que dans la pauvreté : mais un tel homme est l'œuvre des philosophes , ou plutôt leur chimère ; ce n'est pas là l'homme de la nature. Diderot. La pauvreté rend vicieux bien des gens qui n'ont pas la fermeté de la supporter avec patience : outre cela , elle prive l'homme des moyens de réussir dans les choses auxquelles la nature l'a rendu propre : elle obscurcit encore les vertus les plus éclatantes : elle étouffe, dans leur naissance, les plus belles pen- sées , et couvre de mépris le sentiment de l'âme la plus belle. Oxenstiern. La pauvreté est le plus grand des maux qui soient sortis de la boîte de Pandore, et l'on hait autant l'haleine d'un homme qui n'a rien, que celle d'un pestiféré. Saint- Évremont. Il y a une manière noble d'être pauvre ; et qui ne la connaît pas , ne saurait pas être riche. Sénèque. une que de savoir la supporter noblement. Lévesque. S'accommoder avec la pauvreté , c'est être riche : DE MAXIMES. 363 Ton est pauvre , non pour avoir peu , mais pour dé- sirer beaucoup. Sénèque. La pauvreté devrait être le plus faible des maux, puisqu'elle peut être, à l'instant, soulagée par un ami. Ménandre. Préfère la pauvreté dans le sein de la justice , à l'abondance que produit l'iniquité. Théognis. La pauvreté la plus pénible , est celle où nous réduit notre imagination. Saint- Lambert. Partout, la pauvreté sert à peu de frais la richesse. Voltaire. S'il est vrai que l'on soit pauvre par toutes les choses que l'on désire , l'ambitieux et l'avare lan- guissent dans une extrême pauvreté. La Bruyère. La première qualité logique essentielle de la pen- sée, c'est qu'elle soit vraie, c'est-à-dire, qu'elle re- présente la chose telle qu'elle est. A cette première qualité tient la justesse. Une pensée parfaitement vraie , est juste. Cependant , l'usage met quelque dif- férence entre la vérité et la justesse de la pensée : la vérité , signifie plus précisément la conformité de 364 DICTIONNAIRE la pensée avec l'objet ; la justesse marque plus ex- pressément l'étendue. La pensée est donc vraie, quand elle représente l'objet } et elle est juste, quand elle n'a ni plus ni moins d'étendue que lui. La seconde qualité est la clarté. Peut-être même est-ce la première; car une pensée qui n'est pas claire , n'est pas proprement une pensée. La clarté consiste dans la vue nette et distincte de l'objet qu'on se représente , et qu'on voit sans nuage , sans obscurité : c'est ce qui rend la pensée nette. On le voit séparé de tous les autres objets qui l'environ- nent : c'est ce qui la rend distincte. La première chose qu'on doit faire ,. quand il s'a- git de rendre une pensée , est donc de la bien re- connaître, de la démêler d'avec tout ce qui n'est point elle , d'en saisir les contours et les parties. C'est à quoi se réduisent les qualités logiques des pensées \ mais, pour plaire, ce n'est pas assez d'ê- tre sans défaut, il faut avoir des grâces, et c'est le goût qui les donne. Ainsi, tout ce que les pensées peuvent avoir d'agrément dans un discours , vient de leur choix et de leur arrangement. Toutes les règles de l'élocution se réduisent à deux points, choisir et arranger. Le chev er de Jaucourt. 11 nous est impossible d'apercevoir notre âme, autrement que par la pensée. Buffon. ir a fallu qu'il s'écoulât des siècles pour faire DE MAXIMES. 365 soupçonner que la pensée peut être assujettie à des lois 5 et aujourd'hui, le plus grand nombre pense encore, sans former de pareils soupçons. y Coîidillac. yVne belle pensée perd tout son prix si elle est mal exprimée -, elle vous ennuie, si elle est répétée. Voltaire. La pensée est la première faculté de l'homme , et l'art d'exprimer les pensées, le premier des arts. Condillac. Il est plus facile de concevoir la prolongation in- finie de la pensée , que sa cessation. Rulhière. Dieu connaît les pensées des sages du monde , et sait combien elles sont vaines. De Torcj. La puissance de la pensée ne détruira jamais le fléau de la guerre , parce que la pensée n'éteindra jamais le foyer des passions ; mais d'un autre côté la guerre , et en général l'abus de la force physi- que, n'empêchera pas l'action de la pensée, et ne détruira pas sa puissance. Il en est de la pensée comme de la terre : la guerre peut ravager les mois- sons , et arrêter quelque temps les travaux de la culture-, mais la nature et l'âme conservent leur fécondité, et recommencent toujours à produire. M. Ancillon. Les grandes pensées viennent du cœur. Vauvenargues. 366 DICTIONNAIRE Pour savoir si une pensée est nouvelle , il n'y a qu'à l'exprimer bien simplement. Vauvenargues. Lorsqu'un bon esprit ne voit pas qu'une pensée puisse être utile, il y a grande apparence qu'elle est fausse. Vauvenargues. Le corps de l'homme , qui paraît le chef-d'œuvre de la nature , n'est point comparable à la pensée. FénéLon. La pensée console de tout , et remédie à tout. Si quelquefois elle vous fait du mal , demandez-lui le remède du mal qu'elle vous a fait, elle vous le don- nera. Chamfort. Certaines plantes ne peuvent croître que dans un bon terrain, comme il y a des pensées qui ne peu- vent germer que dans un bon cœur. M. de Le'vis. Les pensées du sage précèdent ses actions, et celles de l'insensé, sont à la suite de ses entreprises. Duclos. Il y a dans la méditation des pensées honnêtes, une sorte de bien-être que les médians n'ont jamais connu -, c'est celui de se plaire avec soi-même. /.-/. Rousseau. / Quand le péril est passé, la présomption revient presque toujours. Fénélon. DE MAXIMES. 36 7 On a beau aller loin pour éviter le péril : si on n'est modeste et sensé , on va chercher le malheur bien loin 5 autant vaudrait- il l'attendre chez soi. Fénélon. ^La bravoure évite plus de périls que la peur. C le de Ségur. Le désespoir nous montre, dans le péril même, un moyen de salut. Lamotte. /Le Français passe toujours du côté du péril , parce qu'il est sûr d'y trouver la gloire. M. de Chateaubriand. Avant que de se jeter dans le péril, il faut le prévoir et le craindre; mais quand on y est, il ne reste plus qu'à le mépriser. Fénélon. On ne peut répondre de son courage , quand on n'a jamais été dans le péril. La Rochefoucauld. Braver des périls où l'on a déjà succombé , n'est- ce pas vouloir succomber encore? /.-/. Rousseau. P)Uiwpl)tf. Tu veux passer pour philosophe , et tu n'as pas le courage de cultiver la véritable sagesse : de quel droit t'arroges-tu ce titre ? Confucius. 368 DICTIONNAIRE Qu'il y a deMifîérence entre être philosophe, et parler de philosophie ! Voltaire. Un philosophe fait son devoir d'aimer son prince et sa patrie : il est attaché à sa religion , sans s'élever outrageusement contre celles des autres peuples. Le fanatique allume la discorde , le philosophe l'éteint : il étudie en paix la nature , et paie gaîment les con- tributions nécessaires à l'Etat 5 il regarde ses maîtres comme les députés de Dieu sur la terre , et ses con- citoyens comme ses frères : bon mari, bon père, bon maître, il cultive l'amitié comme le plus noble besoin de l'âme : il sait que c'est un contrat entre les cœurs , contrat plus sacré que s'il était écrit , et qui nous impose les obligations les plus chères 5 il est persuadé que les méchans ne peuvent aimer. Ainsi le philosophe , fidèle à tous ses devoirs , se repose sur l'innocence de sa vie. S'il est pauvre , il rend la pauvreté respectable -, s'il est riche , il fait de ses richesses un usage utile à la société. S'il fait des fautes, comme tons les hommes en font, il s'en repent et il se corrige. S'il a écrit librement dans sa jeunesse , comme Platon , il cultive la sagesse , comme lui , dans un âge avancé : il meurt en par- donnant à ses ennemis , et en implorant la miséri- corde de l'Etre suprême. Voltaire. Celui-là philosophe sans tunique, couvert d'un simple manteau-, celui-ci philosophe sans livres. DE MAXIMES. 36 9 L'un demi-nu dit, je manque de pain, et je ne laisse pas de philosopher ; l'autre, je manque de tous les secours que donnent les sciences , et je philo- sophe pourtant toujours. Marc-Aurèle. Les grands philosophes sont les génies de la raison. Vauvenargues. La clarté est la bonne foi des philosophes. Vauvenargues. Ce qui fait qu'on goûte médiocrement les phi- losophes , c'est qu'ils ne nous parlent pas assez des choses que nous savons. Vauvenargues . 11 est bon d'être philosophe, il n'est guère utile de passer pour tel. Il n'est pas permis de traiter quelqu'un de philosophe -, ce sera toujours lui dire une injure, jusqu'à ce qu'il ait plu aux hom- mes d'en ordonner autrement, et, en restituant à un si beau nom son idée propre et convenable , de lui concilier toute l'estime qui lui est due. La Bruyère. Qu'est-ce qu'un philosophe? C'est un homme qui oppose la nature à la loi , la raison à l'usage , sa conscience à l'opinion , et son jugement à l'er- reur. Chamfort. On peut être philosophe sans avoir une philoso- 3 7 o DICTIONNAIRE phie 5 on peut avoir une philosophie sans être phi- losophe. M. Ancillon. P)itejjj)l)k. Le flambeau de la philosophie blesse les yeux de ceux quelle n'éclaire pas. Duclos. / De la philosophie à l'impiété , il y a aussi loin que de la religion au fanatisme. Diderot. La philosophie ne serait bonne à rien , si elle ne nous apprenait pas à nous soutenir contre les caprices du sort et contre l'injustice des hommes. y C le de Se'gur. Les hautes spéculations de la philosophie ne prouvent que l'esprit ; la conduite seule prouve le philosophe. Son objet doit être de rectifier les idées, d'épurer les sentimens , régler les mœurs , et par là conduire au bonheur. Duclos. La philosophie triomphe aisément des maux pas- sés et des maux à venir 5 mais les maux présens triomphent d'elle. La Rochefoucauld. Le commencement de la philosophie, c'est de connaître notre faiblesse et notre ignorance, dans les devoirs dont la pratique est indispensable. Èpictète. DE MAXIMES. 35 Il n'y a guère au monde un plus bel excès , que celui de la reconnaissance. La Bruyère, 11 semble que nous ne soyons obligés qu'à ceux qui ont eu un dessein formé de nous être utiles, et non pas à ceux qui , cherchant leur intérêt, ou leur plaisir, nous ont rencontrés sur leur chemin , et comme par hasard : mais par cette règle, adieu la reconnaissance. Ainsi, pour la conserver, il faut s'arrêter au bienfait, sans remonter à sa source. Il ne faut pas subtiliser en matière de reconnais- sance : elle s'évapore en subtilisant. Nicole. En matière de reconnaissance , on n'atteint pas si l'on ne devance. Sénèque. Oublie ce que tu as donné; souviens -toi de ce que tu as reçu. Mais la reconnaissance vieillit promptement, et ne survit guère aux bienfaits. Ménandre. La reconnaissance est un devoir qu'il faut ren- dre , et non pas un droit qu'on puisse exiger. J.-J. Rousseau. La reconnaissance est un noble et digne salaire , pour les âmes généreuses. Shakspeare. La reconnaissance est le seul trésor du pauvre. Shakspeare. 4o6 DICTIONNAIRE La reconnaissance est la mémoire du cœur. MaSSieU, sourd et muet. La reconnaissance est l'aimant des bons cœurs. Goldoni, Souvent nous ne payons pas de reconnaissance , parce qu'il est juste de nous acquitter 5 mais pour trouver plus facilement qui nous prête. La Rochefoucauld. La religion de l'homme, n'est souvent que son amour et sa reconnaissance. Massillon. fUltgum. Sans la religion, on verrait plus que jamais les familles troublées par la discorde et le libertinage , des époux sans union, des enfans sans respect, des sénateurs sans fidélité ; on verrait plus que jamais des êtres contre nature, qui, n'étant plus retenus par le frein d'une éducation religieuse, connaîtraient dès leur plus tendre jeunesse, les ruses et l'audace du crime, et présenteraient devant les tribunaux épou- vantés le plus hideux de tous les spectacles , celui des forfaits, dans l'âge même de la candeur et de l'in- nocence ; on verrait des malfaiteurs , qui, débarras- sés de la crainte de la justice divine, calculeraient froidement qu'après tout, le temps du supplice sera court} marcheraient ensuite à l'échafaud, portant sur le front, non la pâleur et la honte du crime, mais DE MAXIMES. 4<> 7 presque le calme de la vertu 5 et donneraient ainsi au peuple , l'effrayant exemple d'un coupable qui meurt sans crainte et sans remords; on venait des hommes qui formeraient les projets les pi us iniques , les plus insensés, les plus désastreux peut- être pour leur patrie; dans la pensée que tout finit au tombeau, et que, s'il le fallait, ils sauraient bien échapper, par le suicide, au châtiment et à l'opprobre. Sans la religion, enfin, on verrait plus que jamais de toutes parts des égoïstes , qui , détour- nant leurs regards des biens de la vie future , ne seraient que plus ardens pour les biens de la vie présente , plus dévorés de désirs ambitieux , moins touchés des maux d'autrui , moins capables de sa- crifices généreux , plus enclins # à tous les désordres qui sont le fléau des États , comme des familles. M. Frayssinous. La religion est si naturelle à l'homme , que tous les efforts d'un gouvernement qui voudrait la dé- truire, n'aboutiraient qu'à la faire renaître, sous les formes de la superstition; et les peuples de- viendraient crédules, en cessant d'être croyans. M, de Bonald. La religion est le lien qui attache l'homme à Dieu , par les sentimens de respect, de soumission et de crainte , qu'excitent dans notre esprit les perfections de l'Etre suprême, et la dépendance où nous sommes de lui, comme de notre Créateur, tout sage et Lout bon. La religion , donne à la vertu les plus douces 408 DICTIONNAIRE espérances, au vice impénitent de justes alarmes, et au vrai repentir, les plus puissantes consolations; mais elle tâche surtout d'inspirer aux hommes , de l'amour, de la douceur et de la pitié pour les hom- mes. Montesquieu. A ceux qui ont de la répugnance pour la reli- gion , il faut commencer par leur démontrer qu'elle n'est point contraire à la raison-, ensuite, qu'elle est vénérable ; après , la rendre aimable , faire sou- haiter qu'elle soit vraie, montrer qu'elle est vraie , et enfin qu'elle est aimable. Pascal. La religion est le bien du peuple 5 elle est le bien de l'État. Douter de la vérité de la religion , c'est une erreur personnelle 5 la combattre , c'est un atten- tat contre la société. Montesquieu. L'oubli de la religion , conduit à l'oubli de tous les devoirs de l'homme. De combien de douceurs n'est pas privé celui qui manque de religion ! Quel sen- timent peut le consoler dans ses peines ? Quel spec- tateur anime les bonnes actions qu'il fait en secret? Quel prix peut-il attendre de sa vertu? Comment doit-il envisager la mort? Quel argument contre l'incrédule que la vie du vrai chrétien î Quel tableau pour son cœur, quand sa femme , ses enfans et ses amis concourent à l'instruire en l'édifiant , quand il voit briller l'image du ciel dans sa maison ! J.-J. Rousseau. DE MAXIMES. 4o 9 La religion est une chose si grande, qu'il est juste que ceux qui ne voudraient pas prendre la peine de la chercher, si elle est obscure, en soient privés. De quoi donc se plaint-on , si elle est telle qu'on puisse la trouver en la cherchant? Pascal. C'est une chose horrible d'employer , pour tour- menter les hommes , la religion qui les doit conso- ler. Voltaire. C'est une chose remarquable que nulle religion n'a pris soin des mœurs des hommes que la religion chrétienne , et celles qui ont été dressées sur son modèle. Le paganisme n'avait point de morale ; tous les philosophes , qui se faisaient une religion à leur fantaisie , se créaient aussi une morale par philoso- phie 5 mais ils ne prétendaient pas au moins l'avoir reçue de Dieu. Nicole. On voit partout des gens qui défigurent la reli- gion , en voulant la régler suivant leurs fantaisies et leurs caprices. L'un est fervent à prier , mais il est dur et insensible aux misères de son prochain : l'au- tre ne parle que d'amour de Dieu et de sacrifices , pendant qu'il ne saurait souffrir le moindre contre- temps, ni la moindre contradiction. Cette personne qui afflige son corps par des pénitences extraordi- naires, s'imagine qu'elle est en droit de mortifier les autres, comme si, en retranchant les plaisirs et les 4io DICTIONNAIRE commodités de son corps, il lui était permis de donner à son esprit cette liberté de censurer et de contredire. Fènélon. Aimez et observez la religion; le reste meurt, elle ne meurt jamais. Fénélon. Nous avons de la religion -, mais nous en faisons usage pour nous haïr les uns les autres , et nous ne l'employons pas pour nous aimer. Swift. La religion n'est que la philosophie épurée. Littleton. S'il y a un côté respectable et frappant dans no- tre religion , c'est le pardon des injures , qui d'ail- leurs est toujours héroïque, quand ce n'est pas un effet de la crainte. Un homme qui a la vengeance en main , et qui pardonne , passe toujours pour un hé- ros -, et quand cet héroïsme est consacré par la reli- gion , il en devient plus vénérable au peuple , qui croit voir dans ces actions de clémence quelque chose de divin. Voltaire. L'homme est naturellement religieux, il est né pour la crainte et l'espérance 5 il a besoin de croire et d'aimer. M. Lacretelle aîné. Les vertus nées de la religion , se cachent dans la religion même. M. Lacretelle aîné. DE MAXIMES. 4» 1 La religion chrétienne , dépouillée de tontes les petitesses que les hommes y ont ajoutées , est le plus beau système de morale et de bonheur. Elle enri- chit l'âme de toutes les vertus, elle l'élargit, elle la fait aimer autant qu'il est possible d'aimer, et lui procure par là, Cette paix douce, profonde, inalté- rable 5 cetepaix, que le monde ne peut ni donner ni ôter, qu'il ne connaît même pas; cette paix enfin, qui nous rend amis des autres et de nous-mêmes. S* L'abbé Barthélémy. En fait de religion il faut éviter les lois pénales , elles rendent l'âme atroce. Montesquieu. La religion a pour piédestal l'humanité. Le pape Ganganelli. L'homme sans religion, est un automate qui mar- che vers le bonheur, et se brise avant d'y arriver. La religion serait un bien, ne fit-elle que nous ouvrir les portes de l'avenir. Malesherbes. La religion est encore plus nécessaire à ceux qui commandent, qu'à ceux qui obéissent. Bossuet. Pour bien juger d'une religion , il ne faut pas l'é- tudier dans les livres de ses sectateurs ; il faut aller l'apprendre chez eux, ce qui est bien différent. Cha- cun a ses traditions, son sens, ses coutumes, ses 4ia DICTIONNAIRE préjugés qui font l'esprit de sa croyance, et qu'il y faut joindre pour en juger. /.-/. Rousseau. La religion, est la chaîne d'or qui unit la terre et les cieux. Young. Le culte d'une religion qui n'admet point les châ- timens d'une autre vie, ne doit pas être toléré dans un État bien policé. M. de Lévis. Quiconque rejette le bouclier de la religion , se trouve sans défense au moment du combat. Bossuet. La philosophie ne va pas plus loin qu'à nous ap- prendre à souffrir les maux j la religion chrétienne nous montre à en jouir. Saint- Evremont. îtfyutotûm. S La réputation la plus étendue est toujours très- bornée; la renommée même n'est jamais univer- selle. Duclos. Il faut du temps , pour que les réputations mû- rissent. Voltaire. Un homme qui néglige le soin de sa réputation , est indigne d'en avoir. Voltaire. DE MAXIMES. 4i3 L'amour de la réputation , est quelquefois plus puissant que celui de la vie. Duclos. Les réputations mal acquises se changent en mé- pris. P^auve? largues. 11 arrive quelquefois , que les plus honnêtes gens sont ceux dont la réputation est le plus en butte aux traits de la calomnie , comme nous voyons commu- nément que les meilleurs fruits , sont ceux qui ont été becquetés par les oiseaux , ou rongés par les vers. Pope. ^S Quelque honte que nous ayons méritée, il est presque toujours en notre pouvoir de rétablir notre réputation. La Rochefoucauld. La bonne réputation, est le plus magnifique tom- beau qu'on puisse avoir. J.-J. Rousseau. Quand le mérite sert de base à la réputation, c'est cherchera lui donner atteinte, que d'y joindre l'arti- fice; parce qu'il nuit plus à la réputation méritée, qu'il ne sert à celle qu'on ambitionne. Duclos. Les intrigues , et le mouvement qu'il faut se don- ner pour se faire une grande réputation , nous em- pêchent de la mériter. Helvétius. La réputation la plus durable qu'on peut laisser 4i4 DICTIONNAIRE après»;' soi n'est rien ; elle se conserve parmi les hommes dont la vie est courte , qui ne se connais- sent pas eux-mêmes, et connaissent bien moins celui qui a vécu long-temps avant eux. Marc-Aurele. Il faut aimer sa réputation plus que sa vie , parce que celle-ci est malheureuse, si l'autre n'est pas grande. Sénèque. Les grandes réputations sont presque toujours posthumes. Vauvenargues. C'est une sorte de problème dans la nature, dans la philosophie , et dans la religion , que le soin de sa propre réputation et de son propre honneur. Le CheV r de Jaucourt. Une bonne réputation est un second patrimoine. Publius Sjrus. Le trésor le plus pur que puisse donner cette vie mortelle , c'est une réputation sans tache. Otez ce bien, les hommes ne sont plus qu'une terre dorée, une argile peinte. Shakspeare. Une réputation honnête, est à la portée du com- mun des hommes : on l'obtient par les vertus so- ciales, et la pratique constante de ses devoirs. Cette espèce de réputation n'est , à la vérité , ni étendue , ni brillante ; mais elle est souvent la plus utile pour le bonheur. Duclos. DE MAXIMES. 4i5 Ekl)e#i3tf . — Euty. Giton a le teint frais, le visage plein et les joues pendantes, l'œil fixe et assuré, les épaules larges, l'estomac haut, la démarche ferme et délibérée: il parle avec confiance ; il fait répéter celui qui l'en- tretient, et il ne goûte que médiocrement tout ce qu'il lui dit-, il déploie un ample mouchoir, et se mouche avec grand bruit; il crache fort loin, et il éternue fort haut : il dort le jour, il dort la nuit, et profondément; il ronfle en compagnie. Il occupe à table et à la promenade plus de place qu'un autre : il tient le milieu en se promenant avec ses égaux; il s'arrête, et l'on s'arrête-, il continue de marcher, et l'on marche-, tous se règlent sur lui : il interrompt, il redresse ceux qui ont la parole ; on ne l'inter- rompt pas, on l'écoute aussi long-temps qu'il veut parler; on est de son avis, on croit les nouvelles qu'il débite. S'il s'assied, vous le voyez s'enfoncer dans un fauteuil, croiser les jambes l'une sur l'au- tre, froncer le sourcil, abaisser son chapeau sur ses yeux pour ne voir personne, ou le relever ensuite, et découvrir son front par fierté et par audace. Il est enjoué, grand rieur, impatient, présomptueux, colère, libertin, politique, mystérieux sur les af- faires du temps; il se croit des talens et de l'esprit : il est riche. La Bruyère, 4i6 DICTIONNAIRE Puisqu'il n'est point de jouissance du cœur, des sens , de l'esprit , de l'imagination , que l'on puisse suppléer à force de richesses, peut-être même au- cune que l'on ne puisse obtenir sans leur secours , il est démontré, ce me semble, que la richesse ne saurait être regardée comme un premier moyen de bonheur. Suivant les circonstances, ou la disposition de ceux qui les possèdent , je crois qu'il est une ma- nière d'être que les richesses embarrassent, une autre qu'elles rendent plus facile. De cette compa- raison , je conclus que si la richesse n'est pas en effet un premier moyen de bonheur, elle est devenue , au moins dans l'état actuel des choses , pour la for- tune publique , un moyen de force et de puissance ; c'est l'usage qu'on en fait qui le rend utile ou fu- neste. Diderot. Celui-là est riche , qui reçoit plus qu'il ne con- sume ; celui-là est pauvre , dont la dépense excède la recette. La Bruyère. S'il est vrai que l'on soit riche de tout ce dont on n'a pas besoin , un homme fort riche , c'est un homme qui est sage. La Bruyère. C'est un grand abus , et un renversement de tout ordre , de ne faire cas des hommes qu'à proportion de leurs richesses. Platon. DE MAXIMES. 4i 7 Les richesses sont le bagage de la vertu : le ba- gage est nécessaire à l'armée ; mais il empêche quelquefois la marche , et fait perdre l'occasion de vaincre. Bacon, Les richesses consistent à avoir la suffisance , et non l'abondance. Saadi. Un riche sans libéralité , est un arbre sans fruits. D'Jamy. En buvant, on étanche la soif; en mangeant, on se soulage de la faim ; si l'on a froid et qu'on mette un trop grand nombre d'habits les uns par-dessus les autres , on est bientôt obligé d'en rejeter une partie. Mais l'or et l'argent ne peuvent assouvir l'a- mour des richesses; la cupidité, en acquérant tou- jours , n'est jamais satisfaite. Plutarque. Il n'y a point d'hommef iche qui soit aussi heu- reux de ce qu'il a , que malheureux de ce qu'il n'a pas. Sénèque. La vraie mesure de la richesse , est de n'être ni trop près ni trop loin de la pauvreté. Sénèque. Le mépris des richesses était , dans les philoso- phes , un désir caché de venger leur mérite de l'in- justice de la fortune, par le mépris des mêmes biens dont elle les privait-, c'était un secret pour se ga- rantir de l'avilissement de la pauvreté-, c'était un 27 4i8 DICTIONNAIRE chemin détourné pour aller à la considération qu'ils ne pouvaient avoir par les richesses. La Rochefoucauld. Qu'envions-nous dans la condition des riches ? Obérés eux-mêmes dans l'abondance, par leur luxe et leur faste immodérés, exténués à la fleur de leur âge, par leurs débauches criminelles , consumés par l'ambition et la jalousie , à mesure qu'ils sont plus élevés, victimes orgueilleuses de la vanité et de l'intempérance; encore une fois, peuple aveugle, que leur pouvons-nous envier ? Vauvenargues. La conscience, l'honneur, la chasteté, l'amour et l'estime des hommes, sont à prix d'argent. Celui qui est riche et libéral, possède tout. Vauvenargues . Sois riche , c'est la seule vertu ; la tourbe des hu- mains ne sait point en connaître d'autres. Théognis. Personne n'emporte aux enfers ses richesses su- perflues. On ne peut, en donnant une rançon, se racheter de la mort , de la maladie , de la triste vieil- lesse qui nous poursuit. Théognis. Les richesses cachent le vice \ et la pauvreté la vertu. Théognis. Si tu possèdes des richesses, partage -les avec le malheureux , et que l'indigence reçoive sa part de ce que Dieu t'a prodigué. Phocylide. DE MAXIMES. 419 11 n'est pas inutile d'acquérir des richesses -, mais rien n'est plus dangereux que d'en acquérir injus- tement. Heureux qui joint un jugement sain aux la- veurs de la fortune ! 11 saura, dans l'occasion, faire un bel usage de ses trésors. Démocrate. La maison la plus heureuse, est celle qui ne doit pas ses richesses à l'injustice , qui ne les conserve pas par la mauvaise foi , à qui ses dépenses ne cau- sent pas de repentir. Solon. L'avarice est la peine des riches ; un riche avare est plus pauvre qu'un indigent libéral. Pend-Attar. Tous les riches comptent l'or avant le mérite. Dans la mise commune de l'argent et des services , ils trouvent toujours que ceux-ci n'acquittent jamais l'autre, et pensent qu'on leur en doit de reste , quand on a passé sa vie à les servir, en mangeant leur pain. J.-J. Rousseau. Les pauvres gémissent sous le joug des riches , et les riches sous le joug des préjugés. /.-/. Rousseau. Richesse ne fait point riche, dit le roman de la Rose. Les biens d'un homme ne sont point dans ses coffres , mais dans l'usage de ce qu'il en tire 5 car on ne s'approprie les choses qu'on possède que par leur emploi, et les abus sont toujours plus inépuisables que les richesses 5 ce qui fait qu'on ne 42o DICTIONNAIRE jouit pas à proportion de sa dépense, mais à propor- tion qu'on la sait mieux ordonner. Un fou peut jeter des lingots à la mer, et dire qu'il en a joui; mais quelle comparaison entre cette extravagante jouis- sance, et celle qu'un homme sage eût su tirer d'une moindre somme ? /.-/. Rousseau. Il n'y a point de richesse absolue. Ce mot ne si- gnifie qu'un rapport de surabondance entre les dé- sirs et les facultés de l'homme riche. Tel est riche avec an arpent de terre, tel est gueux au milieu de ses monceaux d'or. Le désordre et les fantaisies n'ont point de bornes , et font plus de pauvres que les vrais besoins. J.-J. Rousseau. Vous êtes déjà riche, et l'on ne vous voit occupé que du soin d'augmenter vos richesses. Pour qui ? Pour vos enfans? Sachez que peut-être vous prépa- rez leur perte. Pour l'homme vertueux , les grands biens sont plus incommodes qu'utiles, parce qu'ils partagent son attention ; mais l'homme sans vertu ne trouve dans les richesses que les moyens de sa- tisfaire ses vices. Confucius. Vieillir, être malade, et mourir; voilà les plus grands maux de la vie. Les richesses n'apportent point de remède à tout cela : mais, par elles, sou- vent on vieillit plus tôt, on tombe plus souvent ma- lade, et l'on parvient plus tôt à la mort. Sentence chinoise. DE M V\I MES. [ { ii L'homme qui estime trop les richesses et les hon- neurs, iïït-il un sage, ne se défendra pas long-temps de la corruption du siècle. Pend-Attar. y/ La richesse est souvent le passe-port de la sottise. M. Labouisse. Le bonheur des riches ne consiste pas dans les biens qu'ils ont, mais dans le bien qu'ils peuvent faire. Fléchier. Sois le maître, et non pas l'esclave de tes richesses. Publlus Sjrus. îitokuk. Le ridicule est le fléau des gens du monde ; il est assez juste qu'ils aient pour tyran un être fantas- tique. Duclos. Après les bonnes leçons , ce qu'il y a de plus instructif, sont les ridicules. Duclos. Il y a des ridicules qui ne vont pas à toutes sortes de figures. Duclos. Le ridicule vient à bout de tout; c'est la plus forte des armes. Voltaire. On sacrifie sa vie à son honneur, souvent son honneur à sa fortune , et quelquefois sa fortune à la crainte du ridicule. Duclos. 422 DICTIONNAIRE Les imitateurs, ne saisissent ordinairement que les ridicules de leurs modèles. Duclos. Les seules bonnes copies, sont celles qui nous font voir le ridicule des méchans originaux. La Rochefoucauld, On fait échouer le ridicule, non en le repoussant avec force, mais en le recevant avec mépris et in- différence. Duclos. On n'est jamais si ridicule par les qualités que Ton a , que par celles qu'on affecte d'avoir. La Rochefoucauld. Le ridicule , fait malheureusement plus d'impres- sion sur les âmes honnêtes et sensibles , que sur les vicieux 5 parmi eux , on en donne , en en reçoit , et on en rit. Duclos. Le plus dangereux ridicule des vieilles personnes qui ont été jolies , c'est d'oublier qu'elles ne le sont plus. La Rochefoucauld. Les vices partent de la dépravation du cœur \ les défauts, d'un vice de tempérament; le ridicule, d'un défaut d'esprit. La Bruyère. Souvent on se donne bien du mal, pour n'être en définitif que ridicule. Malesherbes. DE MAXIMES. 423 Ce n'est qu'aux yeux d'un esprit faux, qu'une infirmité peut paraître ridicule. Voltaire. L'homme ridicule est celui qui , tant qu'il de- meure tel , a les apparences d'un sot. La gruyère. Le ridicule déshonore plus que le déshonneur. La Rochefoucauld. On n'imagine pas combien, dans le monde, il faut d'esprit, pour n'être jamais ridicule. Chamfort. Le ridicule est comme les honneurs ; c'est la ma- nière équitable de les distribuer qui en fait la valeur et l'utilité. Helvétias. Le ridicule est la raison des sots. /.-/. Rousseau. La caustique empreinte du ridicule, est ineffa- çable. J.-J. Rousseau. Le ridicule , que l'opinion redoute sur toute chose, est toujours à côté d'elle, pour la tyranniser et pour la punir. On n'est jamais ridicule que par des formes déterminées ; celui qui sait varier ses si- tuations et ses plaisirs , efface aujourd'hui l'impres- sion d'hier : il est comme nul dans l'esprit des hommes } mais il jouit , car il est tout entier, à cha- que heure et à chaque chose. /.-/. Rousseau. &A DICTIONNAIRE Ce qui est devenu ridicule , ne peut plus être dangereux. Voltaire. La société nous apprend à sentir les ridicules -, la retraite nous rend plus propres à sentir les vices. Montesquieu. La crainte du ridicule , étouffe plus de talens et de vertus , qu'elle ne corrige de vices et cU défauts. D'Alembert. Le ridicule , est la seule chose que craignent en- core ceux qui ne craignent plus rien , et n'ont plus ni pudeur ni remords. Dussault. C'est un grand ridicule, de trouver tous les genres de mérite à l'homme dont on fait l'éloge. M. Villemain. ftois. Un roi qui ne sait gouverner que dans la paix ou dans la guerre, n'est qu'à demi roi. Fénélon. Les rois s'imaginent n'avoir rien à craindre, à cause de leur élévation au-dessus du reste des hom- mes , et c'est leur élévation même , qui fait qu'ils ont tout à craindre. Féfiélon. Quand les rois s'accoutument à ne connaître plus d'autres lois que leurs volontés absolues , et qu'ils DE MAXIMES. 4** ne mettent plus de frein à leurs passions, ils peu- vent tout \ mais à force de tout pouvoir, ils sapent les fondemens de leur puissance -, ils n'ont plus de règles certaines, ni de maximes de gouvernement : chacun à l'envi les flatte, ils n'ont plus de peuples 5 il ne leur reste que des esclaves dont le nombre di- minue chaque jour. Qui leur dira la vérité? Qui donnera des bornes à ce torrent? Tout cède-, les sages s'enfuient, se cachent et gémissent. Il n'y a qu'une révolution soudaine et violente, qui puisse ramener cette puissance débordée dans son cours na- turel : souvent même le coup qui pourrait la modé- rer, l'abat sans ressource. Rien ne menace tant d'une chute funeste, qu'une autorité qu'on pousse trop loin : elle est semblable à un arc trop tendu, qui se rompt enfin tout à coup, si on ne le relâche ; mais qui est-ce qui osera le relâcher ? Fénélon. Les plus sages rois sont souvent trompés , quel- ques précautions qu'ils prennent pour ne l'être pas. Un roi ne peut se passer de ministres qui le soula- gent et en qui il se confie , puisqu'il, ne peut tout faire. D'ailleurs , un roi connaît beaucoup moins que les particuliers les hommes qui l'environnent : on est toujours masqué auprès de lui 5 on épuise toutes sortes d'artifices pour le tromper. Fénélon. On dit d'ordinaire aux rois qu'ils ont moins à craindre leurs vices secrets et particuliers , que les 4*6 DICTIONNAIRE défauts auxquels ils s'abandonnent dans les fonc- tions royales. Pour moi , je dis hardiment le con- traire, et je soutiens que toutes leurs fautes, dans la vie privée , sont d'une conséquence infinie pour la royauté. Fénélon. La liaison inséparable de l'intérêt du roi, avec celui du peuple , n'est pas suffisante pour garantir la stabilité des lois. Malesherbes. Etre roi , c'est proprement avoir des sujets et n'avoir point d'amis. Etre roi , c'est avoir des per- sonnes qui suivent nos sentimens, et n'en avoir point qui nous disent les leurs avec liberté. Nicole. Les rois sont comme les coquettes; leurs regards font des jaloux. Voltaire. Le roi est le pasteur des pauvres ; les brebis ne sont point pour le pasteur, mais le pasteur pour les brebis. Saadi. Si la douceur et la clémence n'environnent pas le trône des rois^ ils écartent les serviteurs fidèles, ils aliènent les cœurs : les ministres intimidés n'osent finir aucune affaire, un découragement universel s'empare de tous les esprits , le trouble et la con- fusion sont les fruits d'une sévérité outrée -, les princes se privent encore du plus pur, peut-être de l'unique plaisir qu'ils puissent goûter, celui de faire des heureux. Pend-Attar. DE MAXIMES. 427 »>»M>>*»»>»>;»>!»M^ o «<.«.<.cî<3«<««3««i* •<;<•<•*•<•«* &a$e. Le sage occupe le moins de place qu'il peut , et n'en change point. Fontenelle. Le sage n'est point, comme le prétendent les stoï- ciens, impénétrable aux passions 5 mais il les dirige, au lieu d'en être dirigé. Il n'est point libre dans les fers, mais son âme reste noble et indépendante. 11 n'est pas riche dans sa pauvreté, mais la modération la rend moins onéreuse. Il n'est point impassible dans la douleur; il sent les maux, les craint, les évite 5 mais il n'y ajoute pas ceux de l'imagination. Enfin son courage n'est point inaltérable ; il suc- combe et s'égare quelquefois, parce qu'il est homme 5 mais ses écarts mêmes portent un caractère de force et de grandeur. JVeiss. Celui qui n'a point senti sa faiblesse et la violence de ses passions , n'est point encore sage \ car il ne se connaît point encore , et ne sait pas se défier de soi. Fénélon. En vieillissant, on devient plus fou ou plus sage. La Rochefoucauld. Le sage ne se hâte jamais , ni en ses études, ni en ses paroles ; il est même quelquefois comme muet. 428 DICTIONNAIRE Mais lorsqu'il est question d'agir pour la vertu , alors il se précipite , et va au devant des occasions de la pratiquer. Confucius. Le sage se promène dans le monde comme dans une infirmerie remplie de malades d'esprit, qu'il prend soin de guérir, par les remèdes de son exem- ple. La Bruyère. Le sage se demande à lui-même la cause de ses fautes , l'insensé la demande aux autres. Confucius. Le sage doit apprendre à profiter de tout, des biens et des maux de la vie , des vices et des vertus des autres , de ses propres fautes , et de ses bonnes actions. Bossuet. La mort du sage, est une grande et consolante leçon. Boitfflers. Le sage guérit de l'ambition par l'ambition même \ il tend à de si grandes choses , qu'il ne peut se bor- ner à ce qu'on appelle des trésors . des postes , la fortune et la faveur. Il ne voit rien, dans de si faibles avantages, qui soit assez bon et assez solide pour remplir son cœur , et pour mériter ses soins et ses désirs ; il a même besoin d'efforts pour ne pas trop les dédaigner. Le seul bien capable de le tenter, est cette sorte de gloire, qui devrait naître de la vertu DE MAXIMES. £39 toute pure et toute simple ; mais les hommes ne l'ac- cordent guère , et il s'en passe. La Bruyère. Un sage jouit des plaisirs, et s'en passe, comme 4 on fait des fruits en hiver. Ilclvélius. Les hommes se présentent au sage sous deux rapports opposés. Réclament-ils un service? le plus tendre intérêt l'émeut. Veulent-ils le diriger? un profond dédSin est le sentiment qu'il éprouve. M. Droz, Le sage n'est aigre et mordant que contre lui- même 5 il est doux pour les autres. Plutarque. Lorsque la fortune veut humilier les sages, elle les surprend dans ces petites occasions, où l'on est ordinairement sans précaution et sans défense. Le plus habile homme du monde ne peut empêcher que de légères fautes n'entraînent quelquefois d'horribles malheurs ; et il perd sa réputation, ou sa fortune , par une petite imprudence, comme un autre se casse la jambe en se promenant dans sa chambre. Vauvenargues. Le sage est lent dans ses discours , et prompt dans ses œuvres. Confucius. Tel serait sage dans une condition médiocre, qui devient insensé quand il est le maître du monde. Fénélon. 43o DICTIONNAIRE Il faut bien des efforts pour être sage ; il ne faut qu'un moment pour cesser de l'être. M. Azdis. Heureux qui devient sage par les fautes d'autrui ! Stobée. Le sage observe le désordre public qu'il ne peut arrêter : il observe , et montre sur son visage attristé la douleur qu'il lui cause ; mais quant aux désordres particuliers, il s'y oppose ou détourne*les yeux, de peur qu'ils ne s'autorisent de sa présence. J.-J. Rousseau. Soyons humbles pour être sages ; voyons notre faiblesse , et nous serons forts. J.-J. Rousseau. %a$e#0e. Le premier pas vers la sagesse, c'est d'oser dou- ter de son savoir. Weiss. La sagesse n'a rien d'austère ni d'affecté : c'est elle qui donne les vrais plaisirs : elle seule les sait as- saisonner , pour les rendre purs et durables \ elle sait mêler les jeux et les ris avec les occupations graves et sérieuses } elle prépare le plaisir par le travail , et elle délasse du travail par le plaisir. Fénélon. Il est plus aisé d'être sage pour les autres , que pour soi-même. La Rochefoucauld. DE MAXIMES. 43i La sagesse même , doit être sobre et tempérée. Fénclon. Notre sagesse n'est pas moins à la merei de la fortune, que nos biens. La Rochefoucauld. La fortune peut bien, sans qu'on l'appelle, entas- ser sur nos têtes les honneurs et les titres : les ri- chesses peuvent s'offrir d'elles-mêmes ; mais pour la sagesse , il faut aller au devant d'elle. Young. La sagesse est inspirée par Dieu même ; rien n'est supérieur à la raison qu'elle conduit. L'homme qui n'a que de la force, ne peut se mesurer avec le sage. C'est la sagesse qui règle les travaux du laboureur, c'est elle qui régit les cités , elle qui donne l'empire des mers. Phocjlide. La sagesse , ne consiste pas à prendre indifférem- ment toutes sortes de précautions , mais à choisir celles qui sont utiles , et à négliger celles qui sont superflues. J.-J. Rousseau. 11 y a une fausse sagesse qui est pruderie. La Bruyère. La sagesse est le tyran des faibles. Kauvenargues. La sagesse est plus précieuse que l'or, parce qu'elle est plus rare et plus utile. La sagesse est le seul tré- sor pour lequel on n'ait rien à craindre des voleurs. B. Franklin. 432 DICTIONNAIRE C'est une grande sagesse que de ne point agir avec précipitation, et de ne pas s'attacher obstiné- ment à son propre sens. Il est encore de la sagesse, de ne pas croire indistinctement tout ce que les hommes disent; et ce qu'on a entendu ou cru, de ne point aller aussitôt le rapporter aux autres. Imitation de J.-C. Science. Par la science , l'homme ose franchir les bornes étroites dans lesquelles il semble que la nature l'ait renfermé -, citoyen de toutes les républiques , habi- tant de tous les empires , le monde entier est sa pa- trie. La science , comme un guide aussi fidèle que rapide , le conduit de pays en pays , de royaume en royaume -, elle lui en découvre les lois , les mœurs , la religion, le gouvernement : il revient chargé des dépouilles de l'Orient et de l'Occident -, et, joignant les richesses étrangères à ses propres trésors , il semble que la science lui ait appris à rendre toutes les nations de la terre tributaires de sa doctrine. Dédaignant les bornes des temps, comme celles des lieux , on dirait qu'elle l'ait fait vivre long-temps avant sa naissance. C'est l'homme de tous les siècles, comme de tous les pays. Tous les sages de l'anti- quité ont pensé, ont parlé, ont agi pour lui; ou plutôt il a vécu avec eux, il a entendu leurs leçons, DE MAXLUES. 433 il a été le témoin de leurs grands exemples. Plus attentif encore à exprimer leurs mœurs qu'à admi- rer leurs lumières, quel aiguillon leurs paroles ne laissent- elles pas dans son esprit? Quelle sainte ja- lousie leurs actions n'allument- elles pas dans son cœur? Ainsi nos pères s'animaient à la vertu -, une noble émulation les portait à rendre, à leur tour, Athènes et Rome jalouses de leur gloire -, ils voulaient sur- passer les Aristide en justice, les Phocion en cons- tance, les Fabrice en modération , et les Caton même en vertu. Que si les exemples de sagesse, de grandeur d'âme, de générosité , d'amour de la patrie , devien- nent plus rares que jamais, c'est parce que la mol- lesse et la vanité de notre âge, ont rompu les nœuds de cette douce et utile société que la science forme entre les vivans et les illustres morts , dont elle ra- nime les cendres) pour en former le modèle de notre conduite. D'À gués seau. L'objet de la science est de connaître la vérité ; son occupation, de la rechercher \ son caractère , de l'aimer : les moyens de l'acquérir sont de renoncer aux passions, de fuir la dissipation et l'oisiveté. J.-J. Rousseau. La science qui nourrit l'esprit , souvent le tue : on périt d'abondance comme de maigreur. M. Laja. La science la plus nécessaire à l'homme , c'est de 434 DICTIONNAIRE se connaître soi-même. Il vaut mieux connaître ses défauts , que de pénétrer les secrets des États , et de savoir démêler les énigmes de la nature. Cette science est d'autant plus belle , qu'elle est non-seu- lement la plus nécessaire , mais aussi la plus rare de toutes. Bossuet. Celui qui entre dans la carrière des sciences, doit jeter les yeux sur ceux qui le devancent , et non sur ceux qui le suivent. Aristote. La science est un trésor dont l'usage fait le prix : chaque fois que vous instruisez celui qui vous in- terroge , vous augmentez votre science. Saadi. Que de dangers ! Que de fausses routes dans l'in- vestigation des sciences! Par combien d'erreurs, mille fois plus dangereuses que la vérité n'est utile , ne faut-il point passer pour arriver à elle ? Le désavan- tage est visible; car le faux est susceptible d'une in- finité de combinaisons, mais la vérité n'a qu'une manière d'être. /.-/. Rousseau. La science n'est point faite pour l'homme en gé- néral. 11 s'égare sans cesse dans sa recherche ; et s'il l'obtient quelquefois, ce n'est presque jamais qu'à son préjudice. Il est né pour agir et penser , et non pour réfléchir. La réflexion ne sert qu'à le rendre malheureux, sans le rendre meilleur, ni plus sage; DE MAXIMES. 435 elle lui fait regretter les biens passés , et l'empêche de jouir du présent : elle lui présente l'avenir heu- reux, pour le séduire par l'imagination, et le tour- menter par les désirs-, et l'avenir malheureux, pour le lui faire sentir d'avance. L'étude corrompt ses mœurs, altère sa sauté, détruit son tempérament, et gâte souvent sa raison : si elle lui apprenait quelque chose , je le trouverais encore fort mal dé- dommagé. J'avoue qu'il y a quelques génies sublimes, qui savent pénétrer à travers les voiles dont la vérité s'enveloppe, quelques âmes privilégiées, capables de résister à la bêtise de la vanité , à la basse jalou- sie et aux autres passions qu'engendre le goût des lettres. Le petit nombre de ceux qui ont le bonheur de réunir ces qualités, est la lumière et l'honneur du genre humain -, c'est à eux seuls qu'il convient, pour le bien de tous , de s'exercer à l'étude ; et cette exception même confirme la règle : car si tous les hommes étaient des Socrates, la science alors ne leur serait pas nuisible-, mais ils n'auraient aucun besoin d'elle. «/.-«/. Rousseau. Sensibilité. La sensibilité est une disposition tendre et déli- cate de l'âme, qui la rend facile à être émue, à être touchée. 436 DICTIONNAIRE La sensibilité tient plus à la sensation, la tendresse au sentiment ; la chaleur du sang nous porte à la tendresse, la délicatesse des organes entre dans la sensibilité : les jeunes gens seront donc plus tendres que les vieillards, les vieillards plus sensibles que les jeunes gens ; les hommes peut-être plus tendres que les femmes , les femmes plus sensibles que les hommes. La tendresse est un faible, la sensibilité une fai- blesse. La première est un état de l'âme, la seconde n'est qu'une disposition. Le cœur tendre , éprouve toujours une sorte d'inquiétude analogue à celle de l'amour -, il est calme et tranquille, tant qu'il ne res- sent pas les atteintes de cette passion. La sensibilité nous oblige à veiller autour de nous, pour notre intérêt personnel. La tendresse, nous en- gage à agir pour l'intérêt des autres. L'habitude d'aimer n'éteint point la tendresse, l'habitude de sentir émousse la sensibilité. Le Chev er de Jaucourt. L'horreur et la pitié sont moins des passions de l'âme, que des affections naturelles, qui dépendent de la sensibilité du corps , et de la similitude de la conformation. Buffbn. La sensibilité porte toujours dans l'âme un cer- tain contentement de soi-même, indépendant de la fortune et des événemens. J.-J. Rousseau. Le plaisir et la douleur sont les deux extrêmes DE MAXIMES. 43 7 de la sensibilité; son moyen terme est le calme vi- vant ; sa nullité, la mort. Condor cet. La sensibilité, pour la moindre offense , prouve que Ton sent toute son imperfection, toute sa fai- blesse. Mirabeau. 11 y a un excès de biens et de maux , qui passe notre sensibilité. La Rochefoucauld. 11 y a une espèce de sensibilité vague, qui n'est qu'une faiblesse d'organes, plus digne de compas- sion , que de reconnaissance* La vraie sensibilité, se- rait celle qui naîtrait de nos jugemens, et qui ne les formerait pas. Duclos. Le faible enfant, et le vieillard, n'ont d'espoir que dans la sensibilité d'autrui, La nature a voulu, par là , nous apprendre à être compatissans. Un homme qui ne soutire que de ses maux, mérite les peines qu'il endure. Une sensibilité généreuse qui intéresse le genre humain dans ses pleurs, s'ennoblit, et se transforme en vertu. Le Tourneur, Les hommes sont moins sensibles au plaisir qu'à la douleur. Segniàs homines bona quant mala sentiunt. Tite-Lwe. ' On a tellement défiguré la sensibilité , par l'exagé- 438 DICTIONNAIRE ration et les grimaces , qu'il n'est plus permis aujour- d'hui de se montrer sensible, sous peine de paraître ou faux, ou ridicule. Le charlatanisme sentimental a détruit le sentiment. Anonyme. gentiment» Le sentiment persuade mieux que la raison \ celle- ci trouve des juges , l'autre se fait des complices. Malesherbes. Le sentiment donne du prix à l'expression 5 et ce qui fait que les sots sont toujours ennuyeux, c'est qu'ils ne sentent presque jamais. La Bruyère. Le sentiment étend son ressort jusque sur les mœurs 5 il fait que nous sommes également touchés de l'honneur et de la vertu, comme des autres avan- tages. Fontenelle. Quand on ne conçoit point d'autre félicité que celle de la vie présente , il est naturel qu'on ne tra- vaille qu'à se procurer des sensations agréables. Bacon. Tous les sentimens que nous dominons sont légi- times } tous ceux qui nous dominent sont criminels. /.-/. Rousseau. Le sentiment, est la raison et la science du peuple. O e Ferrand. DE MAXIMES. }3y Le sentiment de Dieu , ne laisse jamais l'homme sans satisfaction dans le bonheur, ni sans consola- tion dans la misère. Saint-Evremont. A la longue , la franchise et la pureté des senti- mens réussissent toujours. J^oltaire. Les sentimens servent beaucoup à soutenir les caractères. CoTidillac. Les sentimens sont aux mœurs , ce que les mœurs sont à la fable. Voltaire. Le sentiment étend son ressort jusqu'aux mœurs 5 il fait que nous sommes également touchés de l'hon- neur et de la vertu , comme des autres avantages. Roubaud. %txvia&. Si les services imposent des devoirs d'obligation à ceux qui les reçoivent , ils en exigent de délica- tesse à ceux qui les rendent. Duclos. Les services doivent se juger, moins par l'avan- tage qu'en retire celui qui est obligé , que par le sacrifice que fait celui qui oblige. Duclos. Celui qui a reçu des services peut s'en souvenir-, celui qui les a rendus , doit les oublier. Sénèque. 44<> DICTIONNAIRE Dès qu'il s'agit de rendre service , il faut songer que la vie est courte , et qu'il n'y a pas un moment à perdre. Voltaire. Il y a des gens qui rendent service de si mauvaise grâce, qu'ils acquittent delà reconnaissance : obliger de bonne grâce, c'est se payer par ses mains. Boulanger. Un service rendu à propos , iût-il même léger , est capable d'effacer une grande offense. Thucydide, Celui qui ne sait pas reconnaître les services , ne sait pas en rendre. Cicéron. Ce n'est jamais sans péril , que l'on rend service au méchant. Goldoni. Les âmes communes, pardonnent difficilement les services et la renommée des grands hommes. Voltaire. Nous mettons l'esprit de domination, jusque dans les services que nous voulons bien rendre. Bacon. Le service des grands est dangereux , et ne vaut ni la peine, ni la contrainte, ni les humiliations qu'il coûte. Lessing. DE MAXIMES. 44 1 0en>ttuta, La servitude abaisse les hommes, jusqu'à s'en faire aimer. Vauvenargues. L'homme ne peut souffrir ni une entière liberté , ni une entière servitude. Tacite. Une des punitions de la flatterie envers les grands, est d'en a faire une servitude. M. Lacretelle. Une grande fortune est une grande servitude. Sénèque. 11 faut satisfaire à la mode, comme à une servi- tude fâcheuse, et ne lui donner que ce qu'on ne peut lui refuser, Fontenelle. Lorsque l'esprit saisit la parfaite égalité natu- relle entre les hommes , la raison se révolte contre la servitude. C al Alberoni. Le chef-d'œuvre du machiavélisme , serait d'em- ployer un peuple qui fût libre , à la conquête de la servitude. Sheridan. L'aumône n'est qu'un acte infernal , lorsqu'elle établit la servitude. # J.-J. Rousseau. C'est une grande servitude , que d'être obligé de 44* DICTIONNAIRE rendre des devoirs journaliers, à des gens qu'on n aime pas. La Bruyère. La vie du courtisan est une continuelle servitude. Montesquieu. La servitude est si peu naturelle à l'homme , qu'elle ne saurait exister sans quelque mécontente- ment. /.-/. Rousseau. Puisque avec l'âge, commence la servitude civile, pourquoi la prévenir par la servitude privée? /.-/. Rousseau. 0hîtpUati. La simplicité est la compagne naturelle de la beauté; la première suit la seconde, comme l'om- bre suit le corps. L'essence de l'idée est d'être sim- ple, et la simplicité est une des conditions de la beauté des formes. Ainsi , il est clair que le beau doit toujours être simple, quoique ce qui est sim- ple, ne soit souvent rien moins que beau. M. Ancillon. La simplicité est différente de la modestie. La modestie s'apprécie \ elle met un homme à sa vé- ritable place -, un homme modeste craint surtout de se mettre plus haut qu'il ne mérite de l'être. La simplicité ne se doute pas de son mérite, elle ne se compare avec personne-, elle est elle, et, ne DE MAXIMES. 443 pouvant être autre chose, elle abandonne aux: au- tres de lui marquer son rang, sans penser même à se ménager une décision favorable. Un homme d'un esprit médiocre, et d'une mora- lité commune, peut avoir de la simplicité-, et il y gagnera toujours plus que s'il portait de l'affecta- tion, de la recherche, des prétentions, dans la mé- diocrité. Cependant, la simplicité n'est véritable- ment intéressante, que lorsqu'elle se trouve jointe à un esprit supérieur, ou même extraordinaire. Rien n'affecte plus délicieusement le cœur que de voir une âme élevée, forte et pure, douée d'un grand et beau génie, développer et déployer, sans effort, l'énergie de l'intelligence et celle de la volonté , se révéler à tous les yeux sans se montrer, exciter l'é- tonnement et l'admiration sans le remarquer, et s'oublier elle-même, quand tous les regards 'sont fixés sur elle. Alors la simplicité devient une vé- ritable magie -, elle semble lever le voile qui couvre pour nous le monde intellectuel, et nous mani- fester une de ces intelligences pures, qui réfléchis- sent la beauté souveraine et incorruptible. Cette vue calme les passions, prévient ou efface toute espèce de jalousie, rafraîchit le cœur, réconcilie avec la nature humaine, et seule peut faire pour nous, de la supériorité la plus décidée et la plus constante, un sentiment consolateur. M. Ancilloii. La simplicité n'est ni ignorance ni bêtise, et elle 444 DICTIONNAIRE peut s'allier à beaucoup de connaissances, à beau- coup d'esprit, et même à du génie 5 elle est pour l'esprit , ce que la modération est pour le caractère , et une sage économie dans l'emploi de sa fortune 5 elle consiste à ne savoir que son état , à ne faire que son métier ; à i\e pas se croire , par exemple , théo- logien , parce qu'on a étudié en médecine ; ou pu- bliciste , parce qu'on suit un cours d'histoire natu- relle ou de chimie, et qu'on sait tenir un compte en parties doubles. M. de Bonald. Il y a je ne sais quoi de noble dans la simplicité, et moins l'homme est superbe, plus il est vénérable. Fléchier. La simplicité consiste à montrer ce que l'on est , la modestie à le cacher. Roubaud. La simplicité noble , est d'aussi bonne maison que la grandeur même 5 et comme elle vient du même principe de bon esprit , qui doute qu'elle ne se sente du lieu dont elle est sortie , et que partout où elle se rencontre , elle ne conserve sa dignité, ses droits , ou pour le moins , l'air et la mine de sa naissance ? Le Chev er de Jaucourt. La simplicité est une ignorance de son propre mérite. L'abbé Trublet. La simplicité, est la droiture d'une âme qui s'in- terdit tout retour sur elle , et sur ses actions. Fénélon. DE MAXIMES. ■ 445 Avec les praticiens, il n'est pas facile d'obtenir de la simplicité. JY. Bonaparte. Les observations d'un sot , apprennent jusqu'à quel degré de simplicité il faut descendre, pour être compris de tous. La Bruyère. La vraie, la bonne simplicité, l'ait la parfaite poli- tesse. Il vaudrait mieux être un peu grossier pour être plus simple, plus éloigné des manières vaines et affectées. Fénélon. La simplicité affectée, est une imposture délicate. La Rochefoucauld. La simplicité, nous présente l'image de la vérité et de la liberté. Vauvenargues. Il y a une simplicité qui est un défaut, et il y a une simplicité qui est une merveilleuse vertu. Fénélon. La fourbe envoie devant elle la simplicité. Lessing. Tout le monde aime la simplicité , l'admire 5 peu de gens l'adoptent -, personne ne l'envie. C le de Ségur. La simplicité, est l'un des caractères du vrai mé- rite. Fontenelle. 446 * DICTIONNAIRE &mtévité. La sincérité n'est autre chose que l'expression de la vérité. L'honnêteté, et la sincérité dans les actions, égarent les méchans, et leur font perdre la voie par laquelle ils peuvent arriver à leurs fins ; parce que les méchans croient d'ordinaire qu'on ne fait rien sans artifice. La morale de la plupart des gens , en fait de sin- cérité, n'est pas rigide : on ne se fait point une af- faire de trahir la vérité par intérêt, ou pour se disculper , ou pour excuser un autre : on appelle ces mensonges, officieux-, on les fait pour avoir la paix, pour obliger quelqu'un, pour prévenir quel- que accident. Misérables prétextes qu'un mot seul va pulvériser: il n'est jamais permis de faire un mal, pour qu'il en arrive un bien. La bonne intention sert à justifier les actions indifférentes , mais n'au- torise pas celles qui sont dé terminément mauvaises. Le Chev er de JaucouH. La sincérité est une ouverture de cœur. On la trouve en fort peu de gens 5 et celle que l'on voit d'ordinaire, n'est qu'une finesse de dissimulation pour attirer la confiance des autres. La Rochefoucauld. La sincérité est la mère de la vérité , et l'enseigne de l'honnête homme. Elle est le garant de nos pa- roles, et la caution de nos pensées ; elle n'a pas be- DE MAXIMES. 44 7 soin de témoins pour prouver ce qu'elle avance. Ses promesses passent pour des effets, et ses rela- tions sont indubitables. Elle est bannie des cours et inconnue aux grands ; elle naît dans le cœur , et demeure sur les lèvres. Duclos. L'envie de parler de nous, et de faire voir nos défauts du côté que nous voulons bien les montrer, fait une grande partie de notre sincérité. La Rochefoucauld. Rien n'est plus sincère que la conscience de l'homme éclairé , et plus avantageux que ses con- seils. Oxenstiern. La sincérité des aveux , fait naître l'indulgence. Goldoni. Il n'est rien tel, pour ne pas se tromper, que d'être sincère avec soi-même. J.-J. Rousseau. Afin de pouvoir vivre en "société, l'homme sacri- fie une portion des prérogatives dont l'a doué la nature , pour que la tranquille jouissance de l'autre portion lui soit assurée. Il avait droit à la posses- sion de la terre entière, mais chacun potvait com- battre l'exercice de ce droit. Alors il s'est résigné à en posséder une faible part , où personne ne pût venir le troubler. De même, ses affections pouvaient 448 DICTIONNAIRE embrasser tous les objets de la nature 5 mais elles n'auraient eu rien de fixe ni d'assuré. La société , en donnant à l'homme des liens de famille et de patrie, des mœurs, des lois, a restreint ses affec- tions -, mais aussi elle les protège , et dispose tout autour d'elles , afin qu'elles puissent avoir un libre cours. Retenues dans le juste et dans l'honnête, elles ne blessent personne, et nul ne doit les atta- quer. Par un retour nécessaire, si l'on vient, au contraire , à porter ses sentimens hors des limites imposées parla société, elle se venge d'autant plus cruellement, qu'elle est mieux réglée. Elle tour- mente sans cesse ceux qui ont enfreint l'ordre gé- néral, et leur fait sentir, de mille manières, qu'ils ont rompu l'équilibre établi. Alors ils s'écrient con- tre les devoirs imposés par la société : ils les accu- sent d'étouffer les sentimens naturels , et ne s'aper- çoivent pas que les devoirs ne sont autre chose, que des sentimens permis et consacrés. M. de Barante. Qui dit société, suppose nécessairement des rap- ports ; qui dit rapports , dit les combinaisons respec- tives des différentes qualités, avec lesquelles existent les êtres entre qui ces rapports sont établis. Or, l'homme étant par son essence un être religieux, par ses sdntimens un être moral , par ses relations un être politique et civil ; on ne peut concevoir l'homme en société, sans le concevoir sous tous ces rapports. On ne peut les détruire, sans détruire les DE MAXIMES. 44 9 liens qui Tattachcnt à la société même, et consé- quemment sans la dissoudre. C" Faraud. Nous sommes mauvais par nature , bons par la société. Aussi tous ceux qui , pour constituer la société, ont commencé par supposer que nous nais- sions bons , frappés des désordres que la société n'empêche pas , et oubliant tous ceux qu'elle pré- vient , ont fini , comme Jean-Jacques , par croire que la société n'était pas dans la nature de l'homme. Ces écrivains ont fait comme des architectes qui , pour bâtir un édifice , supposeraient que les pierres viennent toutes taillées de la carrière , et les bois tout équarris de la forêt, M. de Bonald. Prendre le ton de la société dans laquelle on doit vivre , est toujours une preuve de bon esprit et de sagesse. 11 faut savoir la langue du pays qu'on ha- bite. Parler raison, au milieu d'un hôpital de fous, serait le comble de la folie. Anonyme. Le plaisir de la société , entre les amis , se cul- tive par une ressemblance de goût sur ce qui re- garde les mœurs , et par quelque différence d'opi- nion sur les sciences. La Bruyère. Des qualités trop supérieures, rendent souvent un homme moins propre à la société. On ne va pas au marché avec des lingots, on y va avec de l'argent ou de la petite monnaie. Ckainfort. 2 9 45o DICTIONNAIRE L'homme sociable est l'homme par excellence. Il est poli sans fausseté, franc sans mollesse, préve- nant sans bassesse, complaisant sans flatterie 5 il a des égards sans contrainte , et son cœur est porté à la bienfaisance. L'homme aimable, ou celui au- quel on donne ce nom , est fort indifférent sur le bien public. Ardent à plaire à toutes les sociétés , et prêt à sacrifier chacune en particulier , il n'aime personne, n'est aimé de qui que ce soit, plaît à tous , et souvent , est méprisé et recherché par les mêmes personnes. Le désir immodéré d'amuser , l'engage à immoler l'absent qu'il estime le plus, à la malignité de ceux dont il fait moins de cas , mais qui l'écoutent. Les liaisons de l'homme sociable l'atta- chent de plus en plus à l'Etat 5 celles de l'homme aimable ne font que l'écarter des devoirs essen- tiels. L'homme sociable inspire le désir de vivre avec lui : on n'aime qu'à rencontrer l'homme ai- mable. Duclos. L'homme est né pour la société , et , quoiqu'il s'en trouve souvent de fort dangereuses, ce n'est pas une raison pour se vouer entièrement à la soli- tude. Ce n'est pas la société qu'il faut fuir , c'est la mauvaise société. La Harpe. On croit le sourd malheureux dans la société. N'est-ce pas un jugement prononcé par l'amour- propre de la société qui dit : Cet homme-là n'est-il DE MAXIMES. .; r >. pas bien à plaindre, de n'entendre pas ce tjuë nous disons ? Chamfort. On ne peut e dans la société après l'âge des passions. Elle 11 e : vraiment tolérablc , que lors- qu'on peut se servir de son estomac pour s'amuser, et de sa personne pour tuer le temps. Chamfort. 0aUtute. La solitude et le repos sont à l'esprit, ce que la diète est au corps. Vauvenargues. On peut aimer la solitude sans être misanthrope : rien n'est moins susceptible d'attachement que les gens dissipés; les âmes sensibles se tirent de la foule. J.-J. Rousseau. La solitude est sans fruit, quand on y est mal- gré soi. Fénélon. Il est bon de se livrer quelquefois à la solitude ; elle calme l'esprit, elle assure l'innocence, et elle apaise les passions tumultueuses, que le désordre du monde a fait naître. Oxenstiern. On est plus heureux dans la solitude que dans le monde. Cela ne viendrait -il pas de ce que dans la solitude, on pense aux choses, et que dans le monde, on est obligé de s'occuper des hommes? Chamfort. 452 DICTIONNAIRE La solitude tente puissamment la chasteté. Vauvenargues . C'est dans la solitude que toutes les heures lais- sent une trace , que tous les inst* 01 ^ sont représentés par une pensée, que le temps est au sage, et le sage à lui-même. Thomas, La solitude est sans attraits pour la plupart des hommes , parce qu'elle ne leur fournit pas assez de pensées qui leur plaisent. JVicole. La solitude est horrible , dans l'impuissance d'exercer les facultés de son âme. Voltaire. La solitude est à l'esprit , ce que la diète est au corps, mortelle lorsqu'elle est trop longue, quoi- que nécessaire. Vauvenargues. La solitude avec des livres , vaut mieux que la société avec des sots. *** Il faut une tête pleine et une âme forte, pour supporter la solitude. Bacon. Ce n'est que pour l'innocence , que la solitude peut avoir des charmes. Le roi Stanislas. C'est dans les villes les plus peuplées, que l'on peut trouver une plus grande solitude. Bacon. DE MAXIMES. 453 Heureux , et mille fois heureux , celui qui est assez riche de lui-même , pour vivre dans une paisible so- litude , sans autre compagnie que Dieu et ses œuvres ! Bouhours. Le tourbillon du monde étourdit toujours , et la solitude ennuie quelquefois. Voltaire. L'homme qui s'aime trop , et les gens du grand monde, craignent de se trouver seuls : leur conscience et les préjugés les tyrannisent tour à tour -, il faut que le fracas et le tumulte du monde, les étourdis- sent sur leurs propres sentimens. Mais la solitude est pour le sage la source des plaisirs les plus vifs -, c'est là que, délivré du trouble et de l'agitation qu'on trouve dans le tumulte et la dissipation, il jouit de lui-même, il sent la félicité suprême , la satisfaction de sentir et de penser. Le Chev cr de Jaucourt. &o\&. Il y a des gens destinés à être sots , qui ne font pas seulement des sottises par leur choix , mais que la fortune même contraint d'en faire. La Rochefoucauld. Il n'y a point de sots si incommodes que ceux qui ont de l'esprit. La Rochefoucauld. 454 DICTIONNAIRE Un sot n'entre, ni ne sort, ni ne s'assied , ni ne se lève , ni ne se tait, ni n'est sur ses jambes, comme un homme d'esprit. La Bruyère, Quand les sots veulent éviter un excès , il arrive souvent qu'ils tombent dans l'excès opposé. Horace. Un sot, est celui qui n'a pas même assez d'esprit pour être un fat. La Bruyère. Un sot savant, est sot, plus qu'un sot ignorant. Molière. Un sot trouve toujours un plus sot qui l'admire. Boileau. Il y a des sottises bien habillées , comme il y a des sots bien vêtus. Chamfort. Un sot qui a un moment d'esprit, étonne et scan- dalise , comme des chevaux de fiacre au galop. Chamfort. Le sot est automate , il est machine , il est res- sort; le poids l'emporte, le fait mouvoir, le fait tourner, et toujours dans le même sens, et avec la même égalité \ il est uniforme , il ne se dément point 5 qui l'a vu une fois l'a vu dans tous les ins- tans et dans toutes les périodes de sa vie ; c'est tout au plus le bœuf qui meugle , ou le merle qui siffle : il est fixé et déterminé par sa nature, et j'ose dire par son espèce -, ce qui paraît le' moins en lui , c'est DE MAXIMES. 455 son Ame; elle n'agit point, clic ne s'exerce poin! , elle se repose. La Bruyère. Les sots n'apprennent rien de la raison, l'adver- sité peut les instruire. On a vu quelquefois l'impru- dent devenir un sage dans l'infortune. Démocrate. Personne ne se croit propre , comme un sot , à duperies gens d'esprit. Vauvenargucs. On ne plaint pas un homme d'être un sot , et peut- être on a raison ; mais il est fort plaisant d'imaginer que c'est sa faute. Vauvenargucs. Le sot qui a beaucoup de mémoire , est plein de pensées et de faits-, mais il ne sait pas en conclure : tout tient à cela. Vauvenargues. Le sot est comme le peuple, qui se croit riche de peu. Vauvenargues. * Les sots usent des gens d'esprit, comme les petits hommes portent de grands talons. Vauvenargues. On n'est jamais si sot qu'avec les sots 5 on cave au plus fort avec eux. Le prince de Ligne. J'aime les gens d'esprit qui sont bêtes; leur bê- tise est toujours aimable et bonne : mais craignons les sots. Le prince de Ligne. / s 456 DICTIONNAIRE Laissez dire les sots ; le savoir a son prix . La Fontaine. gixticitit. ■ L'homme malheureux sait qu'il est malheureux , et c'est à la fois la preuve de sa grandeur , et la cause de son désespoir. Se reconnaissant destiné au bon- heur, il s'irrite d'une souffrance qui le lui ravit. S'il n'a pas appris à placer ce bonheur en soi-même , il devient furieux contre l'existence qui lui faisait espérer la félicité. Quelquefois même, sa folie l'em- porte jusqu'à vouloir punir la vie d'avoir manqué à sa promesse ; et le suicide prouve si bien notre double nature , qu'il est comme une vengeance d'une partie de nous-mêmes contre l'autre. r Ed. jdlletZy Essai sur l'homme. Le suicide est une mort furtive et honteuse. C'est un vol fait au genre humain. Avant de le quitter, rends-lui ce qu'il a fait pour toi... Mais je ne tiens à rien; je suis inutile au monde... Philosophe d'un jour! ignores-tu que tu ne saurais faire un pas sur la terre, sans trouver quelque devoir à remplir, et que tout homme est utile à l'humanité, par cela seul qu'il existe? J.-J. Rousseau. 11 n'est pas permis à l'homme de quitter la vie , sans l'ordre de celui dont il l'a reçue : ce serait abandonner le poste qui lui a été assigné par Dieu même. Cicéron. DE MAXIMES. 45 7 S'il y a quelques exemples , chez plusieurs peu- ples , du suicide, on ne peut fonder aucune preuve du droit sur des faits , parce que Terreur a beaucoup plus souvent, et plus long-temps régné que la vérité, et que tous les jours , nous ouvrons les yeux sur des préjugés qui avaient aveuglé nos pères» Toutes les pratiques anciennes et modernes, n'empêcheront pas que l'on ne viole les lois de la nature, et que l'on ne soit rebelle à Dieu , en coupant volontaire- ment la trame de ses jours. Fonnej. 0uper*ttitim. La superstition , et toutes les prétendues sciences qui en dérivent, et qui à leur tour la fortifient, telles que l'astrologie , la magie et l'alchimie , ne tiennent pas uniquement à l'ignorance et à l'orgueil, ni à un esprit naturellement faux, bien moins en- core au goût du merveilleux , et à la pusillanimité du caractère , mais à la nature elle-même. Quels que soient les progrès que nous ayons faits dans cette étude, la nature est, et sera toujours, immense et inconnue -, elle nous étonne et nous confond tous les jours par nos propres découvertes 5 elle renverse ce que nous regardions comme nécessaire -, elle nous présente des combinaisons ou des faits que nous ju- gions impossibles ; et souvent, ce que nous appelons ses lois, disparaissent devant une loi supérieure, et 458 DICTIONx\AIRE ne s'offrent plus à nous que comme des excep- tions. Ne pouvant connaître à fond la nature, nous sommes réduits à imaginer, et l'imagination s'at- tend à tout, croit tout, révèle possible et l'impos- sible. L'immensité de la nature, notre étroite et profonde ignorance, les miracles que nous avons déjà observés, et les miracles innombrables qui nous échappent , tout donne aux rêves de l'imagination une activité incroyable , et semble justifier ses con- ceptions les plus bizarres. Sans doute, quand la raison se tait , nous devrions condamner toutes nos autres facultés au silence-, là où nous ne savons plus rien , nous ne devrions pas non plus imagi- ner, et nous tenir sur la limite de notre horizon, sans divaguer au-delà. Mais cette force d'arrêt est rare : le philosophe le plus sage ne l'exerce que par intervalles -, comment l'exiger et l'obtenir de la masse de l'espèce humaine? La superstition résulte donc de l'immensité des inconnues de la nature, que l'homme ne sait, ni dissiper, ni oublier, ni consentir à ignorer entièrement -, et de la tendance de l'homme à placer quelque chose dans cette nuit épaisse , et dans cet océan incommensurable. M. Ancillon. La superstition est un culte de religion , faux , mal dirigé, plein de vaines terreurs, contraire à la raison et aux saines idées qu'on doit avoir de l'Etre suprême : ou, si vous l'aimez mieux, la superstition est cette espèce d'enchantement ou de pouvoir ma- y DE MAXIMES. 459 gique, que la crainte exerce sur notre ame. Fille malheureuse de l'imagination , elle emploie pour la frapper les spectres , les songes et les visions -, c'est elle , dit Bacon , qui a forgé ces idoles du vul- gaire, les génies invisibles, les jours de bonheur ou de malheur, les traits invincibles de l'amour et de la haine. Elle accable l'esprit, principalement dans la maladie ou dans l'adversité -, elle change la bonne discipline et les coutumes vénérables, en mo- meries et en cérémonies superficielles. Dès qu'elle a jeté de profondes racines, elle est capable d'é- teindre les lumières naturelles , et de troubler les têtes les plus saines. Enfin , c'est le plus terrible fléau de l'humanité. L'athéisme même (c'est tout dire) ne détruit point cependant les sentimens na- turels, ne porte aucune atteinte aux lois , ni aux mœurs du peuple ; mais la superstition est un tyran despotique , qui fait tout céder à ses chimères. Ses préjugés sont supérieurs à tous les autres préjugés. Un athée est intéressé à la tranquillité publique , par l'amour de son propre repos -, mais la supersti- tion fanatique , née du trouble de l'imagination , renverse les empires. Delejre. La multitude tient d'autant plus à ses supersti- tions , qu'on fait plus d'efforts pour l'en arracher. L'abbé Barthélémy, Quand une fois les hommes se livrent à la su- 46o DICTIONNAIRE perstition , ils ne font plus de pas que pour aller d'égaremens en égaremens. Condillac. La superstition attribue à des causes surnatu- relles , les choses dont l'ignorance ne permet pas de rendre raison. Condillac. La superstition transforme l'homme en bête , le fanatisme en fait une bête féroce , et le despotisme une bête de somme. La Harpe. La superstition est le plus terrible fléau du genre humain -, elle abrutit les simples , elle persécute les sages, elle enchaîne les nations, et produit partout des maux effroyables. /.-/. Rousseau. La superstition , est un monstre qui a toujours déchiré le sein de sa mère -, c'est un serpent qui en- toure la religion de ses replis , et la souille de son souffle impur. Voltaire. Il n'y a point de superstition qui ne porte son excuse avec elle. P^auvenargues. La piété est différente de la superstition. Pousser la piété jusqu'à la superstition, c'est la détruire. Les hérétiques nous reprochent cette soumission superstitieuse. C'est faire ce qu'ils nous repro- DE MAXIMES. 46i client, que d'exiger cette soumission, dans les choses qui ne sont pas matière de soumission. Pascal. La superstition est une vertu, quand la recon- naissance en est le motif. Pythagore. La superstition , est fille du crime et de la peur. Cicéron, ^^TLe superstitieux a nécessairement le jugement faux , l'âme faible , et parfois le cœur dur : il met une force idéale à la place de la raison. *> Fontenelle. La piété sans lumières , est sujette à dégénérer en superstition. La superstition est à la religion , ce que la lie est au vin , ce que les scories sont aux métaux. B. Franklin. La superstition semble nétre autre chose, qu'une crainte mal réglée de la Divinité. Théophraste. 4G2 DICTIONNAIRE r»^»ï3»^»>'S»'^»^&«&»^»^'^'^>^ o •^•^'^•««^•^•^^•^»^^.«^ï«<^ talent. Que sont les grands talens, que de grands vices, si nous ne les employons que pour nous-mêmes? Que deviennent-ils entre nos mains ? Souvent les instrumens des malheurs publics, toujours la source de notre condamnation et de notre perte. Repassons sur tous les grands talens qui rendent les hommes illustres. S'ils sont donnés aux impies , c'est toujours pour le malheur de leur nation et de leur siècle. Les vastes connaissances , empoisonnées par l'orgueil , ont enfanté ces chefs et ces docteurs célèbres de mensonge qui, dans tous les âges, ont levé l'étendard du schisme et de l'erreur, et formé dans le sein même du christianisme , les sectes qui le déchirent. Ces beaux-esprits si vantés, et qui, par des talens heureux, ont rapproché leur siècle du goût et de la politesse des anciens , dès que leur cœur s'est corrompu , ils n'ont laissé au monde que des ouvrages lascifs et pernicieux, où le poison, préparé par des mains habiles, infecte tous les jours les mœurs publiques, et où les siècles qui nous sui- vront , viendront encore puiser la licence et la cor- ruption du nôtre. Comment ont paru sur la terre ces génies supé- rieurs, mais ambitieux et inquiets, nés pour faire DE MAXIMES. 463 mouvoir les ressorts des Etats et des empires, et ébranler l'univers entier ? Les peuples et les rois , sont devenus le jouet de leur ambition et de leurs intrigues. Les dissensions civiles, et les malheurs do- mestiques , ont été les théâtres lugubres où ont brillé leurs grands talens. Un seul homme obscur, avec les avantages éminens de la nature , mais sans con- science et sans probité , a pu s'élever, dans le dernier siècle , sur les débris de sa patrie ; changer la face entière d'une nation voisine et belliqueuse, si ja- louse de ses droits et de sa liberté -, se faire rendre les hommages que ses citoyens disputent même à leurs rois 5 renverser le trône , et donner à l'univers le spectacle d'un souverain, dont la couronne ne put mettre la tête sacrée, à couvert de l'arrêt inouï qui le condamna à la perdre. Esprits vastes, mais inquiets et turbulens, capa- bles de tout soutenir, hors le repos-, qui tournent sans cesse autour du pivot même qui les fixe et qui les attache , et qui aiment encore mieux ébranler l'édifice, et être écrasés sous ses ruines, que de ne pas s'agiter, et faire usage de leurs talens et de leurs forces : malheur au siècle qui produit de ces hom- mes rares et merveilleux ! Mas sillon. On entend par talent, un certain mouvement im- pétueux et heureux , qui nous porte vers certains objets, et les fait saisir juste, sans avoir aucun be- soin du secours de la réflexion : je dis aucun-, car 164 DICTIONNAIRE pour peu qu'on en ait besoin , c'est autant de ra- battu sur l'essence et sur le mérite du talent. L'es- prit, par opposition au talent, est la raison éclairée, qui examine les objets , les compare , en fait choix à son gré , et y met autant de temps qu'elle le juge nécessaire. Le talent est comme indépendant de nous ; et ses opérations semblent avoir été produites en nous par quelque être supérieur, qui nous a fait l'honneur de nous choisir pour ses instrumens : d'ailleurs , elles sont promptes ; ce qui a encore très-bonne grâce. Pour ce qu'on appelle esprit , ce n'est que nous. Nous sentons trop que c'est nous qui agissons; la difficulté et la lenteur des exécutions ne nous permettent pas de l'ignorer. Voilà les causes de cette préférence que l'on donne volontairement au talent sur l'esprit; car la raison humaine, souvent trop orgueilleuse , peut aussi quelquefois être trop humble. Fontenelle. La nature semble avoir partagé des talens divers aux hommes , pour leur donner à chacun leur em- ploi, sans égard à la condition dans laquelle ils sont nés. J.-J. Rousseau. Pour suivre son talent, il faut le connaître. Est-ce une chose aisée de discerner toujours les talens des hommes ? et à l'âge où l'on prend un parti , si l'on a tant de peine à bien connaître ceux des enfans qu'on a le mieux observés , comment celui dont DE MAXIMES. 465 l'éducation aura été négligée, saura- 1- il de lui- même distinguer tes siens ? Rien n'est plus équi- voque que les signes d'inclination qu'on donne dès l'enfance -, l'esprit imitateur y a souvent plus de part que le talent • ils dépendent plutôt d'une ren- contre fortuite, que d'un penchant décidé, et le penchant même n'annonce pas toujours la disposi- tion. /.-/. Rousseau. On n'a des talens que pour s'élever , personne n'en a pour descendre-, est-ce bien là l'ordre de la nature? /.-/. Rousseau. Quand chacun connaîtrait son talent , et voudrait le suivre, combien le pourraient? combien sur- monteraient d'injustes obstacles? combien vain- craient d'indignes concurrens ? Celui qui sent sa fai- blesse, appelle à son secours" le manège et la brigue, que l'autre , plus sûr de lui , dédaigne. J.-J. Rousseau. S'il existait une société, où les emplois et les rangs fussent exactement mesurés sur les talens et le mé- rite personnel , chacun pourrait aspirer à la place qu'il saurait le mieux remplir ; mais il faut se con- duire par des règles plus sûres , et renoncer au prix des talens, quand le plus vil de tous, est le seul qui mène à la fortune. /.-/. Rousseau. Les talens des hommes sont , comme les vertus , 3o 466 DICTIONNAIRE des drogues que la nature nous donne pour guérir nos maux, quoique son intention soit que nous n'en ayons pas besoin. Il y a des plantes qui nous empoisonnent , des animaux qui nous dévorent , des talens qui nous sont pernicieux. S'il fallait tou- jours employer chaque chose selon ses principales propriétés , peut-être ferait-on moins de bien que de mal aux hommes. /.-/. Rousseau, On doit se consoler de n'avoir pas les grands ta- lens , comme on se console de n'avoir pas les grandes places. On peut être au-dessus de l'un et de l'autre par le cœur. Vauvenargues. Ne forçons point notre talent ; Nous ne ferions rien avec grâce. La Fontaine. Le talent, disgracié dans les temps de calme, est rappelé dans les jours de péril. O* de Ségur. Nos plus sûrs protecteurs sont nos talens. V auvenargues . Les vues courtes , je veux dire les esprits bornés et resserrés dans leur petite sphère , ne peuvent comprendre cette universalité de talens, que l'on remarque quelquefois dans un même sujet : où ils voient l'agréable , ils en excluent le solide ; où ils croient découvrir les grâces du corps , l'agilité , la souplesse , la dextérité , ils ne veulent plus y ad- DE MAXIMES. 4 G 7 mettre les dons de l'âme, la profondeur, la ré- flexion , la sagesse -, ils ôtent de l'histoire de So- crate qu il ait dansé. La Bruyère. Personne ne peut mieux prétendre aux grandes places, que ceux qui en ont les talens. Vauvenargues. Les grands malheurs, font sentir le besoin des grands talens. „ O e de Ségur. La nature a donné aux hommes des talens divers. Les uns naissent pour inventer, et les autres pour embellir -, mais le doreur attire plus de regards que l'architecte. Vauvenargues. Les talens militaires périssent les derniers dans la décadence des peuples. C le de Ségur. Tous les talens réunis ne valent pas une vertu. Toussaint. Les talens donnent l'indépendance. Tous les hommes ne sont pas nés pour les grands talens , et je ne crois pas qu'on puisse regarder cela comme un malheur, puisqu'il faut que toutes les conditions soient conservées, et que les arts les plus nécessaires ne sont ni les plus ingénieux , ni les plus honorables. Vauvenargues, / 468 DICTIONNAIRE Entre esprit et talent, il y a la proportion du tout à sa partie. La Bruyère. Talent, goût, esprit, bon sens : choses diffé- rentes , mais non incompatibles. La Bruyère, Il y a de méchantes qualités qui font de grands talens. La Rochefoucauld. Le talent est rare , la vanité crédule , l'amitié trompeuse, la gloire séduisante \ elles multiplient les écrivains médiocres. M. Villemain. L'enthousiasme public lait éclore des talens in- connus. Raynal. 11 est plus honnête et plus glorieux de s'avancer par ses talens, que par ses amis. Comme nous agissons plus d'après nos sensa- tions, que d'après nos réflexions, les talens de l'ima- gination auront toujours plus d'attraits pour nous que les conseils de la raison, sa rivale. L'abbé Barthélémy. Les grands talens sont toujours nécessairement rares, surtout quand le goût et l'esprit d'une nation sont formés : il en est alors des esprits cultivés , comme de ces forêts où les arbres pressés et élevés , ne souffrent pas qu'aucun porte sa tête trop au- DE MAXIMES. 4flg dessus des autres. C'est précisément parce qu'il y a beaucoup d'esprit eu France, qu'on y trouvera do- rénavant moins de génies supérieurs. Voltaire. 11 arrive quelquefois que des talens médiocres, de faibles connaissances, que l'on ne compterait pour rien dans les personnes obligées par état à en avoir de cette espèce, brillent beaucoup dans «eux que leur état n'y oblige pas : ces talens et ces con- naissances font fortune, pour n'être pas à leur place ordinaire. Fontenelle. Qemy*. Le temps bien ménagé, est beaucoup plus long (pie n'imaginent ceux qui ne savent guère que le perdre. Fontenelle. Le philosophe sait multiplier le temps, par l'in- dustrie singulière avec laquelle il le distribue. Les grands plaisirs changent les heures en momens , mais l'art des sages est de changer les momens en heures. Fontenelle. Le temps est comme l'argent : n'en perdez pas , vous en aurez assez. M. de Lévis. Le temps est un fleuve et un torrent impétueux. Dès qu'une chose paraît , on la perd aussitôt de vue , 4 7 © DICTIONNAIRE et celle qui prend sa place, est entraînée avec la même rapidité. Marc-Aurèle. Le temps est un bien dont on est économe ou pro- digue : les uns sont en état de rendre compte de l'em- ploi qu'ils en ont fait -, il ne reste à d'autres rien qui puisse justifier leur dépense. Aussi je ne trouve rien de plus honteux, qu'un vieillard qui n'a d'au- tres preuves d'avoir vécu long-temps , que son âge. Sénèque. Le temps, qu'on ne possède qu'avec dégoût, qu'on. ne perd qu'avec amertume , cet être impalpa- ble et invisible , est le seul bien qui soit le propre de l'homme. Tout en nous appartient à la fortune \ le temps seul nous ^appartient , et savoir l'employer , c'est arracher les aiguillons venimeux de la vie et de la mort $ c'est suivre la nature dans les sentiers de la paix. Young. La perte du temps est la plus grande des prodiga- lités, puisque le temps perdu ne se retrouve jamais, et que ce que nous appelons assez de temps , se trouve toujours trop court. B. Franklin. Employez bien votre temps, si vous voulez méri- ter le repos , et ne perdez pas une heure , puisque vous n'êtes pas sûrs même d'une minute. B. Franklin. On n'est pas né pour la gloire, lorsqu'on ne con- naît pas le prix du temps. Vauvenargues. DE MAXIMES. l\v Le temps est précieux , mais on n'en connaît pas le prix. Nos amis nous le demandent comme si ce n'était rien, et nous le donnons de même; souvent il nous est à chargé; nous ne savons qu'en faire , nous en sommes embarrassés, tandis que nous devrions être si circonspects sur son usage et son bon emploi. Fehélon. Dieu attacha le plaisir à l'emploi du temps , et la peine à sa perte. Young. Le temps use Terreur, et polit la vérité. M. de Lévis. On ménage son crédit , son argent , ses amis , la faveur des grands , et l'on prodigue le temps, dont la perte est irréparable. Aristote. Notre temps, nous le donnons à tout le monde 5 nous l'exposons , pour ainsi dire , en proie à tous les hommes. M as sillon. Le temps, ce bien plus sacré, plus précieux que l'or, est pour l'homme un fardeau plus pesant, et plus vil que le plomb. Young. / Soyons avares du temps -, ne donnons aucuns de nos momens sans en recevoir la valeur ; ne laissons sortir les heures de nos mains qu'avec épargne , qu'a- vec fruit, qu'avec autant de regret que quand nous donnons notre or; ne souffrons pas qu'aucun de 4 7 2i DICTIONNAIRE nos jours s'écoule, sans avoir grossi le trésor de nos connaissances et de nos vertus. L'usage du temps est une dette que nous contractons en naissant, et qu'il faudra payer avec les intérêts que notre vie stérile a entassés. Le Tourneur. Le temps dont nous pouvons disposer , nous l'a- bandonnons à la folie : celui qui est encore dans l'avenir, nous l'assignons à la sagesse. Young. Le regret qu'ont les hommes du mauvais emploi du temps qu'ils ont déjà vécu, ne les conduit pas toujours à faire de celui qui leur reste à vivre un meilleur usage. La Bruyère. Il y a beaucoup de gens qui ne savent pas perdre leur temps tout seuls : ils sont le fléau des gens occu- pés, M. de Bonald. Il n'y a rien que le temps n'adoucisse , ou ne sur- monte. Publius Sjrus. On perd tout le temps qu'on peut mieux em- ployer. /.-/. Rousseau. Le temps marche à pas de voleur, jour et nuit. Shakspeare. Ce temps si précieux nous est à charge ; toute notre vie n'est qu'un art continuel de le perdre , DE MAXIMES. cl maigre toutes nos attentions à le dissiper , il nous en reste toujours assez pour ne savoir encore qu'en faire -, et la chose dont nous faisons le moins de cas sur la terre, c'est de notre temps. Massillon. La plupart des hommes , échangent leur temps et leurs travaux contre la fortune. L'abbé Barthélémy. L'homme, entraîné par le torrent du temps, ne peut rien pour sa propre durée. Buffoiu Celui qui ne perd pas de temps en a beaucoup. Fontenelle. Ne soyez pas envieux du temps. M. Necker. Le temps n'a point d'ailes pour le captif. M . Jouy, Nous employons la plus grande partie de notre temps à passer le temps. Le présent, est la seule partie du temps qui nous appartienne -, le passé n'est plus rien pour nous , et l'avenir ne nous sera peut-être pas donné : à quoi peut nous servir, au bord de la tombe, de regretter notre berceau ? C le de Ségur. IvoamL Le travail est la vie de l'homme. Voltaire. 474 DICTIONNAIRE Le travail paie les dettes, et le désespoir les aug- mente. B. Franklin. Le fruit du travail , est le plus doux des plaisirs. V auvenargues . Si l'ennui nous gagne , courons au travail -, le re- mède est infaillible. Young. Le travail est une meilleure ressource contre l'en- nui , que les plaisirs. L'abbé Trublet. La joie est un fruit qui ne peut croître que dans le champ du travail. Young. Travail , noble soutien de l'indépendance , seul bien que l'injustice des hommes ne saurait nous ravir, tu nous délivres du malheur de l'oisiveté , et tu nous fais goûter les douceurs du repos. M. de Lévis. Pour l'homme instruit, l'intervalle du travail au travail , n'est pas un temps perdu. M. Arnault. Le travail et le plaisir, très-dissemblables de na- ture, s'associent pourtant de je ne sais quelle jonc- ture naturelle. Montaigne. La santé, la vigueur d'esprit, la paix du cœur, sont les fruits touchans du travail. Vauvenargues. DE MAXIMES. ty Travaille, tu dois payer ta vie par tes travaux. Le paresseux fait un vol à la soeiélé. Phocjlide. Le travail est le père de toutes les vertus , comme l'oisiveté est la mère de tous les vices. Le travail fortifie le corps , maintient la santé , prolonge la vie, et fait paraître le temps court; parce que le travail est dans Tordre de la nature. L'oisiveté , au contraire , porte les marques visibles de la réproba- tion divine : elle engendre la mollesse et l'ennui , les maladies et la misère -, elle induit le riche à tous les vices, et le pauvre à tous les crimes. B. Franklin. Travaillez, prenez de la peine : C'est le fonds qui manque le moins. La Fontaine. La gloire arrive, lorsque le travail a frayé le che* min. Publiiis Sjrus. Le travail le plus ingrat qui existe , est celui de corriger l'ouvrage d'un autre. Louis XVIII. Celui qui joint l'habitude du travail à celle des bonnes mœurs , est un être respectable. M. Boinvïlliers. Le goût du luxe et des commodités de la vie, donne l'amour du travail, qui les procure, et qui fait la prospérité des États. RajnaL 4j0 DICTIONNAIRE Dans les villes , sont les travaux utiles ; et dans les campagnes , les travaux nécessaires. }r Montesquieu. Le travail modéré fortifie, le travail excessif ac- cable. Rajnal. On ne travaille que pour jouir ; cette alternative de peine et de jouissance , est notre véritable vocation. /.-/. Rousseau. DE MAXIMES. 477 M#a$C0. On n'offense jamais plus les hommes , que lors- qu'on choque leurs cérémonies et leurs usages. Montesquieu. Les coutumes les plus absurdes, les étiquettes les plus ridicules, sont, en France et ailleurs, sous la protection de ces mots : c'est l'usage. C'est préci- sément ce que répondent les Hottentots , quand les Européens leur demandent pourquoi ils mangent des sauterelles, pourquoi ils dévorent la vermine dont ils sont couverts. Ils disent aussi : c'est l'usage. Chamfort. 11 est mille choses qui , sans être prescrites par la loi, ni autorisées par aucune action, sont pour- tant exigibles par l'usage , plus puissant que toutes les lois. Sénèque. Les biens d'un homme ne sont pas dans ses cof- fres, mais dans l'usage qu'il en tire. /.-/. Rousseau. La nature ne nous donne et ne nous refuse aucune vertu-, elle ne nous accorde que des facultés dont elle nous abandonne l'usage. L'abbé Barthélémy. Il est quelquefois plus à propos de se conformer à un mauvais usage, que de se distinguer, même par quelque chose de bon. Dumarsais. 4 7 B DICTIONNAIRE fcanit i. Vain veut dire vide -, ainsi , la vanité est si misé- rable, qu'on ne peut guère lui dire pis que son nom. Elle se donne elle-même pour ce qu'elle est. Chamfort. La vanité se joue de la vie des hommes, ainsi que de tout le reste. Un père laisse le plus d'en- fans qu'il peut, afin de perpétuer son nom. Un conquérant, afin de perpétuer le sien, extermine le plus d'hommes qu'il lui est possible. Fontenelle. Il faut avoir bien de la vanité, pour ne pas con- naître sa faiblesse. Saint-Évremont. Les hommes sans passions, sans vertus et sans vices, n'ont qu'un seul sentiment : la vanité mal déguisée. Condor cet. Tous les ridicules des hommes ne caractérisent peut-être qu'un seul vice, qui est la vanité. Et comme les passions des esprits frivoles sont subor- données à cette faiblesse , c'est probablement la rai- son pourquoi il y a si peu de vérité dans leurs ma- nières, dans leurs mœurs et dans leurs plaisirs. La vanité est ce qu'il y a de plus naturel dans les hom- DE MAXIMES. 479 mes , et ce qui les fait sortir le plus souvent de la nature. V auvenargues . Ce qui nous rend la vanité des autre.; insupporta- ble, c'est qu'elle blesse la nôtre. La Rochefoucauld '. l^a vanité, est le premier intérêt des riches. J^auvenargues. La vanité est annexée à l'humaine nature , l'hom- me en est pétri 5 nos pensées , nos entretiens en sont la preuve. Charron. La vanité ne peut venir que d'ignorance -, l'homme vain est un aveugle qui se méconnaît lui-même. 11 ressemble à l'oiseau dont on a crevé les yeux-, vous le voyez s'élever dans les nues, et voler avec plus d'audace, parce qu'il vole dans les ténèbres. Young. Les passions les plus violentes nous laissent quel- quefois du relâche , mais la vanité nous agite tou- jours. La Rochefoucauld. La vanité ne produit rien de bon, et de l'orgueil n'attendez que des vices. J.-J. Rousseau. La vanité est l'amour-propre qui se montre ; la modestie est l'amour-propre qui se cache. Qui ne songe point à lui , n'est ni vain ni modeste. Fontenelle. / /jSo DICTIONNAIRE La vanité nous fait faire plus de choses contre notre goût, que la raison. La Rochefoucauld. S'il est quelqu'un que la vanité a rendu heureux , à coup sûr, ce quelqu'un était un sot. J.-J. Rousseau. Les hommes hauts et vains , sont semblables aux épis de blé -, ceux qui lèvent le plus la tête sont les plus vides. La fausse modestie est le dernier raffinement de la vanité j elle fait que l'homme vain ne paraît point tel , et se fait valoir au contraire par la vertu oppo- sée au vice qui fait son caractère : c'est un mensonge. La fausse gloire est l'écueil de la vanité; elle nous conduit à vouloir être estimé par des choses qui, à la vérité, se trouvent en nous , mais qui sont frivo- les , et indignes qu'on les relève : c'est une erreur. La Bruyère. On ne voit pas mieux le ridicule de la vanité, et combien elle est un vice honteux , qu'en ce qu elle n'ose se montrer , et qu'elle se cache souvent sous les apparences de son contraire. La Bruyère. Les hommes sans passions , sans vertus , et sans vices, n'ont qu'un seul sentiment; la vanité mal déguisée. Condorcet. Une vanité connue déplaît moins, quand elle se DE MAXIMES. 48 1 montre avec simplicité , que quand elle cherche à se couvrir du voile de la modestie. Roubaud. La vanité de l'homme est la source de ses plus grandes peines ; et il n'y a personne de si parfait et de si l'été , à qui elle ne donne encore plus de chagrin que de plaisir. /.-/. Rousseau. Les cours seraient désertes, et les rois presque seuls, si l'on était guéri de la vanité et de l'intérêt. La Bruyère. Les lambris dorés, le luxe, et la magnificence, n'annoncent que la vanité de celui qui les étale. J.-J. Rousseau. La vanité des petits autorise l'orgueil des grands. Mirabeau. Si la charité disposait des trésors dépensés par toutes les vanités, même la vanité religieuse, il n'y aurait plus de pauvres. *** bMtt. La vérité est une reine qui a dans le ciel son trône éternel , et le siège de son empire dans le sein de Dieu. 11 n'y a rien de plus noble que son domaine, puisque tout ce qui est capable d'entendre, en re- lève , et qu'elle doit régner sur la raison même , qui a été destinée pour régir et gouverner toutes choses. Bossue t. La vérité , cette lumière du ciel , est la seule chose 3i # 482 DICTIONNAIRE ici-bas qui soit digne des soins et des recherches de l'homme. Elle seule est la lumière de notre esprit, la règle de notre cœur , la source des vrais plaisirs , le fondement de nos espérances, la consolation de nos craintes , l'adoucissement de nos maux , le re- mède de toutes nos peines : elle seule est la source de la bonne conscience , la terreur de la mauvaise , la peine secrète du vice , la récompense intérieure de la vertu : elle seule immortalise ceux qui l'ont aimée, illustre les chaînes de ceux qui souffrent pour elle , attire les honneurs publics aux cendres de ses martyrs et de ses défenseurs , et rend respectable l'abjection et la pauvreté de ceux qui ont tout quitté pour la suivre : enfin, elle seule inspire des pensées magnanimes, et forme des âmes héroïques. Tous nos soins devraient donc se borner à la connaître , tous nos talens à la manifester , tout notre zèle à la défendre : nous ne devrions donc chercher dans les hommes que la vérité, et ne souffrir qu'ils voulus- sent nous plaire que par elle : en un mot, il semble qu'il devrait suffire qu'elle se montrât à nous pour se faire aimer, et qu'elle nous montrât à nous-mê- mes, pour nous apprendre à nous connaître. M as sillon. Quoiqu'il n'y ait rien de si naturel à l'homme que d'aimer et de connaître la vérité, il n'y a rien qu'il aime moins , et qu'il cherche moins à connaître. Il Craint de se voir tel qu'il est , parce qu'il n'est pas tel qu'il devrait être 5 et pour mettre à couvert ses DE MAXIMES. 483 défauts, il couvre et flatte ceux des autres. Le monde ne subsiste plus que par ces complaisances mutuelles; il semble que l'esprit de mensonge soit répandu sur tous les hommes; on n'a plus ni le courage de dire la vérité , m la force de l'écouter; la sincérité* passe pour incivilité et pour rudesse ; il n'y a presque plus d'amitié qui soit à l'épreuve de la franchise d'un ami : l'esprit, fécond en déguisemens, s'étudie à dé- figurer, selon ses besoins et ses intérêts, tantôt les vices, tantôt les vertus; et la parole, qui est l'image, de la raison et comme le corps de la vérité, est de- venue l'organe de la dissimulation et du mensonge. Fléchie r. Telle est la destinée de la vérité sur la terre : si elle a des amis sincères , qui la défendent avec cou- rage , elle a aussi des ennemis ardens , qui la com- battent avec acharnement; sa lumière, en même temps qu'elle charme les esprits dociles, irrite les esprits superbes. Le propre de la vérité, c'est de combattre tous les vices et toutes les erreurs ; et dès- lors, faut-il s'étonner qu'on voie s'armer contre elle toutes les passions et tous les préjugés? C'est un talent bien déplorable que celui que nous avons tous, plus ou moins, de répandre des ténèbres sur les choses les plus claires , de nous embarrasser nous-mêmes dans nos propres subtilités, et de réus- sir, plus d'une lois, à donner un faux jour de vrai- semblance aux paradoxes les plus révoltans. M. Frayssinous. 484 DICTIONNAIRE i La vérité est comme les métaux que l'art ne crée point, mais qu'il purifie. Duclos. Les plus grandes vérités sont ordinairement les plus simples. Malesherbes. L'intérêt personnel fait déguiser la vérité aux rois : l'esprit de parti fait qu'on la dissimule à soi- même. Malesherbes. La vérité est quelquefois complice de la calom- nie. Malesherbes. La vérité est donc bien redoutable pour ceux qui gouvernent, puisque l'on fait tant d'efforts pour l'empêcher de parvenir jusqu'au trône ! Malesherbes. La vérité est le premier besoin de l'homme -, l'er- reur est la source la plus commune de toutes ses fautes , et de tous ses malheurs. C le de Ségur. Le premier trait de la corruption des mœurs , est le bannissement de la vérité. Montaigne. Il n'appartient qu'aux âmes grandes et fortes, de faire de la vérité le principal objet de leurs passions. V auvenargues . La vérité peut être comparée à un paysage im- mense, dont la perspective, les formes, les nuances, varient à l'infini , suivant le point de vue d'où on le considère. Weiss. DE MAXIMES. 4*35 La vérité ne l'ait pas tant de bien dans le monde , que ses apparences y font de mal. La Rochefoucauld. Une vérité qu'on nous dit nous l'ait plus de peine que cent que nous nous dirions à nous-mêmes; on est moins humilié du fond des vérités, que flatté de savoir se les dire. Ce qui vient d f autrui blesse tou- jours un peu. Fénélon. Le plaisir peut s'appuyer sur l'illusion, mais le bonheur repose sur la vérité. 11 n'y a qu'elle qui puisse nous donner celui dont la nature humaine est susceptible. L'homme heureux par l'illusion, a sa fortune en agiotage-, l'homme heureux parla vérité, a sa fortune en fonds de terre, et en bonnes consti- tutions. Chamfort. Quand la vérité ne choque pas , elle excite l'ad- miration, et la porte jusqu'à l'enthousiasme. O e de Ségur. L'homiflte qui sait dire la vérité aux rois est un phénomène rare; sa mort est une perte irréparable. C te de Ségur. 11 y a bien peu de gens pour qui la vérité ne soit pas une sorte d'injure. Q* de Ségur. Tout écrivain moral doit se résoudre , s'il veut être lu, à déguiser, ou du moins à parer la vérité : quand on se borne à la faire respecter , on lui rend 486 DICTIONNAIRE un faible service; l'essentiel est de la faire aimer, c'est le vrai moyen d'étendre son empire. C le de Ségur. La vérité, sur les ailes du temps, marche, s'a- vance -, et son flambeau , qui chasse les ombres de l'erreur, brûle tous les imprudens qui repous- sent la lumière, et qui osent s'en approcher pour l'éteindre. C ie de Ségur. Soutenir la vérité par la violence, c'est lui prêter les armes du mensonge et de l'erreur. C le de Ségur. La vérité devrait vivre , et passer de siècle en siècle, transmise par la tradition , comme un héri- tage qui appartient à la postérité. Shakspeare. La vérité est pour les sots, un flambeau qui luit dans le brouillard , sans le dissiper. Helvétius. La vérité n'a besoin ni d*instruction ni d'essais \ elle est née, pour ainsi dire, avec nous^A moins que de corrompre son naturel, on est véritable. Saint-Evremont. C'est le temps qui met au jour la vérité. Souvent elle se montre, lorsqu'on ne pense pas à la chercher. Ménandre. La vérité , fille du temps , obtient tout de son père. Ce qui est vrai, Test malgré nous*, mais ce que DE MAXIM KS 487 nous inventons est notre ouvrage. Aussi l'on s'en- dort sur la vérité, et l'on meurt pour ses rêves. M. Lemojitej. La vérité est comme la lumière : elle n'arrive ja- mais que mêlée avec un autre élément ; sans quoi, l'œil de l'homme ne pourrait jamais la supporter. M, Lemontey. ttrrtu. il n'y a réellement qu'une sorte d'égalité qui dé- pende de l'homme \ c'est celle des vertus. Malesherbes. L'homme vicieux peut parler de la vertu : il n'ap- partient qu'à l'homme honnête de la faire sentir. Malesherbes. Quand on connaît les limites de la vertu , qu'on ne s'exagère point ses devoirs , on est incapable de les violer. Duclos. Il faut de plus grandes vertus, pour soutenir la bonne fortune, que la mauvaise. La Rochefoucauld. Plus on est vertueux , plus on est éloigné d'en tirer vanité , et plus on est persuadé qu'on ne fait que son devoir ; la vertu ne donne point d'orgueil. Duclos. Les vertus se perdent dans l'intérêt $ comme les fleuves se perdent dans la mer. La Rochefoucauld. 488 DICTIONNAIRE L'utilité de la vertu est si manifeste , que les mé- dians la pratiquent par intérêt. J^aiwenargues. La gloire est la preuve de la vertu. Kauvenargues . Le nom de la vertu sert à l'intérêt aussi utilement que le vice. La Rochefoucauld, La vertu ne s'inspire point par la violence. Vauvenargues. La vertu n'est point un trafic , mais une richesse. Vauvenargues. La vertu d'un homme ne doit pas se mesurer par ses efforts , mais par ce qu'il fait d'ordinaire. Pascal. Il y a , dans la véritable vertu, une candeur et une ingénuité que rien ne peut contrefaire, et à laquelle on ne se méprend point. Fénelon. Ce n'est pas assez de connaître la vertu , il la faut aimer \ ce n'est pas encore assez de l'aimer, il la faut pratiquer. Confucius. Tout est mortel dans l'homme , excepté la vertu. Elle seule éternise la durée des plaisirs qu'elle pro- cure, et les rend immortels comme elle. Young. Il n'y que la vertu seule dont personne ne peut mal user, parce qu'elle ne serait plus vertu, si l'on en faisait un mauvais usage. Bossuet. DE MAXIMES. 489 Une famille vertueuse est un vaisseau tenu, pen- dant la tempête, par deux ancres , la religion et les mœurs. Montesquieu. /' Quelque méchans que soient les hommes, ils n'o- sent paraître ennemis de la vertu ; et lorsqu'ils la veu- lent persécuter, ils feignent de croire qu'elle est fausse, ou ils lui supposent des crimes. La Rochefoucauld. La vertu tire sa gloire des persécutions qu'elle en- dure , comme un drapeau de guerre tire son lustre de ses lambeaux déchirés. Rivarol. Plus on est vertueux, plus on a de peine à soup- çonner la vertu des autres. Cicéron. La vertu a cela d'heureux qu'elle se suffit à elle- même, et qu'elle sait se passer d'admirateurs, de partisans et de protecteurs, La Bruyère. S'il est ordinaire d'être vivement touché des cho- ses rares, pourquoi le sommes-nous si peu de la vertu ? La Bruyère. On voit se soutenir la vertu persécutée et hono- rée , mais rarement la vertu persécutée et méprisée. Helvétius. La vertu ne veut être suivie que pour elle-même-, si on emprunte parfois son masque pour une autre 4 9 o DICTIONNAIRE occasion, elle nous l'arrache aussitôt du visage. C'est une vive et forte teinture, quand l'âme en est une fois abreuvée, et qui ne s'en va qu'elle n'emporte la pièce. Montaigne. Les vertus d'éclat sont celles qu'on aime à prati- quer, vivre chez soi dans la méditation des vérités utiles, remplir son état, et ne régler que soi ou sa famille; vertu rare, sublime, difficile, mais obs- cure et dont on ne fait point de cas. Saint- RéaL /La vertu a beaucoup de prédicateurs, et peu de ^martyrs. Helvétius. Les vertus de l'homme heureux sont agréables et faciles. Les vertus du malheureux sont difficiles et fâcheuses. L'homme heureux n'a qu'à s'abandonner à ses vertus , et il faut que le malheureux se sacrifie aux siennes. Saijit-Evremont. La vertu ne laisse pas que de réussir quelquefois ; mais ce n'est qu'à force de temps , et d'épreuves redoublées. Fontenelle. La vertu n'entre que dans une âme cultivée , éclai- rée, perfectionnée par un exercice continuel; nous naissons pour elle, mais non pas avec elle. Les hom- mes les plus heureusement nés ont , avant l'instruc- tion, des dispositions à la vertu, mais ne sont pas vertueux. Sénèque. DE MAXIMES. 4 9 i Si la vertu se suffisait à elle-même, elle ne serait plus une qualité humaine, mais surnaturelle. / 'auvenargues . Les plaisirs, les honneurs , les riehesses , tout nous abandonne au dernier moment-, la vertu seule nous suit : elle est eneore avec nous , lors même que nous ne sommes plus. Saadi. C'est le vice qui fait ressortir la vertu, comme la tempête fait ressortir l'éclat d'un beau jour. La gé- nérosité brille davantage à côté de l'avarice -, la pu- reté des mœurs, à côté de la débauche -, la clémence paraît plus magnanime, au milieu des fureurs de la vengeance 5 la paix domestique semble plus tou- chante, au milieu des discordes qui, trop souvent, agitent les familles. Ainsi l'on peut dire sans exagérer que, dans le monde moral comme dans le monde physique, il est une sorte de beauté qui vient des oppositions et des contrastes. M. Frajssinous. Celui qui possède la vertu , parlera toujours assez bien pour la recommander aux autres ; mais celui qui parle bien de la vertu , ne la possède pas tou- jours. Confucius. Tout a changé sur la terre-, la vertu seule ne change jamais. Elle est semblable a la lumière du soleil, qui ne tient presque rien de la nature con- nue, et qui est toujours pure, toujours immuable, 4 9 * DICTIONNAIRE quand tous les élémens se confondent sans cesse. 11 ne faut qu'ouvrir les yeux pour bënir son auteur. Voltaire. On ne peut voir la vertu sans l'aimer, et Ton ne peut l'aimer sans être heureux. Fénélon. La vertu surmonte tout , quand elle est douce , simple , ingénue et modeste. Fénélon. La vertu donne la véritable politesse; on doit préférer une vertu sans tache à une longue vie. Fénélon. L'exercice de la vertu , élève et nourrit le génie. /.-/. Rousseau. La vertu est un état de guerre -, et pour y vivre, on a toujours quelque combat à rendre contre soi. /.-/. Rousseau. L'exercice des vertus sociales, porte au fond des cœurs l'amour de l'humanité-, c'est en faisant le bien qu'on devient bon. /.-/. Rousseau. Vertu signifie force. Il n'y a point de vertu sans combat, il n'y en a pas sans victoire. La vertu ne consiste pas seulement à être juste , mais à l'être en triomphant de ses passions , en régnant sur son pro- pre cœur. J.-J. Rousseau. La vertu ne donne pas le bonheur, mais elle seule apprend à en jouir quand on l'a : la vertu ne ga- DE MAXIMES. 4 9 3 rantit pas des maux de cette vie, et n'en procure pas les biens-, c'est ce que ne fait pas non plus le vice avec toutes ses ruses 5 niais la vertu fait porter plus patiemment les uns, et goûter plus délicieusement les autres. J.-J. Rousseau. On ne peut jouer long-temps la vertu. C le de Se'gur. Chez les peuples corrompus , la vertu brille en- core quelquefois , mais sans éclairer. C le de Ségur. Il ne peut exister de bons citoyens , là où Ton ne croit pas fermement à la vertu. C le de Ségur. Le sort de la vertu est d'être presque toujours dupe du vice. C te de Ségur. L'obscurité convient seule à la vertu, dans les temps de tyrannie. C te de Ségur. Quand la vertu sort d'une source obscure , son obscurité est illustrée par les actions et le mérite de l'homme. L'honneur sans la vertu , et qui n'est formé que de vains titres de grandeur et de no- blesse, n'est qu'une enflure hydropique. Ce qui est bon par lui-même , est bon sans nom et sans titres ; et ce qui est vil reste toujours vil , malgré les titres. Shakspeare. 4 9 4 DICTIONNAIRE ii Il est des hommes qui ne peuvent pas plus réus- sir avec leurs vices, que d'autres avec leurs vertus. Malesherbes. C'est pour ne pas exclure les vices, qu'on les re- vêt d'un nom honnête. Malesherbes. Il en coûte plus cher pour entretenir un vice, que pour élever deux enfans. B. Franklin. Le vice est un parfait ouvrier de malheur. Les autres tyrans paient des bourreaux, inventent des fers chauds, des tenailles, des tortures. Mais le vice, sans aide et sans appareil d'outils , sitôt qu'il s'at- tache à l'âme , la brise , l'accable et la ruine -, il rem- plit l'homme de douleurs , de lamentations, de ran- cunes , de regrets et de repentance. Plutarque. Il y a des vices qui ne tiennent à nous que par d'autres , et qui , en ôtant le tronc , s'emportent comme des branches. Pascal. On ne méprise pas tous ceux qui ont des vices $ mais on méprise ceux qui n'ont aucune vertu. La Rochefoucauld. Il y a autant de vices qui viennent de ce qu'on ne s'estime pas assez , que de ce que l'on s'estime trop. Montesquieu. DE MAXIMES. 4 9 5 Le premier pas dans le vice mène insensiblement jusqu'au crime, et l'homme aveugle n'aperçoit le précipice qu'après y être tombé. Fénélon. L'habitude du vice peut bien affaiblir, mais ja- mais étouffer tout-à-fait la voix du remords. Yowig. Les vices entrent dans la composition des vertus, comme les poisons entrent dans celle des remèdes. La prudence les assemble, et les tempère. Duclos. L'indulgence pour le vice est une conspiration contre la vertu. L'abbé Barthélémy. S'il est vrai qu'on ne peut anéantir le vice , la science de l'homme est de le faire servir à la vertu. Vauvenargues. Pour se soustraire au vice , il faut le remplacer par une vertu , et non par le vice contraire : n'imi- tons pas ceux qui se corrigent de la timidité par l'impudence , de la rusticité par la bouffonnerie, de la honte par l'insolence , de la mollesse par la féro- cité. On voit des gens qui se croient bien corrigés , quand de superstitieux ils se sont faits athées, quand de simples ils sont devenus fourbes; comme ces ouvriers maladroits qui, pour dresser un bâton, le courbent de l'autre côté. Plutarque. Nul vice n'est renfermé en lui-même. Sénèque. 496 DICTIONNAIRE On se trompe , si Ton regarde comme des vices propres à notre siècle , le luxe , l'oubli des mœurs , et les autres déréglemens que chaque déclamateur impute à l'âge où il vit. Ce sont les vices des hommes, et non des temps. Sénèque. Si nous déracinions chaque année un seul vice , bientôt nous serions parfaits. Imitation de J.-C. Le sage corrige ses vices, en voyant ceux d' autrui. Publias Sjrus. Il n'y a point de vice qui ne cherche à se couvrir par quelques excuses. Publius Sjrus. Le vice ne peut jamais croire à l'existence de la vertu. C u de Ségur. Si les vices des hommes restent à peu près tou- jours les mêmes , leurs formes varient sans cesse ; ils sont, selon l'usage des peuples, plus grossiers ou plus délicats , plus hypocrites ou plus effrontés , plus dominans ou plus comprimés -, ils ont , pour ainsi dire, selon les circonstances, différens costu- mes, différentes couleurs et différens langages. C u de Ségur. Les petits vices paraissent à travers les haillons de la misère. Mais la fourrure et la robe de soie cachent tout. Donnez au vice un bouclier d'or, et le glaive de la justice viendra s'y briser sans l'enta- DE MAXIMES. 4l)7 mer. Mais couvrez son bouclier de haillons , un pygmée va le percer avec une faible paille. Shakspeare. Il est des vices et des vertus de circonstances. N. Bonaparte. Celui qui a beaucoup de vices, a beaucoup de maîtres. Pétrarque. La peine du vice et du crime , est dans le vice et le crime mêmes. Rajnal. fa. Le premier et fondamental avis , est de ne vivre point à l'aventure, comme font presque tous. Ils ne goûtent, ne possèdent, ni ne jouissent de la vie : mais ils s'en servent pour faire d'autres choses. Leurs desseins et occupations troublent souvent et nuisent plus à la vie, qu'ils n'y servent. Ces gens-ci font tout à bon escient, sauf de vivre. Toutes leurs actions et petites pièces de leur vie leur sont sérieuses , mais tout le cours entier de la vie n'est qu'en pas- sant, et comme sans y penser ; c'est un présupposé à quoi ne faut plus songer ; ce qui n'est qu'accident leur est principal , et le principal ne leur est qu'ac- cessoire. Ils s'affectionnent et roidissent à toutes choses : les uns , à amasser sciences , honneurs , di- gnités , richesses 5 les autres à prendre leur plaisir, chasser, jouer, passer le temps ; les autres, à des spé- 32 4 9 3 DICTIONNAIRE culations, fantaisies, inventions -, les autres, à ma- nier et traiter affaires -, les autres à autres choses -, mais à vivre, ils n'y pensent pas. Ils vivent comme insen- siblement, étant bandés et pensifs à autres choses. La vie leur est comme un terme, et un délai pour l'employer à autre chose. Or, tout ceci est très-in- juste , c'est un malheur et trahison à soi-même ; c'est bien perdre sa vie, et aller contre ce que chacun se doit , qui est de vivre sérieusement , attentivement et joyeusement. Charron. / Il en est de la vie comme de tous les biens -, on les dissipe, tant qu'on les croit inépuisables. M. Droz. La vie est un arbre, dont le fruit est souvent amer. Pend-Attar. Cé\te vie est un sommeil, dont celle de l'autre monde est le réveil. Ferdoussj. L'arrivée du printemps , et le retour de l'hiver , plient, tour à tour, les feuillets du livre de notre vie, D'Jamj. /La vie nous paraît courte, et les heures longues ; nous voudrions alonger la chaîne, et rétrécir les anneaux. Addison. Si vous aimez la vie, ne prodiguez pas le temps \ car c'est l'étoife dont la vie est faite. B. Franklin. DE MAXIMES. $99 La vie tranquille et la vie oisive, sont deux choses fort différentes. B. Franklin. La vie est un concert ; pour peu que les cordes d'un instrument ne soient pas d'accord, le vrai mu- sicien s'en aperçoit. Évitons donc avec plus de pré- cision encore , toute dissonnance dans la vie, puisque l'harmonie des actions est de tout autre importance que celle des sons. Cice'ron. Il vaudrait mieux passer sa vie à ne rien faire , qu'à faire des riens. Pline. La vie est courte et ennuyeuse, lorsqu'on la passe toute à désirer, et qu'on remet à l'avenir son re- pos. La Bruyère. On dirait que la longue possession de la vie nous rend à la fin propriétaires, et qu'à force d'années, l'homme prescrit contre le tombeau. Young. La courte durée de la vie ne peut nous dissuader de ses plaisirs , ni nous consoler de ses peines. Vauvenargues. / La fin de la vie est triste, le commencement doit être compté pour rien , et le milieu est presque toujours un orage. Voltaire. La vie est trop flattée , la mâh trop calomniée : 5oo DICTIONNAIRE le sage qui sait user de Tune, et ne pas redouter l'autre , les compare ensemble et leur rend justice. /Young. La vie est comme une salle de spectacle -, on entre, on regarde, et Ton sort. Pythagore. La vie est un journal , sur lequel on ne doit in- scrire que de bonnes actions. Rivarol. La plupart des hommes emploient la première partie de leur vie, à rendre l'autre misérable. La Bruyère. Nous jugeons de la vie d'une manière trop désin- téressée , quand nous sommes forcés de la quitter. Nous n'en penserions pas de même, si nous obte- nions d'y rentrer. V auvenargues . La vie est courte, si elle ne mérite ce nom que lorsqu'elle est agréable; puisque si l'on cousait ensemble toutes les heures que l'on passe avec ce qui plaît , l'on ferait à peine , d'un grand nombre d'années, une vie de quelques mois. La Bruyère. Si la vie est misérable , elle est pénible à sup- porter -, si elle est heureuse, il est horrible de la per- dre ; l'un revient à l'autre. La Bruyère. Il n'y a rien que les hommes aiment mieux à con- server , et qu'ils ménagent moins, que leur propre vie. La Bruyère. DE MAXIMES. 5oi 11 y a un temps où la raison n'est pas eneore , où Tonne vit (jue par instinct, à la manière des ani- maux, et dont il ne reste dans la mémoire aucun vestige. 11 y a un second temps où la raison se dé- veloppe, où elle est formée, et où elle pourrait agir, si elle notait obscurcie , et comme éteinte, par les vices de la complexion, et par un enchaînement des passions qui se succèdent les unes aux aulres, et conduisent jusqu'au troisième et dernier âge. La raison, alors dans sa force, devrait produire; mais elle est refroidie et ralentie par les années , par la maladie et la douleur, déconcertée ensuite par le désordre de la machine qui est dans son déclin : et ces temps néanmoins sont la vie de l'homme. La Bruyère. Le pèlerinage de cette vie n'est pas seméde roses, et les dernières journées de la route, sont presque toujours les plus épineuses. Voltaire. Il faut avouer que la vie est comme le festin de Damoclès, le glaive est toujours suspendu. y . Voltaire. Quand on a passé le temps des illusions , on ne jouit plus de ta vie, on la traîne. Traînons donc. Voltaire. Je conviens que la vie n'est pas bonne à grand'- chose. Nous ne la supportons, que par la force d'un instinct presque invincible,, que la nature nous a donné. Elle a ajouté à cet instinct le fond de la boîte de Pandore \ l'espérance. Voltaire. 5o2 DICTIONNAIRE Ceux qui ne savent pas se faire des principes sur la manière de supporter la vie, sont comme ces malades qui ne savent souffrir ni le froid, ni le chaud. Le bonheur les transporte, le malheur les abat ; ils sont troublés par l'une et l'autre fortune , et surtout, par celle qu'on est convenu d'appeler heureuse. Plutarque. Selon le cours ordinaire des choses, de quelques maux que soit semée la vie humaine, elle n'est pas, à tout prendre , un mauvais présent -, et si ce n'est pas toujours un mal de mourir , c'en est fort rare- ment un de vivre. J .-J. Rousseau. Nous tenons à la vie, comme d'anciens locataires que l'habitude familiarise avec les incommodités de leur demeure. Sénèque. La vie est comme un drame 5 ce n'est pas sa lon- gueur , mais la façon dont il est joué , qui nous im- porte. Il n'est pas question de savoir à quel endroit vous finirez. Finissez où vous voudrez-, faites en sorte seulement que le dénouement soit bon. Sénèque. Quiconque méprise sa vie, est maître de la vôtre. Sénèque. Personne ne voudrait de la vie , s'il ne la rece- vait à son insu. Sénèque. Le sage se retire modestement de la vie , comme d'un festin. Démophile. DE MAXIMES. 5o3 Dans la plénitude du bonheur, chaqdejour est une vie tout entière. Goethe. La vie est le chemin de la mort. Saadi. La vie est trop longue pour le malheureux , trop courte pour l'heureux. Publius Sjrus. La vie d'un homme de bien, est un combat conti- nuel contre les mauvais penchans -, il n'est point de vertu, même la plus naturelle, qui ne soit attaquée incessamment, et sourdement minée par quelques vices secrets. C ta de Se'gur. La vie des hommes de bien, expire plus vite que la fleur dans le bouton : ils meurent avant d'être malades. Shakspeare. Le lendemain, puis le lendemain, et un autre lendemain encore s'avance, d'un jour à l'autre, d'un pas insensible, et tous nos jours passés n'ont l'ait qu'éclairer des insensés, dans le chemin qui mène à la sombre mort. La vie n'est qu'une ombre ambulante. Shakspeare. 11 nous importe plutôt de vivre bien, que de vivre long -temps. Publius S j rus. 5o4 DICTIONNAIRE tKnlkrfr. C'est une grande difformité dans la nature, qu'un vieillard amoureux. La Bruyère. Lorsque vous voyez un vieillard aimable , doux, égal , content et même joyeux , soyez certain qu'il a été, dans sa jeunesse, juste, bon, généreux et to- lérant ; sa fin ne lui donne ni regret du passé, ni crainte de l'avenir, et son couchant est le soir d'un beau jour. C u de Ségur. On tire peu de service des vieillards, parce que la plupart, occupés de vivre et d'amasser, sont désin- téressés sur tout le reste. Vauvenargues. Les vieillards qui ont étudié dans leur jeunesse , n'ont besoin que de se ressouvenir, et non d'appren- dre. Montesquieu. Le monde est usé pour le vieillard : le vieillard est usé pour le monde. Si nous entendions nos in- térêts , nous nous retirerions du monde , comme les abeilles quittent la fleur dont elles ont épuisé les sucs. Young. Les vieillards aiment 4 donner de bons préceptes, pour se consoler de n'être plus en état de donner de mauvais exemples, La Rochefoucauld. DE MAXIMES. 5o5 Le vieillard frivole et vicieux , est celui qui res- semble le plus à l'enfant; mais c'est un enfant dis- gracieux : son babil bégaie, sa légèreté radote, son sourire grimace ; ne pouvant refaire les folies et les étourderies de sa jeunesse, il les remâche, et les raconte pesamment. Sur ses rides, on devrait voir avec respect les leçons de l'expérience gravées, on ne reconnaît que la sottise et le vice qui ont pris leur pli ; ses cheveux blancs promettaient la sagesse , ses paroles et ses actions ne montrent que la folie. Beaucoup d'hommes sont de vieux enfans. C de Ségur, Les vieillards chagrins sont ceux que leur mé- moire tourmente, et qui regrettent une vie mal dépensée, C u de Ségur. Tout le monde souhaite de vivre long -temps, mais personne ne veut passer pour vieux, à cause sans doute des imperfections qui rendent les vieil- lards , ou dégoûtans , ou à charge aux autres. Avec tout cela , un âge honorable est la couronne d'une vie vertueuse -, et les cheveux blancs d'un vieillard sans reproche, sont des lauriers dont le temps le couronne ; tout vieillard qui mène une vie bien séante à son âge, mérite respect. Oxenstiern. Les vieillards doux , modérés , et d'une humeur facile, jouissent d'une vieillesse supportable : l'hu- meur dUïicile et chagrine rend désagréable à tout binit 5 6 DICTIONNAIRE ;agréab Clcéroîi. Les débauches de la jeunesse, sont autant de con- jurations contre la vieillesse -, on paie cher, le soir, les folies du matin. Bacon. Pour ceux qui n'ont point de ressource dans eux- mêmes , tout âge est difficile à passer. Mais , lors- qu'on tire de son propre fonds toute sa félicité, on ne trouve rien de fâcheux dans les ordres de la na- ture. Appliquons cela surtout à la vieillesse. Tout le monde souhaite d'y parvenir ; et quand on y est arrivé, tout le monde s'en plaint : tant il y a d'in- constance et d'injustice, dans les hommes qui ne rai- sonnent pas! La vieillesse, disent-ils, est venue à eux sourdement, et bien plus vite qu'ils ne s'y at- tendaient. Mais s'ils ont mal supputé , à qui la faute? Car la vieillesse s'est-elle plus vite glissée après la jeunesse , que la jeunesse après l'enfance? Mais , de plus, leur serait-elle moins onéreuse au bout de huit cents ans , qu'elle ne l'est au bout de quatre- vingts? Tout le passé, quelque long qu'il fût, ne pourrait, étant passé , consoler une folle vieillesse et l'adoucir. CicérOll, traduction de l'abbé d'Olivet. Une heureuse vieillesse est le fruit d'une saiie DE MAXIMES. 5o 7 jeunesse : l'une a préparé a l'autre de nobles vo- luptés. O de Ségur. La vieillesse qui termine une vie obscure , n'ins- pire que de la pitié; celle qui couronne une vie utile , vertueuse, illustre, commande la vénération. C te de Ségur. Une belle vieillesse fait encore mieux quelque- fois que de couronner une belle vie ; souvent elle en a expié et réparé une mauvaise : comme on voit des monumens plus vénérables dans leur vieillesse , tandis que d'autres se dégradent par le temps. C" de Ségur. L'avarice adhère à la vieillesse , comme à la jeu- nesse l'amour. Shakspeare. La vieillesse est à la fois l'objet de nos désirs et de nos murmures. Cicéron. La vieillesse ressemble un peu à la vertu : on la respecte . mais on ne l'aime pas ; elle annonce la fin du banquet de la vie. C Le de Ségur. La vieillesse chagrine est le résultat d'une jeu- nesse mal cultivée : la saine vieillesse , qui termine une sage existence, c'est le bon fruit dans sa matu- rité. C le de Ségur. A mesure que la possession de la vie est plus 5o8 DICTIONNAIRE courte, je veux la rendre plus vive, plus pleine, plus profonde -, je veux arrêter la légèreté de sa fuite, par la promptitude de ma saisie-, il faut secourir la vieillesse , il faut l'étayer. Je m'aide de tout ; et la sagesse et la folie auront assez affaire de m'aider, par office alternatif, dans ce dernier âge. Montaigne. L'espoir de rejoindre les êtres chéris qu'on a per- dus , adoucit, pour la vieillesse, l'approche de la mort , et la métamorphose presque en plaisir. Cicéron. C'est dans l'enfance qu'on jette les fondemens d'une bonne vieillesse. Plutarque. La vieillesse languissante et ennemie des plaisirs, dégoûte du présent , fait craindre l'avenir, rend in- sensible à tout , excepté à la douleur. Fénélon. La vieillesse est un tyran qui défend , sous peine de la vie, tous les plaisirs de la jeunesse. La Rochefoucauld. Une couronne n'empêche pas de vieillir chaque jour de vingt-quatre heures -, et si c'est avec plus d'éclat , c'est ordinairement avec moins de gaîté et de repos, JVeiss. La jeunesse est la saison de Faction, la vieillesse celle de la réflexion. Young. DE MAXIMES. 5o 9 Les conseils de la vieillesse éclairent sans échauf- fer, comme le soleil de l'hiver. Vauvenargucs. On craint la vieillesse, qu'on n'est pas sûr de pou- voir atteindre. La Bruyère. On espère de vieillir, et Ton craint la vieillesse-, c'est-à-dire l'on aime la vie, et l'on fuit la mort. La Bruyère. Dieu fait grâce à ceux à qui il soustrait la vie par le menu. C'est le seul bénéfice de la vieillesse. La dernière mort en sera d'autant moins pleine et nuisible; elle ne tuera plus qu'un demi ou quart d'homme. Montaigne. Pour celui qui cultive une douce philosophie, la vieillesse même n'est point un sujet d'alarmes. Tous les hommes sont à peu près du même âge; à quatre- vingts ans , on est aussi sûr qu'à seize ans de voir encore le lendemain. M. Droz. Jointe à la grande misère, la vieillesse n'a plus de douceurs , même pour le sage : unie à la plus grande fortune , elle est encore fâcheuse pour l'in- sensé. Cicéron. La vieillesse est le fruit de la sobriété \ et si elle ne vaut pas un désir, elle ne mérite pas non plus un refus. 11 est agréable de rester long-temps avec 5io DICTIONNAIRE soi , quand on s'est rendu une jouissance digne de Se/ lègue. soi. itoiujjti. On entend communément par volupté, tout amour du plaisir qui n'est point dirigé par la raison , et en ce sens, toute volupté est illicite; le plaisir peut être considéré par rapport à l'homme , qui a ce sen- timent, par rapport à la société, et par rapport à Dieu. S'il est opposé au bien de l'homme qui en a le sentiment, à celui de la société, ou au com- merce que nous devons avoir avec Dieu , dès-lors il est criminel. On doit mettre dans le premier rang, ces voluptés empoisonnées qui font acheter aux hommes, par des plaisirs d'un instant, de longues douleurs. On doit penser la même chose, de ces vo- luptés qui sont fondées sur la mauvaise foi et sur l'infidélité ; qui établissent dans la société la confu- sion de races et d'enfans , et qui sont suivies de soupçons, de défiance, et fort souvent de meur- tres et d'attentats , sur les lois les plus sacrées et les plus inviolables de la nature. Enfin, on doit regar- der comme un plaisir criminel le plaisir que Dieu défend, soit par la loi naturelle qu'il a donnée à tous les hommes, soit par une loi positive; comme le plaisir qui affaiblit, suspend, ou détruit le com- merce que nous avons avec lui, en nous rendant trop attachés aux créatures. Diderot. E MAXIMES. 5.i La volupté est à la t'ois violente et pipercsse : plus elle nous mignarde , plus défions-nous - eu ; car elle nous veut embrasser pour nous estrangler; elle nous appaste de miel , pour nous saouler de fiel. Charron. Le plaisir s'avilit, si le sentiment ne l'accompagne; pas, et, séparée delà délicatesse, la volupté perd ses charmes les plus touehans» Weiss. Si tu épuises la volupté jusqu'à la lie, tu ren- contreras la peine au fond du vase. Yoimg. La volupté est-elle un bien ? non ; car le vrai bien doit être utile, et mériter les soins d'un homme vertueux et honnête-, mais un homme vertueux et honnête s'est- il jamais repenti d'avoir négligé la volupté? donc la volupté n'est ni utile ni bonne. Marc-Aurèlc. Si la douleur de tête nous venait avant l'ivresse , nous nous garderions de trop boire-, mais la vo- lupté marche devant pour nous tromper, et nous cache sa suite. Montaigne. La conscience, la réputation, la santé, la bourse, sont des victimes qu'on sacrifie à la volupté. Oxenstiern. On ne quitte guère les voluptés, que par lassi- tude. S aint->Év remont. 5i2 DICTIONNAIRE La volupté est sur les bords de la douleur -, elle y tombe, sans la plus grande justesse d'équilibre. Sénèque* Redoute la volupté -, elle est la mère de la dou- leur. Solon. La volupté n'est pas le bonheur 5 il peut se passer d'elle. Pjthagore. Si l'amour ne dépendait que des sens , la volupté suffirait pour le satisfaire. Moncrif. La tempérance est la plus fine et la plus délicate des voluptés. Sénèque. La volupté suppose beaucoup de choix dans les objets , et même de la modération dans la jouis- sance. Roubaud. La volupté affaiblit l'esprit , et corrompt le cœur. Vauvenargues. y*'» M FIN. labl e te# matière*. Page* I Abaissement Abus 2 Actions . . . , 2 Adversité 4 Affliction 5 Ambition 8 Ame ii Ami ! i3 Amitié 19 Amour 26 Amour-propre 34 Art. — Arts 38 Athée. — Athéisme. 3q Avare 45 Avarice 45 Avenir . 48 Beauté 5i Bien 62 Bienfaisance 53 Bienfait 67 Bienveillance 60 33 5i4 TABLE Pages Bonheur 61 Bonté 71 Calomnie 73 Caractère . < 74 Célébrité 78 Clémence 79 Cœur 80 Colère 81 Complaisance 83 Oonfiance 83 Conscience 84 Conseils 87 Considération 91 Consolations 92 Constance 92 Conversation 95 Courage 96 Courtisan 99 Coutume 100 Crime 101 Défauts 104 Désirs io5 Devoirs 106 Dévotion 107 Douceur 100 DES MATIERES 5rô Page. Douleur no Économie 1 1 1 Éducation 112 Égoïsme. — Égoïste 1 14 Élévation 1 20 Éloge 121 Éloquence 122 Enfant. — Enfance i53 Ennemis 157 Ennui i38 Envie 141 Erreur i44 Espérance 1^6 Esprit 148 Estime * i54 Étude i56 Exemple 160 Expérience 161 Faiblesse i63 Fat ! i65 Fautes 166 Faveur 169 Femme 171 Fierté 178 Finesse 17g 5iC TABLE Pages Flatterie 181 Fortune 184 Générosité 190 Génie 191 Gloire 194 Goût 199 Grandeur ao5 Habitude 207 Haine 209 Histoire 210 Homme 2i5 Honneur 219 Humanité 222 Humeur 225 Hypocrisie 225 Idées 227 Ignorance 229 Illusions 8 232 Imagination 234 Ingratitude. 239 Injustice 242 Innocence 243 Insensibilité 244 Intérêt 2/fo DES MATIERES. 5ij Page. Intolérant. — Intolérance 248 Jalousie 25 1 Jeu 254 Joie 258 Jugement 260 Justice 262 Libéralité 266 Liberté 268 Lois 270 Louange 275 Luxe 279 Malheur 284 Mariage 288 Médisance 293 Mémoire 295 Mensonge 297 Mépris 5oi Mérite 3o3 Modération 3o6 Modestie 309 Mœurs 3i3 Monde 3x5 Morale 319 Mort 521 5i8 TABLE Pages Noblesse 328 Oisiveté 534 Opinion 336 Orgueil 340 Paresse 347 Passions 34g Patience 354 Patrie 356 Pauvre. — Pauvreté 35g Pensée 363 Péril 366 Philosophe 367 Philosophie 370 Piété 374 Plaisir 374 Politesse 579 Politique .384 Préjugés 586 Probité 38 7 Procédés 389 Prospérité 390 Prudence 592 Puissance 393 Qualités 396 DES MATIERES. 5ig Pagti Raison 398 Raillerie 4 02 Reconnaissance 4°5 Religion 4°6 Réputation l\\i Richesse. — Riche /±i5 Ridicule 4 2r Rois 4 2 4 Sage 427 Sagesse 4^o Science 4^ 2 Sensibilité 4^5 Sentiment 4^8 Services 4^9 Servitude 44 1 Simplicité 44 2 Sincérité 446 Société 447 Solitude 45 x Sots 453 Suicide 4^6 Superstition 457 Talent 462 Temps 469 Travail 4 7 5 520 TABLE DES MATIERES. Pages Usages 477 Vanité ... — 478 Vérité 481 Vertu 487 Vice 4 9 4 Vie 497 Vieillard 5o4 Vieillesse 5o6 Volupté 5io FIN DE LA TABLE DES MATIERES. DICTION )E MAXIMES m <» i v ni MAXIMES, PENSEES, SENTENCES, REFLEXIONS ET DEFINITIONS ES K C Et I V A I K S TA \ n < I ! M. J.-F.-G. HENNEQUIN o a n VPiIS ): i.l'll! Dl LUI \\ S LIBRAIRE i- ù r r;i i: V0LTAH.K . i-ft I 8 Mi QUI SE VENDRONT SEPi» TJ -© •* o 1 -, ■ 3 i ST. E •< Traité d'Anatomie générale de Bichat, revu et augmenté par les m ln-8°. W \ g e /. Recherches sur la Vie et la Mort , par Bichat ; suivies des ouvrages * ** ' irelle des phénomènes physiologiques , . £- ^ ~" :. i vol. in-8°. 5* I s ta ►fl ar M. Beiignot,D.-M.-P., ancien chef d» • 3 <-, ire d'Alfort. i vol. in-8°. _. ^ ~ a/e, par M. J. Frank, professeur de ci ^ r - H îa, traduit pour la première fois en ^ oz. . égé de la faculté de médecine de Paris. S ï z ticale , par S. Cooper, traduit par M. Del o * -; Halle et Tourtelle , professeurs d ^_ S isbourg , avec des additions et des notes ce p ital Necker. i vol. in-8°. * % ie matière médicale, par M. Giacomini , p. S" n ersité de Padoue , traduit par MM. mojon e'. s. §* s S y. JE par M. Eusèbe de Salle, D.M., suivi < • > , - unplet des lois , ordonnances et règiCuer. § •cicc des diverses branches de l'art de gL_ «- çL ix , par scarpa , avec des additions et des notes , tes Maladies des femmes et des enfants, par v l'université de Clascow , traduit , pour là ^ i roi», w . «w D .„.„ ,,„. „ D r Calliot, sur la f e édition, i vol. ln-8°. I» Traité de Physiologie, par MM. Brachet et Foulhoux, médecins de l': S| de Lyon, i vol. in-8°. ^ Traité (te Chimie Médicale, par M- Bebgbot, D.-m.-P., ancien chef deo ^ chimiques de l'école vétérinaire d'Alfort. i vol. in-8°. ^ Hippocrate, texte latin de Foès et traduction française de Gap.deil e J 2 vol. in-8°. * Celsb , latin et français, i vol. ir ^\ m Sydenham et hcxam, traductions i vol. in-8°. Prihgle et lind, traductions françaises, i v in-8°. Stoll . traduit par le professeur Mahon , avec les aphorismes de Su |J^> Bocrhaave, et les notes de Pinel, Mahon , etc. i vol. in-8°. . Morgagni , Traité du siège et de* causes des maladies, traduction fra: H Dbstouet. 3 vol. ln-8°. * Mémoires de l'Académie Royale de \ précédés d'une aalys*. -- profe8*eur Marjolin, et suivis de ^ aires inédits. 3 vol. in-8°. j* ^ ^^ Tissot, OEuvrcs, édition du professeur Halle, i vol. in-s°. en ziMMERMAîfi», Traité de l'expérience, Traité de la dysenterie; 2l bartrf ~- ^ die* goutteuses, i vol. in-8*. ,: ^ — — Corvisart. Maladies du cœur, percussion de la poitrine; et Batle, pu.. ^ pulmonaire , Pustule maligne , Anatomie pathologique, i vol. in-8°. RAMAzzmi , Roederer , wagler et J urine , Traité des maladies des artisat*» . » z ^ «_ i vol. ln-8°. — ' L Biographie médicalb. i vol. in-8°. * — -> H^ Chopart. Voies urinatres. i vol. ln-8\ ~ *zz. /^*\ r- s rr à^w x O 5= PAB1S, IMP. DE PLOÏt FRERES, 36, 7.UF BIBLIOTIIKQUR D'UN HOilMIl DE liOUT ^ Acnfi. , . M411. A. huit Al'timi. Vie de M A - 1 André. . . . OF.111 '. ■ • - 1 Araco (J.). *- ' - j . • 1 ARRTIN. . Arkacid.. . Œuvre* philosophique* Amnoulk et Fur 1 Augf.r. . . • . K\Ck «OiiVfll .... llil.M' . . . B»ltll I . I • ■ i' treize. . — Cé«ar Birotteao. ... I I — Théâtre. . . . — le Faiseur. . ItWR (M-) Nouvelles. Rohertine. . Raoul, ou l'Enéide. . v ' Peacdoui (M"*). La Science mater- nelle. Peaumont. . Système pénitentiaire. Beecher Stowe. La Case d< "Oncle Toml . — Noii»elle*a!iM'rieatne«. . Becbard. . De l'Administration. . . — La Commune. . BRNVBNUTO Ceu.ini. OEuvi Ber>ardi. . Glacier impérial, .... Hi.aze de Bruv. Voj. en Autriche. . BoiTARti. . . Les vingt-sis Infortunes de Pierrot. ., . Bosîuet. . . Défen 1 — El. valions a Dieu. . . . Histoire des Variations. — Avertissements aux Pro- testants Bourdon . . Illustres médecins. . . . — lit. à 1 mille sur la t Grno il 1 Cihaiidin (M 1 I.IRU t.T l'E physiologie. r. . . La Tur Campenon. Capetigue. CeRFBEEB. Cervantes Chambrun. Bouvet. . .La Tu Bûchez. . . Assou.' Bt'FFIER. . . OEuvi Burney (Miss). Evelina. . • plètts. . . . Buhot de Ker&ers. lli-toire de la Tour d \ OEuvr 1 < Les Larmes d.' Jacques Pineton deChanibrun. . Chauriêue (M— de). Caliste Ciiemeii. . . Poésies. . . . CLARhE. . . OEUVI Clément d'Alexandrie (Saint). UEu- vres choisies Cooper. . . Dernier des Mohicans. . I I Damas Hinard. H D 1 . I . ESTER! 1 I I D • .1 l Jaequ>"- ' lies de Lierre. M-moires i\ «•.«■■ «« 300 valus GiT.iiir. . . P Gogol. . . . N GuiCHARD. . J. GUJNOT.. . . S HlLKlIKIil. . I. Hoffmann.. C Husoré. Hugo. . y Les On 1 Nolre-I) H an ; — Dernier jour. . . - Feuillet d'Aul., ilosop. 1 Théltre. . . . Le Rhin IncWald (Mistu JANi.t. . . . Conl ■ . '. Chri-t. 1 Lacoj. . I IA ■ ., ,,, \i es de Ilo I peuple. . Landais. . . Lettres à An Lapointe et F. i>e Heiffenberc. Les Lapoiyie. . Il était une foi?; . . . . 1 Lecleruq. . OEuwes dramatiques et complètes s Leroux de Lincy. Les Ferniiie3 célè- bres 1 Hagu. . ■ . Poésies de Mapu 1 Malherbe.. Poi . . . . 1 Manzo*!. . . . 1 Makc-Aubèlk. OEuvres par Alexis Pierron l 1rs de Voyage.. . 1 : l'Alc-lier ... 2 ' Marie-Louise. 3 Mémoires d'un ? de province. . 1 1 Mahmiei. Martin. Masson. Meneval ■ ■ ■ 1 l'avenir. In Manape le Pins.. . i la K.'vo- -IHIOII — Prix de chaque voli.ni Surv Vanl Vey. VlARI . E ,> s Wet.. . Zaccone. fr -1 1 ■ tic ■io ÏJ> tf u. H w P •a — S w 5S X H E— < ce ce >J C=> > -Ca3 o ce p==» Cu H —3 «3 tf pi3 o ta -P fi H o « 3 ffi H l> ENCYCLOPEDIE DES JCES MÉDICALES; ÎLE , BAUDELGQUE , BEUGNOT , BOÇSQOET , BRACHET , — -~\U, CAPDRON, CAVENTOD, CAÏOL, COITEREAU, LE, FDSTER, GERDY, GIBERT, GUERARD, HDGDIER, LAENNEC, ,OIB , LISFRANC, MALLE , HARJOLIN , MARTINET, SALES, SÉGALAS, SERBES, ADG. THILLAYE, VELPEAU, VlRET. BAYLE, RÉDACTEUR EN CHEF. TROISIÈME DIVISION. CHIRURGIE. MÉDECINE OPÉRATOIRE. 136% 146% 149% 156% 159- et 160-). 2 • s c ce i>. s i £ „ | £ PARIS. JLLIER, LiBBAIBE-ÉDITECB ^ g I e -* S § O .' P'ACE SAINT-ANDRE-DES-ARTS, 11. 11- •* I 18*5. ■*, ,s8>* f _ , .- —.— «»«*» ^ _ , >'> 3 3»JJ >o J> )»>» v> > »^>> » > *■• ■ >7S>^^> '" * ■. > :> »^3>' - » > > 332> >^^> 33^- >>^> >>^C >j 3 2»r>- >3 3 333~ »22 ► 33U » Z> 3^>^ >> ^> >3^3 >} 3 ► 332T O 3 ► 3jgg >> T> «o >^~: > y$si o>^ > jg 33 23 » 23 » j>)TT| > ^^a 3)T^B »3>3:>i»^>>-'2 >; 33>ï> >> !>"> °C » > :> >>> j - »> >2 >3j zr 33) lL l>_3>B> >2>v3 ■ >>^> ;>» _ -^> >s> 3>» : > 2> »^ ^r >>d> :»3 >,=- ^ i> :> r> s^ ;» >s> 3» ^..3| z> >:>:> ^>3 >j> 2» :> - ' 5> J> 2* O» 2> >i> 2>>3 - 323 :w^ i 7 3 3 22ïr T>^> 2>2>2»^> 3:»s> 2> ^ ^ 3 :> 2» * 2*32>2>2> J> 3:3>^3»^>: > 3 3^23* S3g .2; >•>:> 2^ 3.5 >»3 2^> e >0"2» >I ) ;>3 ^* 3T 1^ >/^ » X>Ç>^>:3 ■» > 3 • >>:0 3»1 i ï> s 3>1 >4> 15»'i > ■ >> - 5> >x»>^ >>»^ >3> » T> >>»_3 :^ -»■> >^> > >:> » '"^t. >> 3e> >>>» 35I».J •x> 33 »X> 3QJP >:> » »x? >>JM>^ ^»> ï»X> ~>\>) . 3'5> ^3> ^» ^>5> ^^^> 3 33>^ )3> » î)3 333^^ ï>33> » JÎK>^»3 ->>0 S J> Z>3 >^ ^> 332 )3^ ^»»:> 332Q^ ),)> 2>> >^ 3 3332^1 » - » > ? > > ^. 3 ^> * > ^>3 » > > ► > >3 > . -» > > > » > >2> 333> > ^) t> >^» Deacidified using the Bookkeeper pr Neutralizing agent: Magnesiun- Treatment Date: Dec. 2007 PreservationTechnologies A WORLD LEADER IN COLLECTIONS PRESERVATION 111 Thomson Park Drive Cranberry Township, PA 16066 (724) 779-2111 _. » > >> > > > > > > , , > > > » > > > > > > > «>:* > >>>> > » >; » > > !>>>>>>> » >»> >> > -> > > )j > ^ > > > » • >» > > > _3 > > ~!» > > > sa* > >yj»> > > > :»> . » x»> ? ~> > J9 » >» > > > J» »>J.2>8> > > > J9 ,» ->> 3» J> > >_»> :> > > >:» ;» » :h*> > ■ »> > j»i ^ > » > > > J*J* n y ■ JKP > > > > ► ^ > >y > j 1>> » JE>>.^ > J> > > 3 > > ■ m iv y > > > •>aj J^ y ►^a ■^ > te ; »a 1^ j » J ^ *j^ > , ^ |B» »g 1^ ^ ji ^ '3 ^ j> > ^ » *-3 ^ > 5 ^ » - 3» » > > > » > ^^ ► > > > » ' 2^Bi » > > > * ~\^^n* > > > "!fc ► >^3 ^ > > J> ►> n ^ > > ^K ► za ► > ^ ► ^i » > ^» ■^ — » > > ' ) :^ :> ^ m> » ^te> )^> >^ » > >1X> >) »J>I> >-> >^te > »>» - — y >> X> >^te > »» -j^ j-^ > :>^> > Z>il> ^ » Z>J> > 2> Z9 y D . 2>J> > ?;> ; ► ^> > ^) ^>J | > > ^ > » > >>) ) ^ > > >_> >> > ^> ^>l) > » ^> > 0.> > >3 > > )>) )^ > J> ^^ ) >> >:>■>■>> > > rV LIBRARY OF CONGRESS 020 857 246 5 SW 1